Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

France Info : Coronavirus 2019-nCoV : six questions sur l’urgence de "portée internationale" déclarée par l’Organisation mondiale de la santé

Janvier 2020, par infosecusanté

France Info : Coronavirus 2019-nCoV : six questions sur l’urgence de "portée internationale" déclarée par l’Organisation mondiale de la santé

C’est la sixième fois qu’un tel dispositif est activé. L’objectif est d’intensifier la lutte contre l’épidémie au niveau mondial, à travers la mise en place de mesures temporaires.

L’Organisation mondiale de la santé a finalement déclaré l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) lors de la réunion de son Comité d’urgence sur le coronavirus 2019-nCoV, jeudi 30 janvier, à Genève (Suisse). Ce dispositif n’avait pas été adopté lors d’une première réunion, la semaine dernière. Sauf que la donne a changé depuis, avec notamment l’identification de cas de transmission entre humains hors de Chine. Franceinfo vous explique les conséquences de cette décision.

1 Que signifie cette "urgence" ?

C’est le Règlement sanitaire international (RSI) qui définit l’urgence de santé publique de portée internationale et prévoit les conditions de son déclenchement. Ce document juridique a été révisé en 2005 (document PDF), en raison notamment des manquements observés lors des débuts de l’épidémie de Sras (2002-2003), marqués par quatre semaines de silence des autorités chinoises.

Une USPPI peut être déclenchée lors d’un "événement extraordinaire" qui représente "un risque pour la santé publique" en raison de la possible "propagation internationale de maladies". Le problème sanitaire concerné doit être "grave", "soudain", "inhabituel" ou "inattendu". Le déclenchement de cette urgence de santé publique "confirme bien que le phénomène a dépassé les frontières", explique à franceinfo Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève.

2 Qui prend cette décision ?

La nécessité de déclencher une urgence est discutée au sein du Comité d’urgence créé pour chaque épidémie d’ampleur au sein de l’OMS. Il en existe par exemple un pour la fièvre jaune, un autre pour le virus Zika, et plusieurs pour les maladies à virus Ebola, créés en 2014 et en 2018. Composé d’experts internationaux bénévoles, le Comité d’urgence sur le coronavirus 2019-nCoV est présidé par le Français Didier Houssin, ancien président du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). "La direction de l’OMS fournit un texte avec la synthèse des données scientifiques, après quoi des propositions sont formulées, avec des discussions très précises", explique à franceinfo Alain Epelboin, ancien membre du Comité d’urgence sur le virus Ebola.

A la fin de sa réunion, ce groupe ad hoc a remis son avis au directeur de l’OMS, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui a pris la décision finale de déclarer l’USPPI. "La définition est suffisamment large pour permettre au directeur général de déclencher une urgence quand le Comité le juge utile et nécessaire", explique d’ailleurs Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève et ancien collaborateur de l’OMS.

3 Pourquoi a-t-elle été déclenchée cette fois ?

C’est la sixième fois que l’OMS déclare une USPPI, après les précédents de la grippe H1N1 (2009), de la poliomyélite (2014), d’Ebola (2014), de Zika (2016) et à nouveau d’Ebola (2018). Le Comité d’urgence s’est réuni une première fois, courant janvier, sans pour autant déclencher l’alerte, ce qui avait suscité une certaine controverse. Antoine Flahault suppose que "les discussions ont été très partagées" lors de cette réunion. "On reproche à l’OMS de partir parfois trop tard [virus Ebola de 2014], parfois trop tôt, comme dans le cas de la grippe H1N1", poursuit-il. Au moment de la première réunion, il n’y avait pas encore "eu de cas de transmission entre humains en dehors de la Chine".

La donne a changé mardi 28 janvier, quand l’Allemagne a identifié sur son sol un premier cas de contamination au coronavirus 2019-nCov, mais le Japon et le Vietnam ont également identifié de tels cas. Aux yeux des experts du Comité d’urgence, c’est sans doute l’un des principaux éléments retenus, car cela veut dire que le virus pourrait se diffuser depuis un nouveau foyer, hors de Chine.

"Notre plus grande préoccupation est la possibilité que le virus se propage dans des pays dont les systèmes de santé sont plus faibles", a ainsi déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, jeudi 30 janvier. Si l’essentiel des contaminations ont été détectées en Chine continentale, 18 autres pays sont touchés, avec plus de 80 cas confirmés au total. "Bien que ces chiffres [en dehors de la Chine] soient relativement faibles (...), nous devons agir ensemble pour limiter la propagation", a insisté le directeur de l’organisation.

