Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Europe Solidaire Sans Frontière - Confinement, déconfinement : quelques questions avec ou sans réponses

Mai 2020, par Info santé sécu social

jeudi 14 mai 2020, par ROUSSET Pierre

Le propre de cette chronique occasionnelle est d’être un mélange de notes, de sources et citations, souvent longues, de renvoi à des articles jugés pertinents à un moment où, en France, la principale mesure d’endiguement de la pandémie (le confinement) est progressivement levée ; et alors que demeurent de nombreuses incertitudes.

Mesures personnelles (gestes barrières) :

• Plus le port de masques (efficaces) est généralisé, mieux cela est. Les masques dont nous disposons protégeant souvent avant tout l’autre, c’est la réciprocité qui assure la protection de toutes et tous.

• La distance physique de sécurité de référence n’est pas un mètre, mais deux (compte non tenu de l’épineuse question des aérosols). La distance parcourue par des postillons dépend de divers facteurs (vent, éternuements, parole plus ou moins forte, densité de présence humaine...).

• Si vous ne portez pas de masques, laissez largement la place aux personnes qui en portent : elles désirent protéger et être protégées. Elles peuvent faire partie des personnes dites « fragiles » (plus de 17 millions en France) pour qui le risque de maladie très grave ou mortelle s’avère particulièrement élevé.

• Soyons attentifs à l’autre. Ce sera un pas vers une société plus solidaire.

Un moment charnière

Citation (Le monde du 11 mai 2020 [1])

La période de déconfinement s’ouvre en France, alors qu’un certain nombre d’incertitudes subsistent sur le comportement du nouveau coronavirus et notre capacité à enrayer l’épidémie hors d’un cadre très contraint de réduction des contacts interindividuels, facteurs de contamination. Depuis quatre mois, la machine scientifique tourne à plein régime pour comprendre les spécificités de cette pandémie, mais elle est loin d’en avoir percé tous les secrets. A l’heure où on s’apprête à baisser la garde face au SARS-CoV-2, passage en revue de questions scientifiques en suspens.

Fin de citation.

Est-on préparé ?

Citation (Le monde du 11 mai 2020).

[Du 1er au 9 mai], malgré les gestes barrières, malgré la distanciation sociale, malgré le confinement, il y aurait encore, en réalité, de 3 000 à 4 000 nouvelles contaminations chaque jour, selon l’épidémiologiste Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité des infections respiratoires de Santé publique France (SPF). « C’est nettement moins qu’il y a un mois, mais c’est encore beaucoup, rappelle Anne-Claude Crémieux, professeure d’infectiologie à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. On va donc déconfiner avec des chaînes de contamination encore actives et une connaissance très grossière de ce qui se passe. On ne dispose pas d’un état des lieux sur l’ensemble des Ehpad, ni dans tous les hôpitaux, et on ne connaît pas les conditions d’infection des nouveaux contaminés, alors que cette période aurait dû nous permettre de bien analyser tous ces points. Il n’y a pas eu de réelle stratégie de santé publique pour réussir le déconfinement. »

Le constat est sévère. Il est vrai que l’infectiologue alerte depuis déjà un mois, à travers les communiqués de l’Académie de médecine, dont elle est membre, ou par des entretiens dans la presse. « Quand nous avons vu qu’après trois semaines de confinement les niveaux d’infection restaient très élevés, nous avons réclamé un changement de stratégie. » Comme casser notamment les chaînes familiales en développant les accueils de malades dans des hôtels médicaux. Différentes études internationales ont montré, il est vrai, le rôle des contaminations à domicile. Dès février, les premières études chinoises conduites sur les foyers (« clusters ») de plus de trois cas ont conclu que 80 % étaient familiaux. Une autre étude, réalisée à Hongkong sur 318 regroupements de malades, a trouvé le même résultat. Loin derrière figuraient les transports. (...)

