L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

Hebdo L’Anticapitaliste - 542 (05/11/2020) -Reconfinement et logique capitaliste

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Henri Wilno

Deux idées hantent certains esprits dans la gauche radicale. La première est que les nouvelles mesures de confinement prises par Macron et ses sbires répondraient à des objectifs qui n’ont pas grand-chose à voir avec la pandémie qui, par ailleurs, serait surestimée par les scientifiques au service du pouvoir. La deuxième est que finalement, les capitalistes, du moins certains d’entre eux, seraient favorables au confinement.

Sur le premier point, les chiffres sont clairs : la pandémie est en passe de submerger le système hospitalier et, en temps de paix, aucun gouvernement bourgeois (Trump constitue à sa façon une exception) ne peut apparaitre comme laissant ouvertement mourir ses ressortissantEs (même si chaque année meurent des centaines de SDF et de malades ou d’accidentéEs du travail, décès qui auraient pu être évités).

Avantages collatéraux
Certes, les choses seraient différentes si des années de politique néolibérales n’avaient pas systématiquement détruit des lits à l’hôpital. Certes aussi, le confinement a des avantages collatéraux pour la bourgeoisie : il impose des contraintes supplémentaires aux travailleurEs tandis que le climat de crainte les isole les unEs des autres et rend plus difficile grèves et manifestations. Il permet aussi de justifier des contrôles permanents. Mais, fondamentalement, Macron et les représentants du capital (Medef et autres organisations patronales) ne voulaient pas d’un nouveau confinement et s’efforcent depuis plusieurs mois d’atténuer les protocoles sanitaires dans les entreprises. Il en est de même des homologues étrangers des dirigeants français. Car un confinement strict signifie que la machine à exploiter les travailleurEs et à accaparer la plus-value est globalement en panne. C’est ce qui débouche sur la crise économique tout à fait particulière que nous connaissons1.

On lit parfois que les capitalistes ne seraient pas opposés au confinement car ils (ou tout au moins certains d’entre eux) seraient gagnants. Certains (Amazon et consorts) vont effectivement à nouveau en profiter et le fait qu’Airbus et Boeing plongent n’est pas leur souci prioritaire. Il faut en fait comprendre, que comme l’a analysé Marx, le fonctionnement de cette économie repose sur la concurrence entre les « capitaux nombreux ». À tout instant, dans cette lutte entre requins, il y a des perdants et des gagnants et la pandémie ne fait pas exception. Mais, globalement, le confinement, comme cela a été écrit plus haut, est un facteur de crise.

« Irrationalité globale »
Un des arguments avancés à l’appui de cette thèse du « complot capitaliste » est qu’entre mai et octobre, il n’y a eu en France aucune création de capacités hospitalières. Ici intervient une deuxième caractéristique de ce système qui, comme l’écrivait Ernest Mandel, combine « rationalité partielle » et « irrationalité globale ». Une première rationalité partielle conduit à considérer les crédits de la santé comme des coûts à réduire au nom de l’équilibre budgétaire et de l’envolée de la dette publique, indépendamment des conséquences que cela peut avoir sur les patientEs et les soignantEs. Ceci alors qu’on réduit, au nom d’une autre rationalité partielle, les impôts sur les sociétés et les grandes fortunes. Une troisième rationalité partielle conduit à fabriquer de plus en plus de SUV et à négliger ou à renvoyer à plus tard les conséquences du dérèglement climatique. La combinaison de ces rationalités partielles conduit à une irrationalité globale : celle d’un système économique marqué par des inégalités croissantes et la perspective d’une catastrophe climatique.

Derrière ce nouveau confinement, il n’y a pas de « complot », ni de l’État ni de certains capitalistes, mais des caractéristiques fondamentales de ce système auxquelles seuls mettront fin son renversement et son remplacement par une société et une économie organisées pour le plus grand nombre : une société réellement démocratique et une économie planifiée, ne détruisant pas aveuglément les écosystèmes.

1.François Chesnais, « L’originalité absolue de la crise sanitaire et économique mondiale du Covid-19 », en ligne sur https://alencontre.org/e…