Le chômage

Basta - Contrôle renforcé des chômeurs : « Une méthode pour faire disparaître la contestation sociale »

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Des articles de la loi de finances 2021 donnent accès aux agents de Pôle emploi à encore plus de données personnelles des demandeurs d’emploi. Objectif : vérifier, encore et toujours, qu’ils ne sont pas des « fraudeurs ».

C’est un nouvel exemple de la « chasse au chômeurs qui se met en place, et non au chômage. On stigmatise les privés d’emploi », assène Chantal Rublon, secrétaire régionale à la CGT Pôle emploi Bretagne et élue au comité social et économique de Pôle emploi. Un article s’est discrètement glissé dans la loi de finances 2021 lors de sa modification au Sénat, en décembre. Il prévoit un contrôle encore renforcé des chômeurs via l’accès à une série de données personnelles accordé aux agents chargés de la prévention de la fraude à Pôle emploi [1].

Les agents auront le droit de consulter tout un panel de documents dans le but de contrôler la véracité des déclarations des demandeurs d’emploi et « l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation servies par Pôle emploi ». Les données d’un compte bancaire ou de téléphonie sont par exemple concernées. L’article de la loi de finances ajoute qu’en cas de refus de donner accès à ses documents, sous 30 jours, par voie numérique, le demandeur d’emploi encours une amende de 1500 euros. Par ailleurs, un amendement déposé le 7 novembre par le gouvernement, et adopté, permettra aussi aux agents de Pôle emploi d’accéder aux informations contenues dans le fichier Ficovie, qui recense les contrats d’assurance vie (voir l’amendement (n°II-3350)]).

Pour les travailleurs de Pôle emploi, tout cela « pose un problème éthique, juge Chantal Rublon. Nous recevons des personnes privées d’emploi et elles sont immédiatement considérées comme des voleurs. En plus de demander des données personnelles pour justifier que le demandeur n’est pas feignant ni fraudeur, on culpabilise les gens. »

La fraude aux allocations chômage, c’est 660 fois moins que le montant de l’évasion fiscale
Selon Chantal Rublon, l’objectif de ces nouvelles mesures de contrôle est de faire baisser le chômage de manière artificielle, en renforçant les radiations de Pôle emploi. « Le taux de chômage a augmenté avec la crise sanitaire, rappelle-t-elle. Alors, il faut le faire baisser pour maintenir un taux en accord avec un discours politique. Avant, on croyait les personnes sur parole, sur la base du déclaratif. Aujourd’hui, on ajoute la nécessité de justificatifs. Or on sait que les employeurs n’en donnent pas systématiquement. »

Murielle Wolfers, du comité national CGT des travailleurs privés d’emploi et précaires, se souvient aussi qu’« avant, on considérait qu’il pouvait y avoir des erreurs dans les déclarations. Aujourd’hui, on fait passer ça pour des déclarations volontairement fausses ». Pour elle, « ce contrôle renforcé est une méthode pour faire disparaître la contestation sociale, en générant l’insécurité financière permanente ». Chantal Rublon voit, dans ces nouvelles menaces d’amendes qui pèsent sur les chômeurs, la volonté de maintenir les plus précaires dans la peur : « La peur permanente du contrôle, mais aussi de ne pas avoir ses allocations. C’est très pervers comme système. »

La fraude, ou les erreurs, à l’assurance chômage ne concernerait pourtant que 0,5 % de l’ensemble des allocations versées (178 millions d’euros), selon Pôle emploi. Elle demeure sept fois inférieur à la fraude aux prélèvements sociaux (1,35 milliard) du fait d’un employeur ou d’une entreprise. Sans oublier l’évasion fiscale, estimée à 117,9 milliards d’euros, soit 660 fois plus !

Malika Barbot