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Alternatives économiques : SÉCU Budget de la santé : retour à l’anormal ?

Octobre 2021, par infosecusanté

Alternatives économiques : SÉCU Budget de la santé : retour à l’anormal ?

Le 19 octobre 2021

Insistant sur le caractère exceptionnel du Covid et du Ségur, le gouvernement n’entend pas lâcher la bride sur l’hôpital.

C’est un budget d’atterrissage. Après l’envol de 2020 et 2021 pour faire face à la crise et revaloriser les salaires à l’hôpital, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit en 2022 pour la santé un retour au monde d’avant.

Les dernières années ont évidemment dérogé par rapport aux précédentes, crise sanitaire oblige. Depuis 2010 et la mise en place d’une politique austéritaire stricte à l’hôpital, le budget de la santé (l’Ondam, objectif national des dépenses d’assurance maladie, dans le jargon) augmentait de 2,3 % par an environ, parfois un peu plus, parfois moins. En 2020, l’Ondam a progressé de 9,4 %, et en 2021, de 7,4 %. En trois ans, le budget de la santé est passé de 200 milliards d’euros à 237 milliards d’euros. Du jamais-vu.

En 2022, le budget diminuera légèrement, à 236 milliards d’euros (- 0,6 %). « L’atterrissage est mis sur les dépenses Covid, pas sur les dépenses hospitalières », précise l’économiste Brigitte Dormont. Quelque 4,9 milliards d’euros sont prévus pour faire face à la crise sanitaire, contre 14,8 milliards en 2021. Hors Covid et avec le Ségur, le budget de la santé progresse de 3,8 % en 2022. Hors Covid et hors Ségur, de 2,6 %. Le gouvernement s’est targué cette année de ne demander aucune économie à l’hôpital.

Ces prévisions reposent sur l’hypothèse que 2022 n’apportera pas son lot de surprise en matière sanitaire. L’apparition d’un variant résistant au vaccin bouleverserait bien entendu la donne.

Le budget de la santé après le Covid

Une parenthèse ?
Faut-il se féliciter de ce budget ? « Le budget de l’assurance maladie est présenté de façon à rendre le Covid et le Ségur exceptionnels », poursuit Brigitte Dormont. « Tout est fait pour distinguer cette séquence de la marche normale des affaires. »

« Le Ségur apparaît alors comme un rattrapage par rapport à un retard pris. Mais, une fois appliqué, le retour à la normale s’imposera semble-t-il », anticipe l’économiste. « Il faut dès lors se demander si l’on peut se satisfaire des mesures du Ségur pour garantir l’attractivité de l’hôpital et son bon fonctionnement. »

Il y a encore aujourd’hui des lits qui ferment faute de personnel, et les carrières ne sont toujours pas assez attractives à l’hôpital, tout comme l’organisation du travail.

Les prévisions du gouvernement pour les années à venir ne laissent du reste guère de doute : on continuera comme avant, avec un Ondam à 2,3 %.

Le retour de l’austérité se profile

Une dette sociale pour préparer l’austérité
L’autre point de vigilance concerne la dette sociale. « Pour l’assurance maladie, les comptes de la Sécurité sociale prévoient environ 80 milliards d’euros de déficits cumulés entre 2020 et 2022, rappelle Brigitte Dormont. Ils vont être versés à la Cades, la caisse d’amortissement de la dette sociale. »

« Comment cette dette va-t-elle être gérée ? Cette dette bien délimitée pourra être utilisée à l’avenir par certains pour défendre une forte rigueur budgétaire avec restriction du champ de la solidarité », prévient l’économiste. En clair, le gouvernement a décidé de faire porter par la Cades, qui gère la dette sociale, les déficits générés par les arrêts de travail liés au confinement, qui ne sont pas des dépenses de santé. Or, contrairement à la dette de l’Etat, qui roule et n’est jamais remboursée, il n’en va pas de même pour celle gérée par la Cades, qui doit être éteinte à une date donnée, à savoir 2033. Le remboursement de la dette est ensuite utilisé pour argumenter en faveur d’une politique de réduction des dépenses publiques, sociales en particulier.

De plus, si les dépenses de l’assurance maladie ont fortement augmenté, ce n’est pas sous l’effet d’une hausse des dépenses de santé à proprement parler. La consommation de soins et de biens médicaux a en effet connu sa plus faible progression depuis cinquante ans en 2020 (+ 0,4 % entre 2019 et 2020). Avec l’enjeu des retards et reports de soins qui fera vraisemblablement surface dans les années à venir.

Médicaments : des manques et quelques avancées
Côté médicaments, le gouvernement se félicite de « rénover la politique du médicament au service de l’accès aux soins, de l’innovation et de l’attractivité ». Qu’en est-il ?

L’actuel projet de loi prévoit des dispositions en faveur de la relocalisation en Europe. « L’exposé des motifs n’est pas mauvais », relève Pauline Londeix de l’Observatoire de la transparence dans la politique des médicaments. « Mais le texte ouvre la possibilité d’un chantage à l’augmentation des prix exercé par les firmes pharmaceutiques », prévient-elle.

Plus positif : la production hospitalière en cas d’urgence. « C’est une demande que nous avons portée dès la première vague, que les hôpitaux puissent produire, en l’occurrence du curare, pour pallier le manque de stock. Le gouvernement nous répondait : "c’est aux multinationales de le faire". Le projet de loi, qui prévoit de lever une barrière réglementaire, va dans la bonne direction, et est une façon d’admettre la pertinence de notre revendication », estime-t-elle.

Et la mesure adoptée l’an dernier, qui prévoyait que les firmes communiquent les financements publics reçus lors du développement d’un médicament, est entrée récemment en vigueur, son décret venant tout juste d’être publié. L’Observatoire de la transparence dans la politique des médicaments dénonce « un pas, mais un pas ridicule » dans la bonne direction. Ne sont en effet concernées que les aides directes, le crédit impôt recherche et les autres exonérations fiscales étant exclues.

De plus, la demande de transparence porte sur un montant global par entreprise, plutôt que par médicament. Or, seule cette dernière information permettrait au régulateur d’avoir un pouvoir de négociation avec les firmes.

Le monde d’après n’est pas pour demain.