Le social et médico social

Basta - Les plus pauvres exclus du logement social : des propositions pour y remédier

Juin 2020, par Info santé sécu social

PAR RACHEL KNAEBEL 15 JUIN 2020

Plus on est pauvre, moins on a accès au logement social. C’est paradoxal, mais c’est le constat fait par un groupe d’associations actives pour le droit au logement et contre la pauvreté dans une étude rendue publique le 11 juin .

« Faute de ressources suffisantes, des ménages sont aujourd’hui exclus du logement social, indique l’étude. Au niveau national, parmi les demandeurs HLM, les chances pour un ménage d’obtenir un logement social sont d’autant plus faibles que ses ressources sont basses. » Pendant un an, les associations ont travaillé avec des universitaires pour éplucher le registre du « SNE », le système national d’enregistrement des demandes de logements sociaux. Les chercheurs ont aussi réalisé des dizaines d’entretiens avec des ménages demandeurs et avec des acteurs des systèmes d’attribution de logements « à loyer modéré ».

Près de la moitié des deux millions de demandes annuelles pour un logement social concerne des ménages qui se trouvent sous le seuil de pauvreté. Or « les statistiques du SNE nous apprennent que les taux d’attribution de logement sociaux sont plus faibles en bas de l’échelle des revenus qu’en haut, explique Pierre Madec, économiste à l’OFCE, qui a contribué à l’étude. Si vous avez un niveau de vie sous le seuil de pauvreté, vous avez moins de chances d’obtenir un logement social. »

Les loyers des logements sociaux en hausse constante depuis 1977
L’étude fait aussi ressortir qu’en plus du montant des ressources, la stabilité des revenus entrent aussi en ligne de compte. Parmi les personnes en mauvaise posture pour se voir attribuer un logement social, on trouve ainsi « les personnes qui enchaînent des contrats précaires, reçoivent des prestations sociales fluctuantes, les personnes avec des ressources dépendantes des titres de séjours, donc pas forcément pérennes, énumère Pauline Portefaix, rédactrice de l’étude. Le motif de ressources non stables peut aussi être utilisé pour masquer d’autres motifs, inavouables : de la discrimination ethnique ou des impayés de loyers passés même si ceux-ci sont apurés. »

Dans les faits, la réglementation n’exige aucun minimum de ressources pour obtenir un logement social, mais les commissions d’attribution évaluent la capacité du demandeur à supporter le coût du logement. « Or ce coût n’a cessé d’augmenter, note l’étude. Les loyers des logements sociaux sont en hausse constante depuis 1977 à cause de la hausse des prix du foncier et de la construction, et de la baisse des aides à la pierre », de la baisse des aides au logement (APL) et de la hausse des charge. « En parallèle, la précarité croissante des familles candidates au logement social conduit à une réduction des ressources stables “présentables” au bailleur. »

Le confinement a mis en lumière les graves inégalités de logement, en particulier le surpeuplement, qui touche surtout les populations et les zones les plus pauvres. Les pertes de revenus, consécutifs à l’arrêt de l’économie pendant deux mois et la crise à venir, risquent de fragiliser encore davantage de nombreux ménages. Dans ce contexte, les associations appellent à une série de mesures. Certains peuvent être mises en place très rapidement, comme une hausse immédiate des aides aux logement.

« Une forme de résistance collective à l’attribution de logements sociaux aux plus exclus »
Pour les personnes qui sont aujourd’hui en hébergement d’urgence, « la réponse immédiate, c’est de mettre en place un fonds public pour faire baisser certains loyers, pour que les gens qui vont être mis à la rue à la fin de l’état d’urgence sanitaire puissent accéder à un logement », demande Manuel Domergue, chargé des études à la Fondation Abbé Pierre.

Les associations en appellent à une transformation profonde du modèle économique du logement social. Leur idée : que les loyers y soient adaptés aux ressources des demandeurs. Le loyer ne serait ainsi plus fixé à l’avance, avec des bailleurs qui cherchent des locataires sociaux qui auront les ressources pour le payer. Le montant du loyer serait au contraire établi en fonction des revenus des locataires, à environ un quart des ressources, avec des compensations données aux bailleurs sociaux par l’État ou les collectivités locales en échange du manque à gagner.

L’étude a été transmise à l’Union sociale pour l’habitat (USH) avec qui les associations prévoient de discuter prochainement. « Il y a une forme de résistance collective à l’attribution de logements sociaux dignes aux plus exclus, dit Manuel Domergue. Les bailleurs ne sont pas les seuls coupables. »