Le financement de la Sécurité sociale

Alternatives économiques - Pérennisation du Cice : cher payé pour peu d’emplois

Juillet 2017, par Info santé sécu social

Justin Delepine

Nette amélioration de la trésorerie des entreprises, mais impact nul sur l’activité économique. Après la taxe d’habitation et la fiscalité du capital, l’OFCE s’intéresse à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) en baisse de charges. En campagne, le candidat d’En Marche s’était en effet engagé à transformer ce crédit d’impôt en baisse de charges pérenne. Le dispositif a été mis en place par François Hollande quand Emmanuel Macron était alors secrétaire général adjoint de l’Elysée. Au lieu de recevoir un chèque comme par le passé, les entreprises paieront moins de charges. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé l’arrivée de cette réforme pour 2019.

Le Cice est un instrument fiscal qui a marqué le quinquennat de François Hollande. Il permet à une entreprise de déduire de son impôt une somme égale à 7 % des salaires bruts de ses salariés payés jusqu’à 2,5 fois le Smic. Les sommes en jeu sont importantes : pour l’année 2016, elles s’élèvent à 22,7 milliards d’euros, soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). Ce montant sera donc déduit cette année de l’impôt sur les sociétés.

Abaisser le coût du travail peu qualifié

Emmanuel Macron devrait transformer ce dispositif en baisse de cotisations sociales patronales. Pour les salaires jusqu’à 2,5 Smic, ce ne sera pas 7 % comme pour l’actuel Cice, mais 6 %. A cela doit cependant s’ajouter une hausse des allégements de cotisations de 10 % au niveau du salaire minimum et dégressive jusqu’à 1,6 Smic. Ce dispositif vise, entre autres, à abaisser le coût du travail peu qualifié pour les entreprises.

Bruno Ducoudré, qui a rédigé ce Policy Brief de l’OFCE, a mesuré les retombées macroéconomiques de la mesure. Principaux enseignements : effet nul sur l’activité économique, amélioration de la trésorerie des entreprises et 16 000 créations nettes d’emploi à l’horizon 2020 et 42 000 à l’horizon 2022. Cela fait cher payé l’emploi au regard d’un effort pour les finances publiques de plus 20 milliards d’euros. A titre de comparaison, le passage aux 35 heures a permis une création nette de 350 000 emplois pour un coût de 12 milliards d’euros, selon un rapport parlementaire.

Le secteur non lucratif gagnant

Cette réforme aurait par ailleurs des effets divers selon les secteurs. Les entreprises contrôlées majoritairement par l’Etat seraient perdantes. Comme elles dépendent de régimes spéciaux de sécurité sociale, elles ne bénéficieraient plus du Cice et profiteraient peu des baisses de charges. A l’inverse, le secteur non lucratif en sortirait globalement gagnant. Il ne profite qu’à la marge du Cice, mais serait concerné par les baisses de charges. Plus généralement, ce sont les secteurs concentrant une plus forte proportion de salaires compris entre 1 et 1,6 Smic qui enregistreraient des gains, alors que ceux comptant une large part de salaires compris entre 1,6 et 2,5 Smic seraient plutôt perdants. Au niveau global, ce serait cependant financièrement équilibré.

Pour ces calculs, l’OFCE compte sur une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, annoncée également par le Premier ministre. Cela annulerait l’effet de hausse du montant de l’impôt payé par les entreprises. Effectivement, du fait de la baisse des charges, le gain se traduit mécaniquement par une augmentation des résultats, et du coup de l’impôt. Cette baisse du taux serait donc neutre pour les finances publiques.

51,9 milliards d’euros d’allégements

Plus globalement, cette réforme pérenniserait un dispositif qui représente pas loin de la moitié des allégements de cotisations patronales. Pour cette année, tous dispositifs confondus, ils représentent 51,9 milliards d’euros. Contrairement aux idées reçues, les exonérations de charges sociales patronales progressent d’ailleurs continuellement depuis plus de vingt ans. Les montant des allégements de ces cotisations en 2017 représente 8 % des salaires bruts du secteur marchand, contre seulement 2 % au début des années 1990.