Industrie pharmaceutique

Alternatives économiques - Médicaments. Big pharma ne connaît pas la crise

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Le 24 septembre 2020

L’épidémie de Covid-19 a révélé la dépendance française sur certains produits sanitaires, conséquence des délocalisations dans le secteur pharmaceutique et d’une concentration du marché du médicament.

Les pénuries de médicaments étaient déjà récurrentes avant l’arrivée du Covid-19, mais la pandémie a mis en lumière la dépendance de la France dans la fourniture d’équipements sanitaires. Du manque de masques à la très faible capacité de tests, les Français ont découvert que le pays n’était plus en mesure d’assurer pleinement son autonomie sanitaire et dépend de produits fabriqués à l’étranger, à l’instar des réactifs nécessaires pour effectuer les tests.

Lorsqu’une pandémie surgit, chaque pays réquisitionne ainsi ses stocks et ses usines, et ceux qui n’en ont pas suffisamment se retrouvent lésés. La situation de dépendance est particulièrement criante pour les principes actifs, qui sont en quelque sorte la matière première des médicaments, et dont l’approvisionnement européen dépend en grande partie des usines asiatiques.

Cette situation de dépendance est notamment la conséquence de deux décennies de délocalisation des capacités de production hors du pays et hors du continent européen pour certains produits, et d’une concentration du marché mondial du médicament. Ainsi en 2019, les dix plus grands laboratoires représentaient 43,7 % du marché français et 88 % pour les 50 plus importants.

Pour réaliser des économies d’échelle, les laboratoires pharmaceutiques ont également eu tendance à concentrer leur activité sur un même site et entre les mains d’un même acteur, mettant ainsi à mal la résilience des chaînes d’approvisionnement. Si bien que, pour certains produits, le marché mondial dépend d’une ou de deux usines, un incident sur une chaîne de production peut ainsi bloquer ou crisper l’approvisionnement international.

Le médicament est devenu un produit banal de la mondialisation, les laboratoires pharmaceutiques des firmes très internationalisées cherchant à accroître leur rentabilité. Et les laboratoires n’échappent pas à la tendance en cours dans le reste de l’industrie : la réduction des effectifs dans les pays à hauts coûts salariaux, tels que la France. Sanofi est le symbole de ce mouvement. Alors que le secteur a peu, voire pas, souffert de la crise, l’entreprise a annoncé au printemps 1 700 suppressions de postes en Europe d’ici à 2023, dont un millier en France.

Pourtant, les revenus des laboratoires pharmaceutiques ne cessent d’augmenter, portés principalement par la croissance des pays émergents et la mise en place de systèmes de remboursement qui permettent de rendre solvable la demande de médicaments. Quelques grandes firmes se partagent une grande part de ce marché mondial puisque les cinq plus grandes représentent 23,1 % du marché mondial, et 41,2 % pour les dix premières.

L’Europe, y compris la France, reste tout de même une zone dotée d’une industrie pharmaceutique forte et fabrique sur son sol encore nombre de médicaments, mais ce mouvement de délocalisation fragilise cette position. Si la dépendance française comme européenne a été révélée au grand jour par la pandémie de Covid-19 avec le cas des tests, et surtout du manque de réactifs, cet exemple ne fait que révéler une dépendance plus large pour toute une série de produits de santé.

JUSTIN DELÉPINE