La santé au travail. Les accidents de travail et maladies professionnelles

Basta - « Silence, des ouvriers meurent » : sur les chantiers du Grand Paris, des accidents de travail à répétition

Mars 2022, par Info santé sécu social

Basta ! a recensé au moins quatorze accidents du travail graves, dont quatre ayant entraîné la mort d’ouvriers, sur les chantiers liés au Grand Paris et aux Jeux olympiques. Le recours à l’intérim et à la sous-traitance en cascade pose question.

« "Mourir au travail" : sérieusement ? On en est encore là de la vision du monde du travail ?! » Ces mots sont ceux d’Aurore Bergé, députée LREM des Yvelines et conseillère régionale d’Île-de-France, en réponse à un tweet de Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, en 2019. Notre enquête sur les chantiers liés au Grand Paris – qui consiste en une grande transformation du paysage urbain avec un renouvellement des réseaux de transports – montrent que dans la région où Aurore Bergé est conseillère régionale, mourir au travail n’est pas une « vision ». C’est une réalité.

Le 28 février 2020. Maxime Wagner, 37 ans, intérimaire pour Dodin Campenon-Bernard, filiale de Vinci, travaille sur le chantier de prolongement de la ligne 14 vers le sud, à Villejuif. Au sein du tunnelier – cette énorme machine qui permet de creuser des tunnels – il s’affaire à déboucher une conduite en métal dont la partie finale est souple. Quand il arrive à ses fins, la pression de l’air qui sort de la conduite est telle que celle-ci fait un large mouvement de coup de fouet et vient violemment heurter la tête du salarié. Hospitalisé en urgence absolue, il souffre de multiples lésions cérébrales et au visage. Trois semaines plus tard, dans la nuit du 18 au 19 mars et alors que la France rentre dans son premier confinement, Maxime Wagner meurt de la suite de ses blessures, dans un anonymat total.

Cet accident du travail, dont Basta ! n’a trouvé aucune trace publique avant la parution, il y a quelques jours, d’un article de Libération, est un des rares pour lequel l’enquête de l’inspection du travail est déjà terminée. La conclusion est claire : la responsabilité de l’entreprise est engagée. L’institution relève en effet trois infractions potentielles : un défaut d’information du salarié sur l’utilisation de l’équipement de travail, la modification de l’équipement de travail – en l’occurrence la conduite – qui n’était pas maintenu de manière à préserver la sécurité. Enfin, le « plan particulier de sécurité et de protection de la santé » (PPSPS), ce document qui établit les risques et les règles de sécurité sur un chantier, était incomplet. Ce procès-verbal a été transmis au parquet de Créteil en septembre 2020. À ce jour, aucune procédure n’a été ouverte. Contacté par Basta !, l’instance judiciaire n’a pas répondu.

140 000 euros requis pour homicide involontaire

La mort de Maxime Wagner n’est que le premier d’une liste d’accidents particulièrement graves qui, depuis deux ans, ne fait que s’allonger. Quelque mois plus tard, en mai 2020, c’est sur le chantier du prolongement du RER E, qui traverse le Nord de Paris d’est en ouest, que Jérémy Wasson meurt. Ce jeune homme de 21 ans est ingénieur stagiaire pour la Société Urbaine de Travaux (groupe Fayat) en charge du chantier. Alors qu’il est sur le toit du futur centre de commande de la ligne du RER, le jeune stagiaire a soulevé un plancher provisoire ignorant qu’il y avait un vide en dessous. Il a fait une chute de cinq mètres et succombé à ses blessures deux jours plus tard à l’hôpital. La Société Urbaine de Travaux est aujourd’hui poursuivie, notamment pour homicide involontaire. La procureure de la République du parquet de Bobigny a requis 140 000 euros d’amende contre l’entreprise. L’avocat de cette dernière a quant à lui plaidé la relaxe. Pourtant, le rapport de l’inspection du travail était accablant, relevant par exemple que le jeune homme était seul dans sa zone de travaux au moment des faits, ce qui ne doit en aucun cas arriver pour un stagiaire. Le verdict sera connu ce 9 mars.

