Branche maladie de la sécurité sociale

Alter-éco-plus - Protection universelle maladie : quoi de neuf...

Février 2016, par Info santé sécu social

Entretien avec Didier Tabuteau

Propos recueillis par Céline Mouzon

La protection universelle maladie (PUMA) est entrée en vigueur le 1er janvier. Instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, elle fait disparaître la CMU de base. Elle doit faciliter le maintien des droits en cas de changement de régime, une situation qui concerne chaque année deux millions de personnes, ainsi que l’autonomie des membres d’une même famille. Entretien avec Didier Tabuteau, Responsable de la Chaire santé de Sciences Po.

Qu’est-ce que la PUMA ?
La protection universelle maladie est un nouveau dispositif qui tire les conséquences théoriques et pratiques de la réforme de 1999 instaurant la couverture maladie universelle de base (CMU). Sur le plan théorique, cela signifie la fin de l’assurance maladie attachée au seul statut du travailleur avec des droits dérivés pour les enfants, conjoints, pacsés, etc.

C’est la fin de l’assurance maladie attachée au seul statut du travailleur
De ce point de vue, la CMU représentait déjà un entre-deux : il s’agissait d’un système résiduel pour ceux qui, par leur statut, n’ont pas droit professionnel à l’assurance maladie. La PUMA constitue l’aboutissement de ce processus : la couverture maladie sera désormais attachée indistinctement au statut de travailleur ou à celui de résident. Elle marque l’aboutissement de l’ambition d’universalité de la protection maladie poursuivie par les fondateurs de la sécurité sociale, 70 ans après sa création.

En pratique, qu’est-ce qui change ?
Il faut d’abord préciser que ce dispositif n’étend pas le champ des personnes couvertes : la condition de résidence de trois mois ininterrompus, comme pour la CMU de base, est toujours valable. Ce qui change, c’est d’abord que la PUMA doit permettre un maintien effectif des droits.

Tous les régimes, et non le seul régime général, assureront la couverture maladie de base. Par exemple, un salarié agricole licencié perd ses droits au bout d’un an. Comme chômeur de longue durée, pour pouvoir bénéficier de la CMU de base, il devait jusqu’à maintenant passer au régime général, qui est le seul donnant droit à la CMU. Désormais, tous les régimes assureront cette couverture maladie. Cela évitera de nombreuses de ruptures de droit et des procédures administratives souvent complexes.

La PUMA doit aussi donner plus d’autonomie…
La PUMA supprime la notion d’ayants-droits majeurs, c’est-à-dire les personnes rattachées à la couverture maladie d’un membre de leur famille (historiquement, le « chef » de famille). Les enfants bénéficieront toujours de droits dérivés jusqu’à leur majorité, ou même à partir de 16 ans s’ils le demandent. Au-delà, y compris comme étudiants et au même titre que les conjoints, ils ne seront plus ayants-droits mais ouvrants-droits.

La PUMA supprime les ayants-droits pour les remplacer par des ouvrants-droits
C’est notamment très important pour les conjoints, souvent des femmes, qui jusque-là avaient droit à l’assurance maladie en raison de leur statut de femme mariée, pacsée ou en situation de vie maritale. Leur rattachement au compte de leur conjoint constituait un obstacle à leur autonomie sociale et à la confidentialité de leur prise en charge médicale : leurs remboursements médicaux étaient portés sur un relevé commun. Désormais, elles y auront droit en raison de leur statut de résidente. Les 3,2 millions de personnes qui sont aujourd’hui dans cette situation pourront choisir la date à laquelle elles souhaitent devenir des ouvrants-droits autonomes, d’ici trois ans.

Que permet la délivrance d’une carte vitale dès 12 ans ?
Cette mesure est destinée à faciliter la prise en charge des enfants notamment en cas de séparation des parents. Elle a été présentée par le ministère de la Santé et des Affaires sociales dans le cadre de la PUMA mais en réalité, il s’agit d’une mesure de simplification qui aurait tout à fait pu se faire dans le cadre actuel. Il y a simplement un lien logique avec la PUMA puisqu’elle va dans le sens d’une plus grande autonomie et que les parents séparés auront désormais systématiquement une protection maladie personnelle.

On parle d’universalité, mais la PUMA ne concerne pas les étrangers en situation irrégulière ; elle ne change pas non plus la part du panier de soins couverte par la sécurité sociale par opposition aux complémentaires santé.
En effet, il n’y a pas d’extension du champ des personnes couvertes, bien que la question de la fusion de la CMU et de de l’AME (Aide médicale d’Etat, pour les étrangers en situation irrégulière) soit régulièrement posée par les associations humanitaires ou un rapport comme celui sur l’accès aux soins de la sénatrice Aline Archimbaud.

La création de la PUMA s’inscrit dans une logique inverse de celle de l’ANI

Par ailleurs, la création de la PUMA s’inscrit dans une logique diamétralement inverse de celle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013 qui généralise pour les salariés la couverture par des complémentaires santé, et les sanctuarise comme élément incontournable, bien qu’inégalitaire, dans l’accès aux soins. Or cette répartition entre sécurité sociale et complémentaires santé dans la prise en charge des soins est l’un des grands défis auxquels est aujourd’hui confronté le système de santé.