Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Amnestie international - VACCIN CONTRE LE COVID-19  : UNE DOSE D’INÉGALITÉ

Septembre 2021, par Info santé sécu social

AstraZeneca, BioNTech, Johnson & Johnson, Moderna, Novavax et Pfizer, six entreprises tiennent entre leurs mains le sort de milliards de personnes. Malheureusement, elles ont décidé de bloquer intentionnellement le partage de technologie et de désavantager les pays pauvres.

Dans notre nouvelle enquête, nous avons évalué six des sociétés qui tiennent le sort de milliards de personnes entre leurs mains  : AstraZeneca plc, BioNTech SE, Johnson & Johnson, Moderna Inc., Novavax Inc. et Pfizer Inc. Nous dressons un tableau affligeant d’un secteur qui manque cruellement à son obligation de respecter les droits humains.

L’ÉCHEC DU DISPOSITIF COVAX
Pour évaluer la réponse apportée à la crise par les laboratoires en question, nous avons évalué les politiques relatives aux droits humains publiées par chacune de ces entreprises, ainsi que leur structure tarifaire, leurs archives relatives à la propriété intellectuelle et au partage de savoir-faire et de technologie, l’équité de leur distribution des doses de vaccin disponibles et la transparence de leurs opérations. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les six laboratoires qui ont élaboré des vaccins avaient, à des degrés variables, manqué à leurs responsabilités en matière de droits humains.

Sur les 5,76 milliards de doses injectées dans le monde, une part dérisoire – 0,3 % – est allée à des pays à faible revenu, tandis que les pays à revenu intermédiaire supérieur ou à revenu élevé en ont reçu 79 %. Malgré les appels leur demandant d’établir des priorités et de collaborer avec le dispositif COVAX – l’outil international conçu pour assurer une répartition équitable des vaccins –, certaines des entreprises évaluées ont continué d’alimenter les stocks de pays connus pour accumuler les doses en grandes quantités.

Jusqu’à présent, toutes les sociétés évaluées ont refusé de participer aux initiatives coordonnées au niveau international pour accroître l’approvisionnement mondial en vaccin grâce à un partage de savoir-faire et de technologie. Elles ont également opposé leur refus à la levée temporaire des droits de propriété intellectuelle, notamment à la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud de déroger à l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Voici quelques éléments de notre recherche :

Pfizer et BioNTech ont pour l’instant livré au seul État suédois neuf fois plus de doses de vaccin qu’à tous les pays à faible revenu réunis – auxquels ces laboratoires ont alloué moins de 1 % de leur production à ce jour. Grâce au prix élevé auquel ils vendent leur vaccin, ils devraient engranger plus de 86 milliards de recettes d’ici à la fin de 2022.

Moderna n’a pas encore livré une seule dose de vaccin à un pays à faible revenu, a alloué seulement 12 % de sa production à des pays à revenu intermédiaire, et n’honorera pas la grande majorité de ses commandes destinées à COVAX avant 2022. Grâce à ses tarifs élevés, cette société devrait gagner plus de 47 milliards de dollars américains d’ici fin 2022.

Johnson & Johnson a mis au point le seul vaccin à injection unique du monde et le vend à prix coûtant, mais n’honorera pas la plupart de ses engagements de livraison à COVAX et à l’Union africaine avant 2022. Ce laboratoire a par ailleurs refusé d’accorder une licence à un fabricant canadien qui proposait de produire des millions de doses supplémentaires.

AstraZeneca est le laboratoire qui a livré le plus de doses de vaccin à des pays à faible revenu. Il vend son vaccin à prix coûtant et a accordé des licences volontaires à d’autres fabricants. En revanche, il a refusé de partager ouvertement son savoir-faire et sa technologie avec les initiatives mises en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et il s’est opposé à la dérogation à l’Accord sur les ADPIC.

Novavax n’a pas encore obtenu l’autorisation d’utilisation de son vaccin, mais il prévoit pour l’instant de livrer près des deux tiers de sa production au dispositif COVAX. Cependant, comme les autres, il a refusé tout partage de savoir-faire et de technologie et s’est opposé à la dérogation à l’Accord sur les ADPIC.

En dépit des milliards de dollars de financement public et de précommandes gouvernementales qu’ils ont reçus, les laboratoires qui ont conçu les vaccins ont conservé leur monopole sur la propriété intellectuelle, bloqué les transferts de technologie et exercé de très fortes pressions pour entraver les mesures visant à étendre la fabrication de ces vaccins à l’échelle mondiale. Par leurs manquements persistants, ils ont causé des atteintes aux droits humains, subies par les milliards de personnes qui n’ont toujours pas accès au vaccin vital contre le Covid-19.

PAYS RICHES VS. PAYS PAUVRES

Le seul moyen de sortir de cette crise est de vacciner toute la population de la planète. Nous devrions être en train de saluer comme des héros ces laboratoires qui ont mis au point des vaccins si rapidement. Or, le blocage intentionnel des transferts de technologie par la Big Pharma et ses manœuvres commerciales à l’avantage des pays riches ont créé une pénurie de vaccins hautement prévisible et extrêmement dévastatrice pour tant d’autres personnes.

En conséquence, certaines régions d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie doivent faire face à de nouvelles flambées du virus, qui acculent au bord du gouffre des systèmes de santé affaiblis et provoquent chaque semaine des dizaines de milliers de morts évitables. Dans beaucoup de pays à faible revenu, même les soignants et les personnes à risque ne sont pas vaccinés. Dans les pays à faible revenu, moins de 1 % de la population est entièrement vaccinée contre 55 % dans les pays riches.

Sur fond de telles inégalités, les entreprises BioNTech, Moderna et Pfizer s’apprêtent à engranger à elles seules 130 milliards de recettes d’ici à la fin 2022. L’intérêt financier passe avant l’intérêt humain.

NOTRE ULTIMATUM  : 100 JOURS POUR RATTRAPER LE RETARD

Ce 22 septembre, nous sommes à 100 jours de la fin de l’année. Nous demandons aux États de redistribuer de toute urgence les centaines de millions de doses actuellement inutilisées aux pays à faible revenu.

Nous demandons aux laboratoires, qui ont élaboré les vaccins, de veiller à ce qu’au moins 50 % des doses produites aillent à ces pays. Pour un déploiement rapide et équitable, ces laboratoires doivent livrer en priorité les pays qui en ont le plus besoin en se fondant sur des considérations relatives aux droits humains. Elles doivent aussi suspendre leurs droits de propriété intellectuelle, partager leur savoir-faire et leur technologie et former des fabricants qualifiés, afin d’accélérer la production de vaccins contre le Covid-19.