NPA

Commission santé-sécu-social du NPA - Note sur la situation sanitaire, la question du déconfinement et la nécessité d’un plan d’urgence pour la santé

Avril 2020, par Info santé sécu social

Le 17 avril 2020

Au niveau international

A la date du 16 avril, selon les chiffres officiels recensés par les États, le Covid-19 a contaminé

2 083 820 personnes dans 193 pays, et 137 500 personnes sont décédées depuis son apparition en décembre. Ces chiffres ne reflètent qu’une fraction du nombre réel de contaminations, un grand nombre de pays ne testant que les personnes hospitalisées.

En Europe, après des signes de stabilisation de l’épidémie ces dernières semaines, le nombre de cas affecté par le virus a presque doublé depuis 10 jours pour atteindre un million de personnes selon la branche Europe de l’OMS et 90 181 personnes sont décédées, soit plus de 65 % des décès dans le Monde. Avec 17 167 morts la France est le pays le plus touché après l’Italie et l’Espagne.

Aux États-Unis, avec 30 990 morts, la pandémie continue de s’étendre.

Dans les pays d’Asie, une « deuxième vague » semble toucher plusieurs pays qui avaient réussi à passer la première avec un certain succès.

Il n’y a pas de signes actuellement que l’arrivée du printemps et la hausse des températures entraîne un recul de la pandémie. La seule stratégie de lutte, en l’absence de traitements efficaces pour l’instant et de vaccins pour encore longtemps, restent donc celles qui ont été préconisées mais seulement partiellement ou peu appliquées : mesures barrière, dépistage, isolement des malades, surveillance des cas contacts, renforcement et coordination du système sanitaire et protection efficace des personnels soignants et hospitaliers.

Sur le plan national

Il y a un recul du nombre d’hospitalisations et du nombre de patientEs en réanimations. Mais ce recul est lent et le système de santé reste sollicité à un niveau élevé. La diminution progressive du nombre de malades hospitalisés arrivant aux urgences et occupant des lits de réanimation, et cela dans les régions « en tension » comme dans celles ou le nombre de malades reste limités, permet un peu partout aux équipes de souffler un peu.

Par contre, le manque de protection des soignantEs et de l’ensemble des personnels reste criant : manque de masques, manque de surblouses... parfois très imparfaitement compensés par les ressources de la « débrouille » ou de la solidarité locale. Le manque de tests persiste pour les personnels hospitaliers. Seuls celles et ceux qui ont des symptômes sont testés. Le résultat est la transmission de la maladie aux patientEs par des soignants positifs mais non testés, y compris dans des services « non Covid » (par exemple en gériatrie). Dans les EHPAD la situation reste critique.

Les équipes de soins sont de plus en plus épuisées là où le nombre de soignantEs infectés/ou malade augmente. Le stress est très élevé. L’exigence de matériel de protection, de tests massifs des personnels hospitaliers, et de la non remise au travail dans des délais prématurés, reste une revendication centrale.

L’angoisse sur la situation présente se double d’inquiétudes très fortes pour l’avenir. Outre la probabilité (nous y reviendrons) d’une « deuxième vague » d’afflux de patientEs atteints du Covid, les soignantEs ont désormais la certitude d’une « deuxième vague » due à l’afflux massif de tous les patientEs « non Covid » qui n’ont pas été soignés au cours des dernières semaines ou n’ont reçu que des réponses d’urgence. Les soins « différés » « déprogrammés » vont entraîner une arrivée massive de malades dans des états graves, auxquels le système de santé affaibli et centré sur l’urgence Coronavirus sera incapable d’apporter les réponses nécessaires.

A titre d’exemple, certaines estimations parlent de 50 à 80 % de personne n’ayant pas consulté pour un infarctus du myocarde. Les patients psychiatriques, les personnes âgées avec de multiples pathologies qui ne vont plus voir le médecin ou ne s’adressent plus à l’hôpital, sont tout particulièrement concernés. Ce seront les « dommages collatéraux » de l’épidémie arrivant sur un système de santé qui fonctionnait déjà à flux tendu dans la période antérieure.

L’inquiétude est d’autant plus forte que l’arrivée de ces deux vagues va coïncider avec la période estivale qui est celle des congés. En temps normal, c’est déjà une période très critique : au cours des derniers étés de très nombreux services avaient du fermer ou fonctionnaient au ralenti, pour permettre les congés du personnel.

la crainte commence à monter parmi les personnels que les congés dont ils ont absolument besoin ne soient remis en cause pour aller « au front ». Des pressions qui commencent à apparaître de la part de l’encadrement pour imposer dès aintenant la prise de congés de récupérations ou de RTT.

L’intervention de Macron et ses suites possible

L’intervention de Macron signe l’aboutissement et l’impasse de la politique de confinement « par défaut », pratiquée jusqu’à maintenant. Elle est en même temps une tentative irresponsable et à très haut risque pour la santé de la population pour en sortir.

Le seul aspect positif de « leur » confinement a été de freiner le développement de l’épidémie en évitant que le système de santé ne soit trop débordé, mais le temps n’a pas été mis a profit pour entamer le déconfinement dans des conditions satisfaisantes, en pratiquant des tests massifs, isolant les personnes infectées et leurs contacts, en bloquant de manière efficace toutes les activités non indispensables, en assurant au système de santé les moyens nécessaires et la protection maximum des personnels.