Accidents du travail sur les chantiers du Grand Paris

Le 22 décembre 2020, Abdoulaye Soumahoro, salarié de l’entreprise Eiffage, œuvre sur le chantier de la future gare Pleyel de Saint-Denis, dans le nord de Paris. Cet ouvrage est un des plus importants du Grand Paris Express. On le surnomme déjà le « Châtelet du Grand Paris », en référence à cette immense gare souterraine du centre de la capitale où se croisent de nombreuses lignes de métros et trains de banlieues. La gare Pleyel accueillera les correspondances entre quatre lignes de métro (14, 15, 16 et 17) et le RER D.

Ce jour-là, à la nuit tombante, Abdoulaye Soumahoro descend dans le tunnelier, à trente mètres de profondeur. Au moment où il marche sur la grille qui ferme un immense malaxeur à béton, celle-ci cède sous son poids. Il meurt coincé dans l’engin. L’enquête est toujours en cours. « Elle est extrêmement complexe », souligne Alix Bukulin, la substitut du procureur de la République de Bobigny en charge des accidents de travail. Plusieurs questions sont pour le moment en suspens : Abdoulaye Soumahoro était-il le premier à marcher sur cette grille ? Pourquoi l’a-t-il fait alors que c’est censé être interdit ? Si d’autres l’ont fait avant lui, est-ce à cause d’eux que la grille était fragilisée ? Les employeurs n’auraient-ils pas dû cerner cette zone de barrières pour qu’elle ne soit pas accessible ? « Dans le tunnelier il y a beaucoup de personnes impliquées, c’est toute une équipe. Sur cette affaire, il y a des difficultés à établir des responsabilités. Ce dossier demande beaucoup de finesse d’analyse. »

« Il faut réfléchir à la question des causes et de l’organisation du travail »
Onze autres personnes, au moins, ont également été grièvement blessées sur les chantiers liés au Grand Paris et aux JO entraînant, pour la plupart d’entre eux, des incapacités à vie. Le dernier ne date que d’il y a quelques semaines. Le 24 janvier 2022, sur le chantier du futur village olympique à la frontière entre les communes de Saint-Denis et Saint-Ouen (93), un ouvrier de la construction est écrasé par les roues arrières de son camion malaxeur. Arrivé sur le chantier, il est sorti de son véhicule camion sans mettre le frein à main et s’est dirigé vers l’arrière. Garé en pente, celui-ci a commencé à reculer. C’est en essayant de l’arrêter que l’ouvrier a été écrasé. Amputé de la jambe droite et souffrant de multiples fractures, au corps et au visage, le travailleur de la société AFT Transports serait, à l’heure où on écrit ces lignes, toujours dans le coma, entre la vie et la mort.

Les accidents du travail ne sont que rarement vus comme un véritable fait social. Les médias les traitent la plupart du temps comme de simples faits divers.

Pourtant, en témoigne le cas de Maxime Wagner, dont la mort est restée plus de deux ans sous silence, les accidents du travail ne sont que rarement vus comme un véritable fait social. Les médias les traitent la plupart du temps comme de simples faits divers, les procédures sont longues et les responsabilités souvent difficiles à établir. Faute individuelle de la victime ou d’une tierce personne ? Problème structurel sur le chantier ? Inconséquence de l’employeur ? Forcément, chaque cas diffère et c’est à l’inspection du travail, aux forces de l’ordre puis à la justice d’essayer d’établir les responsabilités de chaque partie. Face à la répétition de ces drames sur les chantiers du Grand Paris, la question de leur caractère structurel se pose légitimement. « L’accident est un fait divers. Quand il se reproduit, ce n’est peut-être plus un simple fait divers. Il faut réfléchir à la question des causes et de l’organisation du travail », souligne Mathieu Lépine, professeur d’histoire derrière le compte Twitter « Accident du travail » qui recense tous les accidents de travail dans le but de rendre visible le phénomène.

La sécurité n’a pas été éludée
« Le chantier du Grand Paris est un projet urbain sans précédent et une formidable vitrine du savoir-faire français dont le caractère novateur doit induire l’innovation en matière de santé et de sécurité des intervenants. » Cette phrase figure en préambule d’une note réalisée en 2016 par la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif) en collaboration avec la plupart des acteurs de ces chantiers titanesques. 200 kilomètres de nouvelles lignes de métro, 68 nouvelles gares, plus de 40 milliards d’euros investis, et plusieurs milliers d’ouvriers… Les chiffres sont plus vertigineux les uns que les autres. Par leur ampleur, leur importance et leur médiatisation, ces travaux se devaient d’être exemplaires comme le rappelle la Cramif.

