L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

Hebdo L’Anticapitaliste - 589 (04/11/2021) - Les rapports : des « bâtons de dynamite » pour saper la branche maladie de la Sécu !

Novembre 2021, par Info santé sécu social

Commission santé sécu social du NPA

Plusieurs rapports proposent une réforme globale des organismes de protection sociale dans le domaine de la santé. Un nouveau document du « Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie » (HCAAM) sera publié avant la fin de l’année, et celui de la Cour des comptes a été rendu public en juillet. Le ministre de la Santé Olivier Véran a déjà mis en place un groupe de travail chargé d’étudier la faisabilité des scénarios qui proposent « l’amélioration de l’articulation entre assurance maladie de base et complémentaire ».

Un système « trop protecteur » ?
Le rapport de la Cour des comptes (CDC)1 critique le système français de la couverture maladie fractionnée en deux organismes : la branche maladie de la Sécurité sociale et les complémentaires santé (mutuelles et assurances privées) qui remboursent 13,4 % des dépenses de santé (en 2019). Il souligne le caractère « très protecteur » de ce système tout en estimant qu’il est « peu efficient », une formule diplomatique, ses préconisations démontrent qu’il l’estime « trop protecteur » !

La Cour des comptes dénonce le dispositif intitulé « 100 % Santé » qui permet le remboursement par la Sécu et les organismes complémentaires de l’optique, de l’audiologie et de soins dentaires sans reste à charge car « les coûts de gestion des assurances complémentaires dépassent ceux de l’assurance maladie obligatoire malgré des dépenses remboursées qui sont six fois inférieures »2. Elle souligne aussi que « le nombre d’organismes n’a cessé de se réduire, essentiellement par regroupements ce qui aurait dû conduire à des économies grâce aux effets de taille ainsi générés. Entre 2001 et 2019 le nombre d’organismes complémentaires a été divisé par près de quatre passant de plus de 1 700 à 439 ».

Les préconisations de la Cour des comptes
C’est une critique que nous pourrions partager si le rapport se concluait par une réforme supprimant les complémentaires et donnant les moyens à la Sécurité sociale de rembourser tous les soins à 100 %. Mais ce scénario n’est pas envisagé par la CDC, qui propose trois dispositifs : la mise en place d’un bouclier sanitaire, une redéfinition du partage des rôles entre la Sécu et les complémentaires, et la régulation accrue des complémentaires.

– Le bouclier sanitaire, selon la CDC, « consiste à plafonner les dépenses de santé annuelles des ménages ». Avec ce dispositif, « chacun contribue à ses dépenses, mais chacun a également la garantie d’être pris en charge à 100 % par l’assurance maladie une fois atteint un certain niveau de reste à charge ». La Cour souligne que, pour être plus efficace, le plafond devrait être défini en proportion du revenu. Ce dispositif a été souvent proposé mais toujours rejeté en raison des difficultés techniques. Mais il n’est pas sans danger car il a pour conséquence la suppression des dispositifs d’exonération du ticket modérateur (les restes à charge) notamment des assuréEs en affection de longue durée (ALD) qui bénéficient pour les soins en rapport avec leur maladie du remboursement à 100 %. Les assuréEs sociaux devraient payer de leur poche une partie des soins lorsqu’ils n’atteindraient pas « un certain niveau de reste à charge »

– Dans le cadre du « nouveau partage des rôles », la Sécurité sociale pourrait, selon la CDC, avoir à sa charge les dépenses hospitalières, donc les dépenses les plus lourdes, tandis que les complémentaires bénéficieraient du meilleur rôle, le remboursement des prestations rentables car les moins chères. De quoi conforter les assurances qui, progressivement, par le jeu des regroupements, gagnent chaque année une part du « marché de la santé ». La CDC avait déjà demandé dans des rapports précédents le transfert de l’intégralité des remboursements du dentaire, de l’optique et des audioprothèses aux organismes complémentaires

– La régulation accrue des complémentaires permettrait de comparer les offres de garantie et vise à accroître la concurrence entre les institutions complémentaires. Autrement dit, à instaurer la loi du marché. Cela fera baisser le montant des cotisations, affirme la CDC, sans que cela soit garanti. Ces organismes bataillent déjà pour gagner des parts de marché, avec par exemple de la publicité, ce qui ne permet évidemment pas la baisse de leur frais de gestion puisque ces frais ont augmenté de 30 % entre 2010 et 2017, tandis que le montant des prestations remboursées a été limité à 15 %.

Les pauvres coûtent « trop cher » !
La Cour des comptes critique la « complémentaire santé solidaire » (CSS), un dispositif instauré depuis le 1er novembre 2019, qui remplace la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l’Aide à la complémentaire santé (ACS). Elle estime que cette disposition est trop coûteuse et inégalitaire. Ce système est effectivement injuste, car il n’est pas gratuit pour tous les bas revenus. Un exemple : une personne seule qui dispose de revenus entre 753 et 1 017 € devra payer son adhésion à ce dispositif « solidaire » car ses revenus sont « trop élevés ». De plus la cotisation est inégalitaire car son montant est variable selon l’âge : de 8 euros pour les 29 ans ou moins à 30 euros à partir de 70 ans ! Et la CSS devrait coûter bien plus cher car 20 % des bénéficiaires sociaux qui y sont éligibles ne demandent pas à en bénéficier. Jusqu’à présent les mesures annoncées pour faire connaître cet acquis social, notamment l’automatisation pour les bénéficiaires des minimas sociaux, n’a pas vu le jour. Elle est prévue dans le PLFSS pour 2022, cependant il faudra être vigilant, au côté des associations de lutte contre la pauvreté, afin que son application ne soit pas à nouveau retardée.

Contrairement à la Cour des comptes, nous estimons normal que les organismes sociaux aient un coût avec l’augmentation de la pauvreté, et nous refusons que la Sécurité sociale devienne un commerce à la recherche de la rentabilité. Elle doit redevenir à nouveau une institution « solidaire » et démocratique, gérée exclusivement par les représentantEs des assuréEs sociaux éluEs et révocables, et financée par les cotisations sociales, la part socialisée de notre salaire. Toutes les personnes vivant sur le territoire doivent bénéficier des mêmes droits, sans discrimination. L’Aide médicale d’État (AME) doit être intégrée au régime général de Sécu, et les soins doivent être gratuits pour tous et toutes. La santé est un bien commun, la pandémie nous le rappelle tous les jours !

1. https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-07/20210721-132-3-1-rapport-complementaires-sante.pdf
2. Déclaration de François de la Guéronnière, conseiller maître de la CDC, aux députés de la commission des affaires sociales.