Le privé (cliniques, centres de santé, hôpitaux...)

Basta - Le secteur privé et ses fonds spéculatifs vont-ils faire main basse sur la santé en Europe ?

Octobre 2021, par Info santé sécu social

18 octobre 2021 par ENCO

Elles s’appellent Orpea, Helios, Bupa... Ces entreprises à but lucratif possèdent de plus en plus d’hôpitaux et de maisons de retraite en Europe. Le Réseau d’observatoires des multinationales ENCO a cartographié cette privatisation de la santé.

L’entreprise française Orpea, créée à la fin des années 1980, est devenue une multinationale des maisons de retraite et des cliniques spécialisées en Europe. Korian, entreprise française créée au début des années 2000, est aujourd’hui présente dans sept pays européens et compte des centaines d’établissements, résidences pour personnes âgées et cliniques.

Dans le paysage des hôpitaux et maisons de retraite privées lucratives européennes, on trouve également des groupes allemands, comme Fresenius, qui a racheté l’espagnol Quironsalud, et possède les cliniques Helios, ou encore Asklepios. Partout, des entreprises à but lucratif se développent dans le secteur.

En France, un quart des lits hospitaliers appartiennent à des cliniques privées lucratives, et 22 % des lits d’Ehpad. En Allemagne, 30 % des lits hospitaliers sont gérés par des entreprises privées lucratives, 40 % des places en maisons de retraite. En Espagne, si moins d’un cinquième des lits d’hôpitaux sont dans le privé lucratif, plus de la moitié des places en maisons de retraite en dépendent. Ce que partagent quasiment tous les pays européen, c’est une croissance de ce secteur privé lucratif. C’est ce que nous apprend la nouvelle investigation du Réseau européen des observatoires des multinationales, ENCO. Il publie ce 14 octobre une cartographie interactive de la privatisation des hôpitaux et des maisons de retraite en Europe.

La privatisation de la santé en Europe

Voir la carte interactive de la privatisation de la santé en Europe par le réseau ENCO.
Dans le domaine des maisons de retraite, les entreprises françaises à but lucratif sont présentes dans toute l’Europe. DomusVi possède des établissements, directement ou à travers ses filiales, au Nord comme au Sud de l’Europe, dont la France. Elle est détenue en grande partie par un fonds d’investissement international, Capital Group. Colisée, avec plus de 200 établissements, est présent en France, Belgique, Espagne et Italie. Là encore, c’est un fonds d’investissements, IK Investment Partners, qui détient l’entreprise. Maisons de Famille, détenue par la famille du fondateur (Hugues Harmel) et par le fonds d’investissement Creadev (famille Mulliez, propriétaire d’Auchan et Décathlon), détient plus de 150 maisons de retraite en France, Espagne, Italie et Allemagne.

Rachats et fusions d’entreprises se sont multipliés
Dans le domaine des hôpitaux privés, le groupe allemand Helios opère dans une centaine d’établissements en Allemagne et en Espagne. Autre poids lourd européen des cliniques privées, Ramsay Santé, filiale française du groupe Australien Ramsay, gère plus de 150 établissements en France, Suède, Norvège, Danemark et Italie. Certaines de ces entreprises pèsent des dizaines de milliards d’euros. D’autres sont de taille plus modeste mais grandissent rapidement. Ces dernières années, les rachats et fusions d’entreprises se sont multipliés, créant des multinationales de la santé de plus en plus puissantes. Ramsay a ainsi acheté le suédois Capio, Helios l’espagnol Quironsalud...

« Doit-on laisser des entreprises, dont l’objectif est le bénéfice financier, prendre soin de notre santé et s’occuper de nous lors de nos vieux jours ? »

L’Europe du Sud, qui vit un vieillissement marqué, est devenue un marché très attrayant pour les grands groupes français, allemands et, dans une moindre mesure, britanniques. Dans l’est de l’Europe, Orpea a pénétré le marché polonais des maisons de retraite. La société d’investissements slovaque Penta, fondée en 1994, est présente désormais dans plus de dix pays européens – avec des cliniques et des pharmacies – à la faveur d’un programme de privatisation lancé par le gouvernement slovaque. Penta dispose aussi des bureaux à Chypre, Jersey et aux Pays-Bas, trois destinations habituelles des schémas complexes d’optimisation fiscale.

Ces entreprises connaissent une croissance en grande partie financée par l’argent public dédié aux soins de santé et aux soins aux personnes âgées. Avec le vieillissement de la population, leurs marges pourraient encore augmenter. « Doit-on laisser des entreprises, dont l’objectif est le bénéfice financier, prendre soin de notre santé et s’occuper de nous lors de nos vieux jours ? » interroge le Réseau européen d’observatoires des multinationales.