Sur les chantiers du Grand Paris et des Jeux olympiques, la question de la sécurité n’a donc pas été éludée, loin de là. « Ce sont des chantiers plutôt bien tenus, les moyens ont été mis par les maîtres d’ouvrage, les gros groupes, pour assurer la sécurité », assure Florian* un inspecteur du travail qui tient à rester anonyme. Même son de cloche du côté des syndicats : « Les procédures de sécurité sur ces gros chantiers sont extrêmement pointues », affirme Samir Bairi, secrétaire national de la CFDT construction et bois qui a travaillé plus de dix ans au sein d’Eiffage, un des groupes en charge de nombreux ouvrages du Grand Paris.

Interrogé ce mardi 22 février dans l’hémicycle par un député de gauche sur ces accidents graves, le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail Laurent Pietraszewski répond : « Solideo (la société de livraison des ouvrages olympiques) a engagé des moyens très conséquents, pour assurer la sécurité au travail, bien au-delà du Code du travail ». « Le sujet de la santé, de la sécurité et des conditions de travail de l’ensemble des collaborateurs, et singulièrement des compagnons œuvrant sur les chantiers olympiques, est ainsi au cœur de nos préoccupations », confirme la Solideo à Basta ! Elle a mis en place, depuis l’été 2021, une charte Hygiène Sécurité Environnement (HSE) pour renforcer encore la sécurité sur le chantier du Village des Athlètes. Du côté de la Société du Grand Paris (SGP), même réponse : « Depuis l’origine, la SGP fait de la sécurité la première priorité de toutes les actions en lien avec le Grand Paris Express, qu’il s’agisse de la sécurité des travailleurs sur les chantiers mais aussi des personnes à leurs abords ». Des faits confirmés par Alix Bukulin : « Quand on voit comment certains chantiers de Seine-Saint-Denis tournent et quand on voit l’exigence à laquelle s’astreignent les chantiers du Grand Paris, il y a plus qu’un fossé, il y a un monde ».

Des cadences infernales ?
Au niveau des pouvoirs publics aussi, la tâche n’a pas été prise à la légère. Une unité régionale de contrôle de ces grands chantiers a été créée spécifiquement au sein de l’Inspection du travail. « Cette unité permet d’avoir une analyse fine sur les chantiers du Grand Paris où il y a des corps de métier qui ne sont pas forcément très courants, notamment au sein des tunneliers. Avoir des inspecteurs focalisés sur ces métiers apporte un gain de spécialisation et permet d’avoir des interlocuteurs avisés, pour le parquet, pour les travailleurs, et pour les entreprises », souligne Alix Bukulin. La substitut du procureur de la République de Bobigny rappelle que ces mesures ont, d’une certaine manière, porté leur fruit. En Seine-Saint-Denis, où se situent la plupart des chantiers liés au Grand Paris, sur les 103 accidents de travail très graves ou mortels qui ont été transmis au Parquet depuis 2020, « seuls » 12 concernent ces chantiers.

Malgré les efforts réalisés sur la sécurité, plusieurs facteurs structurels de risques persistent : en premier lieu, celui de la cadence.

Face à ces différents constats, comment, alors, expliquer la persistance d’accidents, tout de même nombreux ? Malgré les efforts réalisés sur la sécurité, plusieurs facteurs structurels de risques persistent. En premier lieu, celui de la cadence. « Ça bossent 24 h sur 24, 7 jours sur 7, sur ces chantiers. Des dérogations pour autoriser le travail le dimanche ont été accordées. Des chantiers qui tournent la nuit, le dimanche, ce n’est pas habituel dans le secteur », confie Simon Picou, inspecteur du travail en Seine-Saint-Denis et délégué syndical de la CGT. « Certains chantiers tournent la nuit et le dimanche, effectivement, ça arrive régulièrement », nuance une source au sein de l’inspection du travail. « Il est important de différencier les chantiers du Grand Paris de ceux des Jeux olympiques », note la Solideo qui assure que sur les chantiers olympiques (piscines, stades, etc.) les délais ne sont pas serrés et que les ouvriers ont des horaires classiques du secteur de la construction, du lundi au vendredi, de 6 h à 17 h.

