Le social et médico social

Hospimédia - À cinquante ans, la CCN 66 pourrait connaître son dernier anniversaire

Mars 2016, par Info santé sécu social

Publié le 14/03/16

Le fait

"Touche pas à ma CCN 66", le slogan n’est pas nouveau. Depuis plusieurs années, les employeurs et certains syndicats du secteur social et médico-social privé non lucratif s’opposent à l’idée d’une refonte en profondeur de la convention. À plusieurs reprises, une dénonciation du texte a été évoquée. Une fois encore le sujet mobilise.

L’analyse

Cinquante ans après sa naissance, la convention collective nationale du 15 mars 1966 de l’action sociale et médico-sociale du secteur privé non lucratif, dite CCN 66, se retrouve à la veille d’un nouveau projet de refonte inquiétant certains syndicats. Les deux organisations représentantes des employeurs, la Fegapei et le Syneas, prévoient en effet de fusionner en 2017. Pour l’heure, elles ont validé via leurs assemblées générales la création d’une organisation de préfiguration dotée du pouvoir de représentation et de négociation. Dans ce cadre, elles préparent donc un futur projet conventionnel. Comme le redoutent les plus pessimistes, est-ce la fin annoncée de la CCN 66 ? Un petit saut dans le passé permet de constater que cet accord est lié à plusieurs scissions et rapprochements de ses protagonistes. Par ailleurs, jusqu’à présent, les évolutions adoptées n’ont jamais entraîné la remise en cause ni la disparition de la convention. Les précédentes tentatives de rénovation en profondeur proposées par les employeurs ont aussi toutes échoué. Le contexte serait-il différent aujourd’hui ?

Une naissance liée à une scission

À son origine tout d’abord, la CCN 66 a été signée par la Fegapei, le Syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (Sop) et le Syndicat national des associations pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte (Snasea). Ces trois organisations patronales décident alors de reconnaître les spécificités de leurs activités et donc de se distinguer de la CCN 51, créée quinze ans plus tôt.

En janvier 2010, la Sop et le Snasea fusionnent et créent le Syneas. Le nouvel acteur ainsi constitué couvre deux champs conventionnels : la CCN 66 mais aussi les accords des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ce syndicat est présent dans plusieurs secteurs soit ceux de l’inclusion, des personnes handicapées et âgées et de la protection de l’enfance. Ce projet de rapprochement avait été initié dès 2007 alors que les débats sur l’évolution de la CCN 66 piétinaient. La révision de la convention a été contrecarrée à l’époque par une forte opposition syndicale, à laquelle se sont ajoutés certains désaccords du côté des employeurs semblant se diviser en deux camps. La crainte d’une dénonciation plus que d’une rénovation a complètement bloqué le dossier. Et ce n’était pas la première fois.

Une rénovation, cause de mutations attendues

En 1999, mettant déjà en avant les mutations du secteur et les nouvelles exigences en termes de gouvernance associative, les employeurs avaient souhaité réviser les modalités de classification des salariés cadres. L’avenant n° 265 du 21 avril 1999 dit "avenant cadres" est alors présenté comme un premier pas. Derrière ce texte, se trouvait la volonté des employeurs d’aller plus loin. En 2002, les négociations avec les partenaires sociaux sur la réforme globale des classifications conventionnelles sont ouvertes. Elles se terminent en 2005 sur une impasse après quatre ans de travail. Les employeurs reprennent finalement le sujet et l’inscrivent dans leur projet de rénovation qui n’aboutira pas lui non plus. Il y a donc dix ans déjà plusieurs syndicats s’étaient également opposés à une révision de la CCN 66 en manifestant. Ils redoutaient "un recul généralisé avec le but inavoué de casser les garanties collectives et de baisser le coût du travail". Des arguments diffusés dans leurs tracts et qu’ils reprennent aujourd’hui face aux organisations d’employeurs qui ont décidé de s’unir d’une même voix pour parler aux syndicats.

Un nouveau bras de fer s’engage

Alors que pour l’instant les réflexions des employeurs concernant la CCN 66 ne sont pas finalisées, la fédération Sud Santé sociaux, FO et CGT ont décidé de monter au créneau. Ils "appellent l’ensemble des salariés du social et du médico-social à se mobiliser non pas pour une journée de commémoration mais pour préparer le bras de fer avec les patrons, défendre le travail social et mettre en échec leur projet de casse des acquis conventionnels qui, au-delà de la CCN 66, concerne l’ensemble de notre secteur !".

Le projet s’inscrit aussi dans un contexte économique restreint. Lors de la dernière conférence salariale de février, le taux d’évolution du secteur privé non lucratif a été fixé à 1% pour chaque convention collective. Une fois le taux glissement vieillesse technicité (GVT, 0,90%) et les éventuels effets reports (0,016% de l’agrément prévoyance) retirés, il reste comme marge de manœuvre à la négociation salariale un solde de 0,084%, déplore notamment dans un communiqué la CFDT. Ce syndicat appelle donc de son côté à une mobilisation nationale pour revendiquer "des moyens pour la santé et le social". Il élargit son mouvement à toutes les conventions : la CCN 66 mais aussi la CCN 51, la CCN 65, celles des CHRS, de la Croix-Rouge française et du domicile.

Lydie Watremetz