Amerique du Nord

Alternatives Economiques - Assurances. Pourquoi la santé est hors de prix aux Etats-Unis

Novembre 2018, par Info santé sécu social

Avec des dépenses de santé équivalentes à 17,2 % du PIB en 2017, les Américains paient un coût énorme pour se soigner. Bien plus élevé que dans les autres pays industrialisés : le deuxième pays le plus cher est la Suisse avec 12,3 % du PIB (la France arrive en cinquième position avec 11,5 %). Est-ce le signe d’un système sophistiqué qui permet une bien meilleure qualité de soins ? C’est tout l’inverse, démontre une remarquable étude de l’Economic Policy Institute (EPI) de Washington.

Un coût croissant

Aux Etats-Unis, l’assurance santé est le plus souvent liée au contrat de travail. Elle est essentiellement payée par les entreprises (à 80 % pour un célibataire, à 70 % pour une famille), le reste étant à la charge du salarié.
Entre 2006 et 2016, le coût total de l’assurance santé a grimpé de 49,2 %, une progression énorme, et la partie payée par le salarié encore plus rapidement de 53,5 %. Une évolution avec une double conséquence négative : moins de pouvoir d’achat pour les ménages et des entreprises réfrénant la hausse des salaires afin de limiter le coût du travail.

Si les Américains pouvaient se dire qu’ils en ont pour leur argent grâce à un système de santé surperformant, ce serait un moindre mal. Ce n’est pas du tout le cas. Lorsque l’on classe les pays riches en fonction de la qualité des soins, les Etats-Unis arrivent derniers – derniers ! – en matière de mortalité infantile, d’espérance de vie à l’âge de 60 ans, de nombre d’adultes dans la force de l’âge conjuguant au moins deux maladies chroniques (obésité, infarctus, etc.) et bien d’autres.

La forte progression des dépenses de santé pourrait également s’expliquer par une population vieillissante ou bien accro aux visites chez le docteur et aux médicaments. En fait, la progression en volume des dépenses de santé a été beaucoup moins rapide qu’en valeur. Depuis 1979, le prix des biens et services de santé a grimpé plus de deux fois plus vite que l’indice des prix à la consommation. Quand on compare les prix de 21 actes médicaux traditionnels (consultations, nuit à l’hôpital, opération de la hanche ou du genou, etc.) dans les grands pays industrialisés, les Etats-Unis sont au-dessus de la moyenne pour les 21 actes et les plus chers pour 18 sur 21.

Le privé plus cher que le public

C’est bien l’absence d’un service public développé de la santé qui fait que le système est si onéreux. La comparaison est éloquente : le coût par client pour les assureurs privés est deux fois plus élevé que dans le système d’assurance de santé public (Medicare). De par l’importance du nombre de personnes couvertes, Medicare est capable de négocier des tarifs bien plus attractifs. Ainsi, le même acte médical réalisé dans le même hôpital au même moment n’est pas facturé au même prix en fonction du type d’assurance. C’est pourquoi l’une des propositions de l’Economic Policy Institute consiste à plaider pour que le plus petit tarif obtenu s’applique à tout le monde.

L’une des causes de la hausse du prix des actes médicaux tient à celle du prix des médicaments. Les laboratoires ont de plus en plus de mal à trouver des produits efficaces au regard de leurs investissements en recherche. Ils ont donc tendance à surestimer la nouveauté et l’efficacité de leurs produits qu’ils cherchent à vendre cher. L’EPI propose que les tests cliniques des nouveaux médicaments soient payés par la puissance publique et que les brevets afférents soient mis dans le domaine public : les médicaments seront meilleur marché et coûteront moins à rembourser.

Une concentration coûteuse

S’ajoute à tout cela une concentration accrue de l’offre de soins. Le nombre d’hôpitaux diminue, par fusion des établissements qui intègrent de manière croissante dans leur structure les réseaux de médecins.
Entre 2009 et 2015, la part des médecins travaillant dans les hôpitaux est passée de 40 à 48 %. Lorsque les établissements fusionnent, cela se traduit par une hausse de 10 à 17 % des tarifs. Dès lors que les médecins intègrent ces grosses structures, le prix des consultations augmente de 14 %. Les Américains n’ont pas fini de payer pour leur santé.