L’hôpital

Allo-docteurs - Crise de l’hôpital : "nous avons le coeur brisé"

Février 2020, par Info santé sécu social

Crise de l’hôpital : "nous avons le coeur brisé"

En ce 14 février, ceux qui font vivre l’hôpital public expriment leur colère sous la forme d’une déclaration d’amour à cette institution irremplaçable. Ils espèrent avoir enfin des réponses satisfaisantes de la part du gouvernement.

Par La rédaction d’Allodocteurs.fr avec AFP

La journée n’a pas très bien commencé... Interrogée sur la mobilisation hospitalière qui dure depuis des mois par France Inter ce matin, la ministre de la Santé semble considérer que tous les efforts nécessaires ont déjà été accomplis. « Les mesures que nous avons annoncées sont des mesures massives de réinvestissement dans l’hôpital public, des mesures inédites », explique-t-elle.

Un rendez-vous au ministère dès la semaine prochaine ?

Mais l’ampleur du mouvement a au moins accéléré son calendrier : elle accepte de recevoir les collectifs hospitaliers dès la semaine prochaine au lieu d’attendre le mois de mars. Il n’est cependant pas sûr que son programme pour cette réunion convienne aux équipes en colère depuis des mois. Car si la ministre n’exclut pas des « mesures complémentaires », elle souhaite « qu’elles viennent du terrain. » Selon elle, la diversité des situations est telle « qu’il n’y a pas une solution qui serait efficace pour l’ensemble des hôpitaux ».

"On ne pourra pas faire l’économie d’une hausse des salaires"

Une perception très différente de l’analyse des grévistes ​qui alertent depuis des mois sur la gravité de la situation. Pour eux, il y a bien des problématiques globales à tous les établissements. Comme les difficultés de recrutement qui génèrent une pénurie chronique de personnels. "Maintenant, tout le monde sait qu’on est mal payés", souligne Hugo Huon. Le président du Collectif Inter-Urgences à l’origine du mouvement il y a onze mois estime que pour sortir de cette crise, "on ne pourra pas faire l’économie d’une hausse des salaires".

Selon lui, les primes annoncées pour des infirmiers, aides-soignants, manipulateurs radio et auxiliaires de puériculture ne suffiront pas plus que le « plan d’urgence » annoncé en novembre par le gouvernement. Même conclusion du Dr François Salachas, neurologue, membre du Collectif Inter-Hôpitaux : "Ce mouvement n’a obtenu aucun résultat en termes d’embauches et d’attractivité", constate-t-il. "Ce qui se passe devant nos yeux, c’est la destruction de l’hôpital public".

Nous avons le coeur brisé"

Alors ils redescendent aujourd’hui une nouvelle fois dans la rue pour protester. Et comme c’est la Saint-Valentin, les collectifs organisateurs proposent aux soignants d’"apporter une fleur blanche" pour "témoigner (leur) amour à l’hôpital public".

Il ne faudrait pas que ces fleurs se transforment en couronne mortuaire. « Nous avons le coeur brisé » figure parmi les slogans inspirés par cette journée des amoureux. Et cela traduit parfaitement la véritable blessure racontée par nombre de manifestants. Avec un sentiment de perte de sens et de mise en danger des patients. Ces professionnels qui ont choisi le service public se sentent trahis.

Des centaines de démissions et de véritables départs

Le mouvement des démissions de médecins et de chefs de service est un des symptômes de la profondeur de cette crise. Devenir chef de service, devenir professeur hospitalier, c’est normalement l’accomplissement d’un immense engagement, d’une vie. Or, en ce début d’année, ils sont environ 800 à avoir renoncé à leurs fonctions administratives, désertant les instances de direction pour se consacrer exclusivement aux soins.

Et certains vont encore plus loin, abandonnant tout à fait l’hôpital public. Comme le Pr Jean Lacau Saint Guily… qui était pourtant chef du service ORL et de chirurgie cervico-faciale de l’hôpital Tenon (AP-HP). Après trente ans d’exercice, il part rejoindre une petite structure. « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand on nous a annoncé la suppression des aides-soignantes de mon service pour des raisons budgétaires, en affirmant que les infirmières pouvaient à la fois faire des soins et distribuer les repas. » explique-t-il.

Décès dans le service des urgences de l’Hôpital Lariboisière à Paris, décès d’une enfant handicapée à cause d’une prise en charge trop tardive à l’hôpital Necker, à Paris également… transferts d’enfants ayant besoin de soins de réanimation à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale faute de lits disponibles… Combien de morts faudra-t-il pour que la ministre comprenne l’urgence de la situation ?