Les familles, donc. Mais aussi les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Didier Guillemot, directeur d’unité à l’Institut Pasteur et professeur de médecine à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), vient de lancer une vaste étude pour tenter de déterminer l’ampleur et l’origine de la contamination des personnels hospitaliers. « Comment se sont-ils infectés ? Au contact de patients, dans leur famille, ailleurs dans la ville ? », s’interroge-t-il. Et qui ont-ils pu infecter à leur tour ? L’enjeu est essentiel tant le rôle de l’hôpital dans la dynamique épidémique globale apparaît ambigu. « Lorsqu’on hospitalise les patients les plus contagieux, fait-on baisser cette dynamique, car on contrôle ainsi des vecteurs potentiels, ou l’hôpital joue-t-il au contraire un rôle d’amplificateur ? » Le professeur Guillemot entend bien apporter une réponse. « Mais pas avant début juillet », prévient-il.

Ce n’est également pas avant juillet que le professeur Philippe Vanhems, des Hospices civils de Lyon, espère disposer des premiers résultats d’une étude du même type sur les Ehpad de la région, qui devrait permettre de caractériser les regroupements de cas, selon la situation des patients, des soignants, l’organisation des ressources, l’environnement extérieur… Un rythme éclair pour la recherche, mais qui n’offrira de leçons que deux mois après le déconfinement.

On ne s’est jamais donné les moyens de savoir

« Nous avons quelques observations empiriques, explique Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris, et promoteur du réseau Covisan, ces équipes mobiles récemment mises en place en région parisienne, chargées de repérer les malades et de tracer leurs contacts. On voit beaucoup de familles en grande promiscuité. Des résidents de foyers. Quelques contaminations au travail, également : policiers, personnels hospitaliers ou d’Ehpad, des petits boulots… Mais ça reste très impressionniste. La vérité, c’est qu’à ma connaissance il n’y a pas eu d’étude précise. D’abord on a dit aux gens de rester chez eux tant qu’ils le pouvaient pour ne pas encombrer le système. Donc on s’est privé de toute information. Maintenant on va les voir, mais on nous a demandé de ne pas les accabler de questions, juste le minimum, de quoi trouver leurs contacts, les isoler, briser les chaînes de contamination. On ne s’est jamais donné les moyens de savoir. »

Fin de citation.

Trois gestes barrières : nettoyage des mains, réelle distance de sécurité, port généralisé du masque

Les autorités françaises ont répété des semaines durant que le port du masque par le public était inutile (voire dangereux). La « doctrine » officielle a finalement dû été changée.

Les trois gestes barrières forment un tout. Les masques ne sont pas assez protecteurs pour se passer d’une distance de sécurité. Le maintien d’une réelle distance de sécurité est généralement trop aléatoire pour se suffire à lui-même. Le nettoyage des mains préserve des contaminations par toucher. Ils ne doivent pas être dissociés. Pourtant, en ce domaine, les autorités s’empêtrent encore dans une cacophonie assez ahurissante.

D’une part le Premier ministre a appelé au port du masque dans l’espace public et, en particulier, les lieux de fréquentation dense, sans en faire une obligation légale en dehors, principalement, des transports en commun et des commerces. De l’autre, le ministère de la Santé diffuse sur nos écrans de télévisions une longue liste de précautions à respecter, le port du masque étant rejeté en post scriptum, comme un « complément » (sic !), usant d’une formule pour le moins étonnante : « portez un masque quand la distance d’un mètre ne peut pas être respectée ».

La distance de sécurité

Un mètre ? Dans la plupart des pays, la distance officiellement recommandée est située entre 1,5 à 2 mètres. De plus, elle est extensible selon les situations.

Citation (Le Monde du 11 mai 2020).

Six pieds, c’est-à-dire 1,83 m ; 1,50 m ou 1 mètre ? Les recommandations de distance physique à respecter entre deux personnes varient selon les pays. Les autorités américaines et celles du Royaume-Uni préconisent six pieds, l’Italie 2 mètres. C’est 1,50 m dans des pays comme l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. (...)

(...) l’objectif est de réduire les risques de contamination du nouveau coronavirus, qui se transmet essentiellement de personne à personne. Selon le Centre de contrôle américain des maladies (CDC), cette transmission se fait principalement par le biais « des gouttelettes respiratoires produites lorsqu’une personne infectée tousse, éternue ou parle », « celles-ci peuvent atterrir dans la bouche ou le nez des personnes qui se trouvent à proximité ou être inhalées dans les poumons ». Pour mémoire, la contamination peut aussi se faire par l’intermédiaire des mains ou des selles. Il existe également des transmissions indirectes par des surfaces infectées et probablement par aérosols, comme l’ont suggéré plusieurs études.