Pour les échéances du Grand Paris, en revanche, c’est une autre histoire. La pression pour finir les chantiers au plus tôt est grande. « Les rythmes imposés sont dingues », souffle une source bien informée. Et les JO augmentent la pression. Car les nouvelles lignes de métro seront un vrai « plus » pour vendre une organisation impeccable de cet événement. « En aucun cas, la sécurité, première priorité, n’est une variable d’ajustement pour la tenue des objectifs de calendrier », rassure la Société du Grand Paris. Pourtant, à l’entrée du chantier de la gare Pleyel à Saint-Denis, qui devrait être livrée pour les Jeux olympiques, se trouve un panneau lumineux qui maintient la pression en précisant le nombre de jours restants avant la fin du chantier. Ce dimanche 20 février, nous étions à J-679.

Les cadences ne se répercutent pas forcément directement sur les ouvriers, assurent divers spécialistes. « J’ai regardé les plannings, les compteurs d’heures supplémentaires n’explosent pas », souligne Samir Bairi. Un constat confirmé par une source au cœur des chantiers : « Les gars sur les chantiers font leurs 35 heures, ils prennent leurs pauses. Le problème n’est pas là, il est plus insidieux ». « Les collectivités publiques, qui ont commandé ces projets, veulent des résultats rapides. Ils mettent fortement la pression sur les cadres, que ce soit les conducteurs de travaux, les contremaîtres, les ingénieurs. Pour eux, c’est "hard" », glisse cette même source.

« Le recours à l’intérim est accidentogène. On fait appel à une main d’œuvre précaire, souvent mal formée... Ce sont surtout eux qui sont victimes »

Pour tenir les échéances, dans un secteur en pénurie de travailleurs, les entreprises emploient de nombreux intérimaires. Ils ne font pas forcément d’heures supplémentaires mais ils débarquent, parfois sans formation, sur des chantiers qu’ils ne connaissent pas et dont ils ignorent les dangers. « Le recours à l’intérim est accidentogène. On fait appel à une main d’œuvre précaire, souvent mal formée, pas préparée à de tels chantiers qui viennent pour quelques jours, dans des équipes qu’ils ne connaissent pas... Ce sont surtout eux qui sont victimes », explique Florian.

Maxime Wagner était intérimaire. En mai 2021, sur le chantier de la future ligne 16 au Bourget, un intérimaire d’Eiffage est gravement blessé, percuté par un bloc de béton. Quelques mois plus tard, le 13 septembre 2021, c’est sur le chantier du futur Cluster des médias pour les Jeux olympiques, à Dugny, qu’un intérimaire de Colas, filiale de Bouygues, est victime d’une grave électrisation. « Il a failli mourir », glisse Alix Bukulin. « Il a pris une boule de feu, mais il récupère bien », rassure une source proche de l’enquête. Interrogé sur la part d’intérimaire embauché sur leur chantier, ni la Société du Grand Paris, ni la Solideo n’a pu nous communiquer de chiffres. Mais sur le terrain, plusieurs personnes assurent que cette part est très élevée.

Sous-traitance en cascade, coactivité...

Autre facteur de risque d’accidents du travail que l’on retrouve sur les chantiers du Grand Paris : la sous-traitance en cascade. Le principe, légal, est assez simple. « Les grosses boîtes sous-traitent intégralement une partie du chantier en prenant une marge. Une fois, deux fois et à la fin, l’entreprise qui hérite du chantier est étranglée et ramasse les miettes. Ce modèle économique est intrinsèquement générateur de risques et d’infractions », explique Simon Picou, le délégué syndical de la CGT.

Autre problématique accidentogène : celle de la coactivité qui regroupe à la fois le problème de la cadence et celui de la sous-traitance en cascade.

Le 17 décembre 2020, sur le site de la future gare Pleyel à Saint-Denis, un ouvrier fait une grave chute lui causant une triple fracture du fémur ainsi que la perte de l’usage de son pied gauche. Il travaillait pour un sous-traitant qui, au lieu de lui fournir une plateforme individuelle roulante (PIRL), lui a donné une échelle. « Une échelle ce n’est pas un moyen de travail, c’est un outil d’accès », souligne le PV de l’inspection du travail que nous avons pu consulter, lequel relève plusieurs infractions potentielles. Mais une échelle coûte, pour un sous-traitant en fin de chaîne, beaucoup moins cher qu’une plateforme, et tant pis pour la sécurité des ouvriers.

