Industrie pharmaceutique

France-asso-santé - Une ancienne haut-placée à la HAS au service des labos ?

Août 2019, par Info santé sécu social

22 JUILLET 2019

La société Cemka, spécialisée dans le conseil aux laboratoires pharmaceutiques vient de débaucher Anne d’Andon qui était depuis 10 ans à la tête du département de l’évaluation des médicaments à la Haute autorité de santé (HAS). On ne peut que s’étonner que la commission de déontologie de la fonction publique ait validé ce transfert.

« Anne d’Andon a intégré CEMKA en tant que directeur médical, peut-on lire sur le site de la société en question, assurant expertise médicale, conseils stratégiques et appui technique auprès des différents pôles d’activité de la société ». Et alors ?

Et alors, Anne d’Andon était jusqu’à tout récemment cheffe du service Evaluation des médicaments à la Haute autorité de santé (HAS). Autrement dit, elle chapeautait l’évaluation de l’efficacité des médicaments en vue de leur éventuel remboursement. Un poste hautement stratégique, on s’en doute.

La société qui susurre à l’oreille des labos
Cemka est une société française qui se présente comme « l’un des premiers bureaux d’études dans le domaine de la Santé Publique, de l’Economie de la santé et de l’Epidémiologie ». Bayer, GSK, Mylan, Pfizer, Sanofi… Nombre de fabricants de médicaments s’appuient sur ses conseils. On compte aussi parmi ses clients des organismes publics et des associations de patients.

Dans son édition du 10 juillet, le Canard enchaîné s’est ému de ce changement de fonction, estimant qu’il pose évidemment la question d’un « énorme conflit d’intérêt ». D’après le palmipède, la commission de déontologie de la fonction publique, dont le rôle est d’examiner si les activités privées que les agents publics envisagent d’exercer ne sont pas incompatibles avec leurs précédentes fonctions, n’aurait rien trouvé à y redire.

Un transfert validé par les pouvoirs publics
De fait, pour la commission, les activités privées que les agents publics ne sont pas en droit d’exercer sont « celles exercées dans une entreprise privée si l’agent a, au cours des trois années précédant le début de son activité privée, été chargé, dans le cadre des fonctions qu’il a effectivement exercées de proposer directement à l’autorité compétente des décisions concernant des opérations réalisées par cette entreprise ou de formuler un avis sur de telles décisions ».

Les dossiers qui passent entre les fourches caudines du service des évaluations de la HAS sont soumis par les laboratoires. Cemka est susceptible de les accompagner dans cette démarche mais n’a pas de liens directs avec la HAS. D’où la décision – on l’imagine en tout cas – prise par les membres de cette commission. On peut néanmoins questionner le caractère déontologique de ce transfert ou au moins s’interroger sur le sens de cette décision.

Les largesses de la commission de déontologie
D’autant qu’une note du ministère de la justice précise que la commission rend un avis défavorable lorsque le fonctionnaire qui souhaite partir risque d’avoir, dans sa nouvelle activité professionnelle, des liens avec son ancien service et ses anciens collègues.

« La commission souhaite aussi empêcher qu’une entreprise recrute un fonctionnaire, uniquement pour son entregent et sa connaissance du milieu administratif. Il est donc essentiel aux yeux des membres de la commission qu’un agent n’exerce pas sa nouvelle profession dans le même secteur d’activité et dans le même ressort territorial que lors de ses fonctions antérieures.

Des garanties très lights contre les conflits d’intérêt
Les membres de la commission sont visiblement passés outre ce principe. Dans les colonnes du Canard, Anne d’Andon précise pour sa défense qu’elle n’a pas le droit d’entrer en contact avec son ancien service et qu’elle ne peut travailler avec des fabricants ayant déposé un dossier à la HAS dans les trois dernières années. « Rien ne l’empêche de prodiguer des petits conseils à son nouvel employeur », conclut, piquant, l’hebdomadaire.

On ne saurait mieux le dire ! Qui en effet viendra vérifier ce qu’il se passe derrière les murs de la société Cemka ? Sollicité par nos soins sur l’existence d’un dispositif permettant d’assurer que les conditions fixées par la commission de déontologie seront bien respectées, le cabinet du secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique, Olivier Dussopt, nous a indiqué que « ce suivi appartient à l’administration dont dépend l’intéressé ». Et de préciser qu’en cas de non-respect des avis rendus par la commission, des mécanismes de sanctions précis sont prévus.