Dans un avis validé le 24 avril, le Haut Comité de santé publique (HCSP) considère que « la distance d’au moins 1 mètre promue en France depuis des années correspond à une distance de sécurité minimale [je souligne], étroitement dépendante de caractéristiques biologiques, climatiques et comportementales ». Le HCSP note que « cette distance a été régulièrement remise en cause [je souligne] pour d’autres pathologies à transmission respiratoire par le passé ».

« En règle générale et lorsque le site le permet, un espace libre de 4 m2 autour d’une personne est recommandé » Le Haut Comité de santé publique

De fait, la question n’est pas simple : si la grande majorité des gouttelettes propageant le virus se dispersent dans un rayon de 1 ou 2 mètres, il n’y a pas de certitude de ne retrouver aucune particule virale au-delà de cette distance, c’est juste la probabilité qui diminue. (...).

« En règle générale et lorsque le site le permet, un espace libre de 4 m2 autour d’une personne est recommandé », affirme le HCSP. Il est aussi prudent de prendre ses distances lors d’activités sportives avec une ventilation soutenue, car « les émissions de gouttelettes sont particulièrement importantes et à risque de transmission », explique le HCSP. Lors d’un jogging ou à vélo, la distance minimale à respecter est de 10 mètres, prévient le ministère des sports.

Fin de citation.

Le port du masque

Nous n’avons pas accès aux masques protecteurs (type FFP2). Pour remplir leur fonction, les autres masques doivent être techniquement suffisamment efficace et leur port suffisamment généralisé.

Le masque chirurgical reste le plus efficace en dehors des FFP2. Il est conçus pour empêcher la personne qui les porte de contaminer les autres. De plus il protège cette personne des gouttelettes et postillons, mais n’est pas suffisant pour pour l’empêcher d’inhaler le virus, vu sa très petite taille (trois microns).

Les masques en tissus « maison » qui suivent les guides de CHU ou de l’Afnor ont une efficacité réelle, bien que moindre, en ce qui concerne la réduction des émissions de postillons et gouttelettes ; cependant cette efficacité est difficile à mesurer. Quant à la qualité des masques tissus fabriqués par des entreprises, il faut s’en remettre à la bonne fois des fabricant, car il n’y a pas de certification assurée par un organisme indépendant. Les guides et conseils de fabrication ne permettent pas une telle certification pour laquelle il faut des normes vérifiables que l’Afnor ne fournit pas.

Les recommandations de l’Afnor s’appuient sur les données fournies par le Direction générale de l’armement (DGA) de Vert-le-Petit (Essonne). Mais elles ont été « adaptées » à la baisse pour le masque « grand public » (non professionnel).

En situation de pénurie extrême, n’importe quoi vaut mieux que rien. Même une écharpe ou un bout de tissu qui pendouille réduit un peu la diffusion des particules. Cependant, ce type de considération ne permet ni de garantir la sécurité dans les transports en commun ni de répondre à la situation des personnes à risque qui ne peuvent jouer leur avenir à cette roulette russe.

Les masques (en qualité et quantité) est l’une des conditions du déconfinement. Pour tenir formellement les délais, les autorités ont cependant autorisé la production massive de masques en tissu, de façon précipitée.

Citation Mediapart, 2 mai 2020 [2] :

Vu le manque de masques chirurgicaux et le fiasco de l’approvisionnement des soignants (lire ici), le gouvernement a dû trouver une alternative dans l’urgence. Résultat : la France est le seul pays d’Europe qui a misé sur l’équipement massif en masques en tissu.

En moins de deux mois, l’État et ses partenaires ont réussi à créer, fabriquer et labelliser le premier modèle du genre destiné à une production industrielle. L’exécutif a mobilisé 242 entreprises textiles françaises, qui ont déjà produit 41 millions de masques en trois semaines. Mais aussi les couturières et couturiers amateurs, invités à participer à l’effort de guerre.

