Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

France Inter - Un vaccin contre la Covid "efficace à 90%" : 6 questions sur l’annonce de Pfizer

Novembre 2020, par Info santé sécu social

par Louis-Valentin Lopez, Danielle Messager publié le 9 novembre 2020

Les bourses mondiales ont exulté lundi, Joe Biden comme le patron de l’OMS se sont enthousiasmés, après l’annonce d’un vaccin expérimental, "à 90% efficace" contre le coronavirus, d’après Pfizer. Six questions sur cette nouvelle qui suscite d’importants espoirs.

Une bonne nouvelle dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus. Et avec elle, l’espoir d’un retour à la normale. Un vaccin développé par Pfizer (États-Unis) et BioNTech (Allemagne) est "efficace" à 90% pour prévenir les infections à la Covid-19, ont annoncé ce lundi les deux sociétés pharmaceutiques dans un communiqué conjoint.

Une déclaration d’ores et déjà saluée par les marchés financiers : vers 11h20 (GMT), la bourse de Paris s’envolait de plus de 7%, Francfort de plus de 6%, Londres et Milan de plus de 5%. L’annonce a été bien accueillie par Joe Biden (un "signe d’espoir"), Donald Trump ("quelle excellente nouvelle !"), le patron de l’Organisation mondiale de la santé ("nouvelles encourageantes") et une myriade de médecins. Mais elle pose aussi beaucoup de questions. Tour d’horizon.

Qu’est-ce que Pfizer a annoncé exactement ?
Le communiqué est tombé à 12h45 heure française. Un vaccin, développé par les groupes Pfizer et BioNTech, est "efficace" à 90% pour prévenir les infections au SARS COV 2. Les deux groupes pharmaceutiques se basent sur les premiers résultats d’un essai à grande échelle de phase 3, toujours en cours : il s’agit en fait de la dernière étape avant une demande d’homologation.

"Le premier ensemble de résultats de notre essai de vaccin de phase 3 fournit la preuve initiale de la capacité de notre vaccin à prévenir le Covid-19", assure Albert Bourla, le président-directeur général de Pfizer. "Nous pensons que cette étape représente un pas en avant significatif pour le monde dans notre bataille contre le Covid-19."

Comment s’est déroulé l’essai ?
L’essai de phase 3 de ce nouveau vaccin, BNT162b2, a débuté fin juillet et s’est appuyé sur 43 538 participants à ce jour, dont 90% ont reçu la deuxième dose de ce candidat vaccin le 8 novembre. L’ "efficacité vaccinale" a été mesurée en comparant le nombre de participants infectés par le nouveau coronavirus dans un groupe qui a reçu le vaccin, et dans un groupe sous placebo.

La protection des patients testés a été obtenue sept jours après l’injection de la deuxième dose du vaccin, indiquent Pfizer et BioNTech, et 28 jours après la première injection, selon les résultats préliminaires.

Comment fonctionne ce vaccin ?
Parmi les quatre grandes catégories de vaccins développés contre la Covid-19, celle utilisée par Pfizer n’avait encore jamais fait ses preuves. Elle se fonde sur une technologie nouvelle, dite de l’ARN messager.

Avec cette technique inédite, on n’injecte pas dans l’organisme des virus inactivés, atténués ou des antigènes - comme c’est normalement le cas - mais des brins d’instructions génétiques, appelées donc ARN messager : c’est-à-dire la molécule qui dit à nos cellules ce qu’il faut fabriquer. Le vaccin incite donc l’organisme à produire des défenses immunitaires contre l’ennemi quand il le rencontre.

Et "les vaccins ARN ont pour particularité intéressante de pouvoir être produits très facilement en très grande quantité", précise à l’AFP Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, à la Haute autorité de santé.

Pourquoi cette annonce porte autant d’espoirs ?
Pour endiguer une épidémie galopante, alors que monde est touché de plein fouet par une deuxième vague (les États-Unis parlent même déjà d’une troisième). Au total, plus de 50 millions de cas, dont 1 million 250 000 décès, ont été officiellement détectés depuis le début de la pandémie.

Il est aussi indispensable de trouver un vaccin rapidement, étant donné que les virus à ARN, comme le SARS COV 2, mutent à la marge. "Faire un vaccin pour une souche est déjà compliqué, si on doit en faire contre deux, quatre ou six souches c’est encore plus compliqué", estime notamment Gilles Salvat, expert de l’agence sanitaire française Anses, interrogé par l’AFP. Mercredi, la Première ministre danoise annonçait l’abattage de 15 millions de visons, affirmant qu’une version mutée de la Covid-19, qui pourrait menacer l’efficacité d’un futur vaccin, avait été transmise par ces animaux à douze personnes.

Face à cette situation préoccupante, le taux d’efficacité du vaccin, en particulier, suscite beaucoup d’espoirs. 90%, selon Pfizer et BioNTech, soit bien plus que le minimum de 50% demandés par l’OMS et toutes les agences de santé. La tolérance du vaccin, aussi, semble bonne : en 4 mois, aucun signalement n’a provoqué l’arrêt de l’essai, comme cela s’est produit sur d’autres vaccins candidats.

Qu’en disent les experts ? Attention de ne pas trop s’avancer. Patrick Berche, professeur émérite à l’Université de Paris et chef de service de microbiologie de l’hôpital Necker, appelle à la prudence, auprès de France Inter : "Il s’agit d’un communiqué de presse, d’une annonce, et on en a eu plusieurs auparavant. On a eu celle de Poutine, on a eu les Chinois. Tout le monde est le premier à trouver le vaccin", prévient-il.

Il souligne également un manque d’informations. "On sait qu’ils ont constitué une cohorte de 40 000 personnes et qu’ils ont des résultats partiels de protection", note le professeur : ce vaccin est "une très bonne nouvelle, à condition que il y ait un échantillon suffisant, et surtout, on n’a aucune indication pour le moment en termes d’effets secondaires et de toxicité."

Gilbert Deray, médecin à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, montre aussi qu’il reste de nombreuses inconnues dans l’équation :

Combien de vaccins disponibles et quand ?
Sur la base de projections, Pfizer et BioNTech ont déclaré qu’elles prévoyaient de fournir jusqu’à 50 millions de doses de vaccins dans le monde en 2020, et jusqu’à 1,3 milliard de doses en 2021.

"Probablement, on n’aura pas de vaccin disponible avant le mois de juin ou le mois de septembre pour les personnes fragiles", prédit le professeur Patrick Berche.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) est de son côté en train d’examiner les données du vaccin et l’Union européenne envisage toujours qu’un vaccin puisse être disponible "début 2021", selon une source européenne à l’AFP.