Si les cas de transmission interhumaine sont avérés, d’autres informations essentielles sur le virus sont aujourd’hui méconnues. Les scientifiques cherchent toujours à évaluer le taux de reproduction du coronavirus 2019-nCoV, c’est-à-dire le nombre moyen de personnes contaminées par un patient atteint. Cet élément est pourtant important dans le déclenchement d’une urgence de portée internationale.

4 Quelles sont les conséquences de l’USPPI ?

En déclenchant l’USPPI, l’OMS demande aux Etats de faire preuve de la plus grande transparence sur les données sanitaires et d’accroître leur surveillance et leurs actions pour enrayer l’épidémie, à travers des recommandations temporaires qui seront réévaluées dans trois mois. Ces mesures peuvent affecter les 196 pays signataires du Règlement sanitaire international, notamment dans les secteurs du transport de personnes ou de marchandises. L’OMS recours donc avec parcimonie à ces recommandations, qui peuvent affecter l’économie des pays concernés.

La Chine avait déjà pris les devants, avec des mesures de restrictions et de quarantaine de grande ampleur. L’USPPI ajoute une pression politique supplémentaire sur Pékin, en confirmant que le pays n’a pas été en mesure de contenir l’épidémie sur son territoire. "C’est la raison pour laquelle les Etats souhaitent éviter qu’une telle urgence soit déclenchée et préfère que la gestion de la crise reste au niveau national", explique Antoine Flahault. Le directeur de l’OMS a toutefois déclaré, jeudi 30 janvier, qu’"il ne s’agit pas d’un vote de défiance à l’égard de la Chine".

Tedros Adhanom Ghebreyesus a souligné que l’organisation estimait qu’il n’y avait pas lieu de limiter les voyages et les échanges commerciaux avec la Chine. "L’OMS (...) s’oppose même à toute restriction aux voyages", a-t-il insisté. Dans un communiqué, le comité d’urgence a expliqué que ces restrictions à la circulation des personnes et des biens pendant une urgence de santé publique peuvent être "inefficaces", perturber la distribution de l’aide et avoir des "effets négatifs" sur l’économie des pays touchés.

Néanmoins, de nombreux pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie…) ont déjà émis des avertissements, afin de restreindre les déplacements vers la Chine continentale. En ayant déclaré l’urgence internationale, l’OMS a désormais le droit d’interroger les pays sur ces mesures, a expliqué le président du comité d’urgence, Didier Houssin. Il a donné pour exemple "les visas refusés, la fermeture des frontières, la mise en quarantaine de voyageurs qui sont en bonnes conditions".

5 Est-ce synonyme d’aides financières ?

Une urgence de portée internationale peut également permettre la mise en place "de mécanismes de financement d’une aide internationale", poursuit Antoine Flahault, citant l’exemple des "coûteux équipements ECMO" (matériel d’assistance cardiaque et respiratoire), utilisés "dans les cas de syndrome de détresse respiratoire aigüe" survenus lors de l’épidémie d’Ebola. "Ces déclarations permettent parfois d’aider à lever des fonds en raison d’une attention politique accrue", souligne également le chercheur de l’université de Sydney Adam Kamradt-Scott, cité par le média australien SBS (en anglais). La Chine dispose de capacités financières importantes, mais elle pourrait par ailleurs bénéficier de l’appui d’institutions comme la Banque mondiale.

6 Cette mesure peut-elle doper la recherche ?

"Une éventuelle USPPI a des conséquences sur le développement d’un vaccin, car il est dès lors considéré comme une priorité mondiale", explique Emmanuel André, microbiologiste et professeur de médecine à l’université catholique de Louvain (Belgique). Cela permet de faciliter les démarches administratives entre les différentes étapes de développement clinique et d’accélérer la mise à disposition d’un vaccin. "Comme lors de l’épidémie de virus Ebola, on peut imaginer qu’en raison de l’urgence, les organismes qui ont pour rôle de vérifier la rigueur et l’efficacité des études vont jouer un rôle facilitant entre les différentes étapes", souligne Emmanuel André.

Après cette déclaration d’urgence internationale, en effet, les autorités sanitaires – dont l’agence européenne des médicaments (EMA) – vont sans doute délivrer des "fast track" aux équipes impliquées dans la recherche d’un vaccin. Ce dispositif permet d’accélérer l’accès à certaines étapes, comme la réalisation d’essais cliniques, alors qu’un développement classique peut nécessiter plusieurs années.