Toutefois ce pari pose question. L’État a défini des critères de qualité, afin que les masques filtrent 70 à 90 % des particules. Mais il a lancé sur le marché, sans disposer de recul expérimental, des masques qui ne correspondent à aucune norme et certification officielle. Ils sont d’ailleurs interdits chez les soignants, vu les incertitudes scientifiques sur leur efficacité.

Le recours aux masques en tissu pose aussi un problème d’inégalité en matière de protection contre le Covid-19. La grande distribution vient en effet d’annoncer la mise en vente progressive de centaines de millions de masques chirurgicaux (lire ici). Avec d’un côté les Français qui pourront en acheter, et les autres qui devront se contenter du tissu.

Fin de citation.

Cette politique contrevient aux protocoles qui devraient en principe être suivis, comme l’expliquent les citations suivantes.

Citation Mediapart, 2 mai 2020 :

« Attention, on ne peut pas faire tout et n’importe quoi », indique à Mediapart cet ingénieur, qui, à l’Afnor, a justement présidé la commission de normalisation des appareils de protection respiratoire. « Ce document n’a rien d’une norme. Il ne sert d’ailleurs pas à grand-chose, si ce n’est à apporter un support pour fabriquer des “masques barrières” dont on ne sait toujours pas ce qu’ils sont. Au moment de H1N1, on n’aurait jamais édité un document comme ça », cingle-t-il.

« Les masques médicaux sont certifiés, contrôlés sur leur niveau de filtration mais aussi avec des prélèvements pour s’assurer qu’il n’y a pas de microbes, s’agace Éric Bensimhon, PDG du fournisseur de matériel médical Ylea. Les masques barrières ont été faits à la va-vite, juste pour répondre à une demande urgente. C’est un geste politique. Le gouvernement aurait pu doter la population en masques chirurgicaux mais, pour cela, il fallait s’y prendre plus tôt, et cela aurait coûté beaucoup plus cher. »

Fin de citation.

Toute cette histoire est assez compliquée et il vaut mieux lire l’intégralité de l’article cité ci-dessus.

Citation, Le Monde, 11 mai 2020.

La nécessité de porter un masque reste un sujet incertain pour le grand public. Sans doute en raison du changement de discours du gouvernement ces dernières semaines. Après avoir martelé que les masques devaient être réservés aux soignants, les jugeant même inutiles, voire « contre-productifs » sur les personnes non infectées (s’appuyant pour cela sur les recommandations de médecins), il a ensuite opté pour un autre discours, encourageant, début avril, « le grand public, s’il le souhaite, à porter des masques ». Ce changement de doctrine a suscité la polémique, en raison de la pénurie.

Depuis lundi 11 mai, le masque est devenu obligatoire dans les transports en commun et dans certains lieux publics. Dès le 31 mars, l’Académie de médecine suggérait qu’il soit rendu obligatoire pour les sorties. C’était d’ailleurs l’un des prérequis à la levée du confinement établis par le conseil scientifique, le 20 avril. « Compte tenu du rôle possible des infections présymptomatiques ou asymptomatiques dans la transmission du SARS-CoV-2, le port systématique d’un masque dans les espaces publics pourrait contribuer à réduire la transmission dans la communauté », indique une note de SPF, diffusée le 5 mai. L’agence sanitaire met toutefois en garde contre « le sentiment de fausse sécurité donné à tort par le port d’un masque ». Il doit être couplé avec le strict respect des mesures barrières et de la distanciation physique et avec le respect des consignes d’utilisation.

Les recherches restent toutefois limitées sur l’efficacité des masques alternatifs. Kar Keung Cheng et ses collègues (université de Birmingham) recommandaient, dans un commentaire de la revue The Lancet, le 16 avril, un large usage du masque, quel qu’il soit, par la population, comme cela a été fait à Hongkong et en Corée du Sud, estimant que cette initiative relève de l’altruisme, puisque le porteur protège les autres.

Fin de citation.

Pourquoi l’exemple de Hong Kong est-il si important ?