Confronté aux exigences du patronat de faire reprendre le travail au plus tôt, à l’impossibilité de continuer pendant plusieurs mois des plans de sauvetages de dizaines de milliards qui creusent les déficits budgétaires, à l’exaspération croissante de la population, en particulier celle qui a les conditions de vie les plus difficiles, Macron tente d’en sortir en annonçant une date rapprochée de déconfinement, le 11 mai, pour le retour au travail de la population « active » et la réouverture des établissements scolaires (permettant ce retour au travail).

Comme l’ont révélé depuis de nombreux articles de presse, cette décision a été prise sans aucune préparation au sein même du gouvernement. A charge à « l’intendance » de suivre… dans la plus totale improvisation, et alors que les moyens les plus élémentaires de cette politique manquent.

Le risque est très grand que cette décision ne précipite une situation sanitaire et sociale chaotique, avec une relance de l’épidémie.

Les mesures d’urgences prises par le pouvoir préparent « le jour d’après » tel qu’ils le voient

Malgré les déclarations grandiloquentes de Macron, la réalité des mesures d’urgence pour la santé prises par le pouvoir se limitent à quelques enveloppes ponctuelles pour « passer le cap » de l’épidémie et le rendre acceptable, mais rien qui ressemble à l’ébauche d’un plan pour permettre à l’hôpital au système de santé de répondre immédiatement et dans l’avenir aux besoins de la population et aux situations de crise.

La circulaire budgétaire qui vient d’être publiée prévoit une « enveloppe exceptionnelle » d’urgence de 377 millions d’euros pour « alléger les tensions » dues aux dépenses exceptionnelles liées au Covid-19. Il s’y ajoute une enveloppe de 246 millions d’euros pour les établissements « en grande difficulté financière » et deux enveloppes spécifiques pour les secteurs sinistrés que sont la psychiatrie et les soins de suite : des « gouttes d’eau » ! Les plans de fermetures de lits et de suppression de postes sont seulement suspendus… mais pas abandonnés !

La prime exceptionnelle de 500 à 1500 euros « pour solde de tout compte » qui vient d’être annoncée est un coup de pouce ponctuel et diviseur (pour certains et pas pour d’autres) et ne répond pas à l’exigence de revalorisation des salaires réclamées depuis des mois les hospitaliers en lutte (300 euros pour tous). Le collectif budgétaire de 8 milliards annoncé pour la santé (sur les 110 du plan gouvernemental) sera consacré uniquement à l’achat des masques (4 milliards) et au financement de la prime exceptionnelle. Aucune embauche et aucun investissement qui permette de préparer les urgences qui s’annoncent pour les prochaines semaines, sans parler de la suite.

Par contre, au travers de cette crise, se préparent discrètement l’accélération de la privatisation du système de santé et de son financement, dont la note de la Caisse des dépôts a tracé les pistes.

Il ne faut pas considérer comme anecdotiques les « appels aux dons » lancé par des directeurs d’hôpitaux. Derrière cet appel aux dons des particuliers et l’accent porté sur la « générosité » de grandes entreprises comme LVMH (fourniture de gel hydro-alccolique) ou Dassault (qui a fait un don à l’AP-HP pour avancer l’ouverture d’une nouvelle unité de l’Hôpital H.Mondor), c’est le modèle d’un système de santé privé (même s’il est a but « non lucratif »), financé de manière mixte par des fondations ou institutions privées et la sécurité sociale ou l’État. Des idées qui devrait inspirer le « plan d’investissement » annoncé par Macron.

Mobilisation pour un véritable plan d’urgence pour la santé

A « leurs » mesures d’urgence pour « leur » sortie de crise, nous devons opposer la mobilisation autour d’un véritable plan d’urgence pour la santé, pour aujourd’hui et pour demain, dont nous avons déjà tracé les grandes lignes et qui suppose dès aujourd’hui des mesures sortant du cadre « normal » de fonctionnement du capitalisme.

 Des moyens d’urgence pour une sortie responsable du confinement.

La fixation d’une date suppose au préalable que les moyens de cette sortie soient clairement donnés et que celle-ci soit organisée.

C’est vrai tant pour la réouverture des établissements scolaires comme pour le retour au travail. Hors de ces conditions, le droit de retrait est pleinement justifié.

Cela suppose immédiatement :

 la réquisition massive (sous le contrôle de leurs salariéEs et de la population) des moyens de produire les protections (masques, tenues), des tests, médicaments et traitements ;

 la gratuité totale des soins pour touTEs ;

 La réquisition des logements hôtels permettant à la fois un hébergement digne et sûr des populations en danger (migrantEs, SDF, précaires...), l’accès à la nourriture et à l’eau potable de toutes celles et ceux qui en ont besoin.

Un plan massif de financement du système de santé et une réorganisation de celui-ci doit être une priorité immédiate préparant le « monde d’après » :

 un plan massif de formation et de recrutement pérenne de 120 000 emplois financé par l’assurance maladie doit être immédiatement mis en œuvre et poursuivi sur les années à venir. Ce plan sera financé de manière durable par la suppression des exonérations de cotisations sociales ;

 l’augmentation générale et pérenne des salaires de tous les personnels hospitaliers de 300 euros ;

 la réorganisation du système de santé pour faire face aux situations imprévues, assurer la prévention, les soins , le suivi, sans être soumis à des impératifs de rentabilité immédiate, ce qui suppose l’abandon des reformes hospitalières mises en place depuis 2003 et du système de financement calqué sur celui de l’entreprise, ainsi que l’abrogation des plans de retour à l’équilibre.

La lutte pour un tel plan ne concerne pas que le personnel hospitalier, elle doit être portée par l’ensemble de celles et ceux qui se mobilisent chaque soir pour les soutenir, ainsi que par les syndicats, associations, forces politiques, groupes de gilets jaunes, etc.