Enfin, une dernière problématique accidentogène est relevée. Celle de la coactivité qui regroupe à la fois le problème de la cadence et celui de la sous-traitance en cascade. L’exemple le plus évident est celui de l’accident mortel de Joao Baptista Fernandes Miranda, 61 ans, toujours sur le chantier de la future gare Pleyel à Saint-Denis, le 5 janvier 2022. L’ouvrier, employé par Eiffage, a reçu une plaque de 250 kilos sur la tête. Selon les premiers éléments de l’enquête, il travaillait sur le gros œuvre, au fond d’une trémie habituellement recouverte d’importantes plaques métalliques pour éviter, justement, une chute de matériel. Sauf que le 5 janvier, un autre ouvrier d’une entreprise sous-traitante planchait au-dessus, sur le second œuvre, en ayant oublié de fixer les plaques à l’aide des boulons prévus à cet effet. Du fait des vibrations causées par son activité, la plaque est tombée sur Joao Fernandes Miranda, sept mètres plus bas. « Sur un chantier, il y a un ordre à respecter sur les choses à faire. Il faut éviter au maximum la coactivité qui est une source d’accident », note Florian. Comment cette coactivité a-t-elle pu avoir lieu ? Était-ce pour accélérer le rythme en vue des échéances ? À cause d’une sous-traitance trop importante et donc d’une désorganisation sur le chantier ? L’enquête devra l’expliquer.

Après ce décès, le chantier s’est interrompu pendant deux semaines. « C’était quelqu’un de très charismatique, il était très aimé de ses collègues », souffle Jean-Pascal François, en charge de la communication au sein de la CGT Construction. Il regrette que les syndicats soient si peu présents sur le Grand Paris. Normalement, sur ce type de chantiers exceptionnel, des permanents syndicaux sont à disposition des travailleurs. Ils tiennent des permanences dans des lieux identifiés, à proximité des lieux de vie quotidienne des ouvriers ; et peuvent facilement aller à leur rencontre. C’est d’ailleurs le cas sur les chantiers liés aux JO. Sur le Grand Paris, « on nous interdit l’accès sous prétexte que ce sont des chantiers sensibles alors que c’est notre spécialité. Qu’ont-ils à cacher ? » questionne le syndicaliste qui déplore que « la démocratie s’arrête au tourniquet du chantier ». « On a une réunion avec la Société du Grand Paris pour avoir le même suivi que sur les chantiers des Jeux olympiques », informe de son côté Samir Bairi.

Au lendemain du décès de Joao Baptista Fernandes Miranda, la CGT 93 a publié un communiqué intitulé « Plus jamais ça » qui se termine ainsi : « Nous refusons que les grues de chantiers qui essaiment la Seine-Saint-Denis deviennent le symbole de stèles d’ouvriers morts au labeur ». Car c’est la question qui se pose, l’accident du 24 janvier sera-t-il, enfin, le dernier ? Selon nos informations, la Solideo a demandé à l’inspection du travail de redoubler leurs visites déjà très régulières sur les chantiers. La cause ? L’observation d’une forme de « laisser-aller » en termes de sécurité. « Nous ne constatons pas de « laisser-aller » sur les chantiers », infirme de son côté la communication de la Solideo.

Les accidents répertoriés dans cet article ne sont que les plus graves, ceux ayant entraîné une incapacité à de très longues échéances. Selon Nicolas Ferrand, directeur général de la Solideo, cité par nos confrères du Parisien, sept accidents ayant provoqué une incapacité de travail d’au moins une semaine ont été recensés sur les chantiers des JO depuis le début des travaux. Pas plus tard que le 10 février dernier, un ouvrier du Grand Paris se faisait rouler sur les pieds par un engin de chantier, entraînant un mois d’incapacité temporaire de travail. Une source au sein de l’inspection du travail conclut : « Ce genre d’accidents, personne n’en parle, mais ça arrive presque tous les jours ».

Pierre Jequier-Zalc