L’exemple de Hong Kong nous est particulièrement utile. La population (7,4 millions d’habitants) est chinoise (donc sans éventuelles caractéristiques génétiques protectrices), en contact direct avec des zones de forte contamination de l’autre côté de la frontière, avec un important va-et-vient quotidien de travailleur.es. Les fêtes du Nouvel An lunaire ont provoqué de nombreux voyages en Chine. C’est l’un des territoires avec la plus haute densité de population. Le prix des logements est aussi l’un des plus élevés au monde, si bien qu’une grande partie de la population s’entasse dans des immeubles et des appartements où la distanciation sociale ne peut être établie.

Hong Kong bénéficiait d’un « avantage » cependant, la population a connu dans une épidémie mortelle de SRAS en 2003 et acquis des réflexes protecteurs.

A ce jour, seuls quatre patients sont décédés de Covid-19, « un bilan qui fait de Hongkong un exemple de réussite dans la lutte contre le virus ». Une réussite obtenue en faisant l’exac opposé de la politique mise en œuvre en France. Troublant.

Citation (Florence de Changy, Le Monde du 11 mai 2020).

Alors que la stratégie de certains pays, dont la France, visait à laisser les malades chez eux le plus longtemps possible et à leur demander de n’appeler les secours qu’en cas d’insuffisance respiratoire, celle de Hongkong prévoyait, au contraire, d’identifier et de prendre en charge le malade le plus tôt possible afin d’enrayer l’attaque virale à ses débuts. Ainsi le risque de potentielles complications – principalement inflammatoires, infectieuses et thromboemboliques – était-il désamorcé.

« Nous avons constaté que la combinaison de trois antiviraux [lopinavir/ritonavir – Kaletra –, ribavirine et interféron 1b] avait un effet très efficace pour réduire la charge virale. C’est le traitement recommandé dans la plupart des hôpitaux de Hongkong. Tant que les poumons ne sont pas atteints, on maîtrise ce virus assez bien », précise le docteur Liu, avant d’ajouter :

« Nous n’utilisons pas d’hydroxychloroquine, avec ou sans azithromycine. Ces médicaments ont d’éventuels effets secondaires sur le rythme cardiaque et nous estimons leur effet antiviral modeste. Mais, quel que soit l’antiviral que vous choisissez, le principal enseignement de cette épidémie pour le corps médical, c’est l’importance de traiter le patient le plus tôt possible, car il est impossible de prédire comment chaque sujet va réagir. »

Cette stratégie a permis non seulement d’optimiser les chances de guérison du malade en évitant les risques de complication, mais elle a aussi limité le risque de contamination en aval. Car la forte proportion de porteurs sains, qui caractérise ce virus, augmente considérablement le risque de propagation dans la communauté. « Ce virus est très sournois », ne cesse de répéter le médecin. D’après les études de traçage précis sur les cas de Hongkong, il s’est surtout transmis entre proches, dans des circonstances où les gens ne portaient pas leurs masques : membres d’une même famille, partage d’un même repas…

Complémentarité des méthodes

Car l’autre caractéristique de la méthode hongkongaise a été l’adoption immédiate et généralisée du port du masque. Le docteur Liu est d’ailleurs encore ébahi de la discipline scrupuleuse avec laquelle les Hongkongais ont décidé spontanément de porter un masque, comme par réflexe, alors même que la chef de l’exécutif, Carrie Lam, tergiversait quant à son utilité au début de la crise.

Le médecin estime que cette attitude des Hongkongais a, à elle seule, permis d’enrayer 90 % de l’épidémie. « Personne ne peut dire : je ne suis pas contaminé donc je n’ai pas besoin de porter de masque car, même si votre test était négatif ce matin, vous avez pu attraper le virus depuis… », rappelle-t-il, consterné que le président américain Donald Trump et son vice-président s’exonèrent publiquement de cette précaution élémentaire.

Les scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire qu’aucune méthode n’est autosuffisante. C’est la juxtaposition et la complémentarité de plusieurs mesures simultanées qui permettent de maîtriser l’épidémie. Dans le cas de Hongkong, le port du masque par tous et le traitement des malades dès les premiers symptômes semblent être les principales explications au bilan remarquable du territoire, mais il ne faut pas oublier les fréquents contrôles de température un peu partout, la stricte mise en quarantaine des proches des malades, la recherche des contacts, les désinfections fréquentes des zones à risques, les mesures de distanciation sociale, etc.

