Europe

A l’Encontre - « Nous avons besoin d’une action coordonnée pour sauver le NHS »

Novembre 2022, par Info santé sécu social

Par Rachel Iboraii

Dans son évaluation annuelle du système de santé et des services sociaux en Angleterre (21 octobre 2022), la Care Quality Commission a décrit le NHS (National Health Service) comme étant « bloqué » et « incapable de fonctionner ».

Un nombre record de plus de 7 millions de personnes attendent un traitement qui devrait être assuré par le NHS. Ce chiffre augmente chaque mois. Quelque 2,75 millions de personnes attendent pour être prises en charge depuis plus de 18 semaines et près de 400 000 personnes depuis plus d’un an. Les normes en matière de soins du cancer ne sont toujours pas atteintes. Le nombre de personnes fréquentant les services d’urgence est resté stable, mais les temps d’attente ont explosé et le nombre de patients attendant plus de 12 heures est désormais 88 fois plus élevé qu’il y a trois ans.

L’augmentation des listes d’attente est antérieure à la pandémie de Covid. Elle est le résultat direct du financement insuffisant du NHS par les gouvernements conservateurs. Au mieux, les attentes prolongées sont synonymes de désagréments, d’anxiété et d’inconfort pour les patients, mais pour certains, elles signifient une détérioration de la santé, une attente douloureuse et une mort prématurée. Les personnes qui vivent dans les régions les plus défavorisées attendent plus longtemps. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le mécontentement à l’égard du NHS soit au plus haut depuis 25 ans. La satisfaction du public a chuté par rapport à tous les services du NHS – y compris les patients hospitalisés et les patients soignés en ambulatoire, les services d’urgence, ainsi que la médecine générale et la dentisterie. En outre, le coût pour répondre aux exigences d’entretien – entretiens qui sont en attente – a atteint 9,2 milliards de livres sterling. Or, une grande partie des travaux d’entretien nécessaires sont décrits comme urgents pour éviter de nuire aux patients ou au personnel.

Le gouvernement prétend que la crise du NHS est due à la pandémie de Covid, mais c’est un mensonge. La pandémie a accéléré la trajectoire sur laquelle le NHS était déjà engagé. La crise du NHS a été causée par des années de sous-financement chronique des soins de santé et des services sociaux. Avec l’augmentation de l’inflation et la politique budgétaire, le NHS fera face à des coupures massives à long terme. Les Integrated Care Boards (ICB) – qui établissent un lien entre le NHS et les « partenaires » ayant statut de fondation et de trust – nouvellement formés chercheront à réaliser 5,5 milliards de livres d’économies ciblées. En septembre 2022, le gouvernement a annoncé un financement d’urgence de 500 millions de livres sterling pour préparer l’hiver, mais aucune structure du NHS n’a encore reçu cet argent.

Au sous-financement chronique s’ajoute une crise massive du personnel. Il n’y a tout simplement pas assez d’infirmières, de sages-femmes, d’ergothérapeutes, d’aides médicaux, etc. pour fournir les traitements et les soins dont les gens ont besoin. Les dernières statistiques montrent qu’il y a 132 139 postes vacants dans le NHS, dont 46 828 infirmières. En outre, l’enquête sur le personnel du NHS a révélé que 19% des employés prévoyaient activement de quitter leur emploi et que 38% envisageaient de le faire.

Le salaire est évidemment un problème clé, car le personnel infirmier est obligé de choisir entre le loyer et la garde des enfants et a du mal à acheter les produits de base alors que l’inflation monte en flèche. Les salarié·e·s du NHS sont invités par leurs syndicats à se mettre en grève après que le gouvernement a imposé une nouvelle augmentation salariale inférieure à l’inflation. Il est essentiel que ces scrutins aboutissent [le RCN-Royal College of Nursing a indiqué, le 8 novembre, qu’une majorité des 300 000 salarié·e·s consultés s’étaient prononcés pour la grève], non seulement pour garantir que les salarié·e·s du NHS reçoivent un salaire décent, mais aussi pour montrer clairement qu’un mauvais salaire entraîne une détérioration des soins. Lorsque le personnel part pour trouver des emplois mieux rémunérés, il n’y a tout simplement pas assez de personnes pour traiter et soigner les patients. Ou alors le personnel fait des gardes supplémentaires, ce qui entraîne une fatigue et un stress qui peuvent nuire aux patients.

Cependant, il faudra plus qu’un salaire décent pour que le NHS puisse assurer les soins et les traitements dont les gens ont besoin. Le NHS doit recruter un nombre important de soignants pour faire face aux listes d’attente et à la crise des soins sociaux. Pour commencer, nous devons exiger que les personnes qui suivent une formation pour devenir des professionnels de la santé reçoivent un salaire décent pendant leur formation.

Les conditions de travail doivent être améliorées car les professionnels de la santé s’affrontent au stress, aux traumatismes sur le lieu de travail, aux brimades, aux longues heures de travail, à la violence et aux abus sur le lieu de travail. En fait, les infirmières ont deux fois plus de risques de se suicider que la population générale.

Lorsque Jeremy Hunt [chancelier de l’Echiquier] parle de prendre des décisions difficiles, il annonce un nouveau cycle d’austérité qui se traduira par des coupes dans les services du NHS, des réductions du salaire réel pour les travailleurs de la santé et davantage de privatisations. Les grèves sont essentielles pour défendre le NHS, mais nous devons aller plus loin pour garantir un service de santé de qualité. Les patients, les salariés, les syndicats, les collectivités et les mouvements sociaux devront coordonner un mouvement s’opposant à toutes les réductions et privatisations et agissant en solidarité avec les salarié·e·s du NHS. Cette coalition doit être prête à employer une variété de tactiques, y compris des manifestations, des actions directes et des grèves. (Publié par rs21, le 7 novembre 2022 ; traduction rédaction A l’Encontre)

Rachel Iboraii est salariée du NHS

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