(...)

[A] moins qu’une troisième vague n’arrive avec la réouverture des frontières, le Covid-19 ne laissera pas la moindre trace de son passage sur les courbes de mortalité du printemps 2020 à Hongkong.

Fin de citation.

* * *

L’auteure de cette citation, Florence de Changy, avait écrit une Lettre à Martin Hirsch, Directeur de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, intitulée : Coronavirus : comme à Hong Kong, « promouvoir le port du masque comme un acte citoyen » [3]

Elle y écrivait :

Par contraste [avec la France], l’exemple hongkongais a montré que lorsqu’une population dans son entière totalité adopte le port du masque comme forme de confinement individuel, la propagation du virus peut être quasiment arrêtée. Malgré une densité démographique parmi les plus fortes de la planète (7 millions et demi d’habitants qui cohabitent pour la plupart dans des espaces minuscules avec une très forte proximité dans la vie quotidienne), malgré des échanges intenses de personnes avec la Chine, et malgré la proximité géographique des premiers épicentres (jusqu’à la fermeture des frontières mi-février), Hong Kong doit déplorer à ce jour quatre morts du covid-19, oui quatre…

Je suis donc ahurie d’entendre les autorités sanitaires françaises continuer d’affirmer que le masque ne sert à rien ou à presque rien. Cela me semble grave et dangereux alors qu’il faudrait au contraire inciter tous les Français à en porter, pas seulement le corps médical et les forces de l’ordre.

(...)

Il faut donc promouvoir le port du masque comme un acte citoyen d’intérêt collectif. Dans une épidémie, chacun devrait se considérer comme porteur potentiel, et protéger les autres de soi, pas l’inverse. C’est ce message qu’il me semble important de faire passer.

DÈS LORS QU’ILS ONT VU RÉAPPARAÎTRE LE SPECTRE DU SRAS DE 2003, FIN JANVIER, LES HONGKONGAIS ONT REPRIS LE PORT DU MASQUE COMME UN SEUL HOMME, DU JOUR AU LENDEMAIN, ET EN DÉPIT DE LA GRAVE PÉNURIE QUI AVAIT LIEU ICI AUSSI. L’ATTITUDE DES HONGKONGAIS A ÉTÉ D’AUTANT PLUS ADMIRABLE QU’ELLE S’EST FAITE EN DÉPIT DES CONSIGNES GOUVERNEMENTALES LESQUELLES, COMME EN FRANCE, NE RECOMMANDAIENT LE PORT DU MASQUE QUE POUR LES MALADES ET LES SOIGNANTS.

Se laver les mains est l’étape numéro 2 : utile quand le virus est déjà sur les claviers d’ordinateur, les rampes d’escalator, les billets de banque, les pièces, les cartes de crédit, les poignées de porte, les écrans tactiles, les étales de fruits, les caddys de supermarchés… Mais le port du masque réduit considérablement, en amont, la dispersion du virus. Cela paraît élémentaire comme raisonnement.

(...)

Inonder le marché français de masques et en imposer l’utilisation par tous permettrait de lever assez rapidement le confinement. Les masques pourraient être subventionnés ou distribués gratuitement, ce qui coûterait beaucoup moins cher à l’économie que les conséquences d’un confinement drastique « à la chinoise ». Entre le confinement et le port du masque comme forme de confinement individuel et mobile, les Français ne devraient pas hésiter longtemps.

Fin de citation.)

Notes
[1] Le Monde, 11 mai 2020. Hervé Morin, Sandrine Cabut, David Larousserie, Pascale Santi, Paul Benkimoun, Nathaniel Herzberg et Chloé Hecketsweiler :
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/11/coronavirus-ce-que-la-science-ignore-encore-a-l-heure-du-deconfinement_6039272_1650684.html.

[2] Mediapart. Disponible sur ESSF (article http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article53232), arthttp://www.europe-solidaire.org/....

[3] Publié le 24 mars sur Asialist. Disponible sur ESSF (article 52948), Lettre à Martin Hirsch, Directeur de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris : Coronavirus : comme à Hong Kong, « promouvoir le port du masque comme un acte citoyen ».