Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Coronavirus et enfants : pourquoi vous entendez tout et son contraire

Août 2020, par Info santé sécu social

Alors qu’ils semblent peu touchés par l’épidémie de Covid-19, une nouvelle étude affirme que les jeunes enfants sont plus infectieux que les adultes.

Par Grégory Rozières

C’est une conclusion qui peut sembler plus que contre-intuitive. Dans une étude publiée dans la revue Jama ce jeudi 30 juillet, des chercheurs affirment que les jeunes enfants atteints par le coronavirus seraient bien plus contagieux que les adultes.

En analysant en détail 150 patients, les auteurs ont remarqué que l’ADN du virus était 10 à 100 fois plus présent dans les prélèvements nasaux des enfants de moins de 5 ans comparés aux adultes. Des résultats qui semblent aller à contre-courant du discours global depuis des semaines, expliquant que les jeunes enfants sont moins infectés et ont moins de chance de participer à la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Mais la réalité est plus subtile et divise les chercheurs. Il faut bien se garder de tirer des conclusions de cette étude, ou même d’autres, prises isolément. Depuis le début de la pandémie, le cas des enfants est un mystère. Si la communauté scientifique a accumulé de plus en plus de données et de preuves, il est encore trop tôt pour dire avec certitude à quel point les jeunes enfants peuvent participer à la propagation du virus.

Des études qui s’accumulent
Déjà, fin avril, une étude réalisée par un des plus grands virologues allemands avait fait débat : la charge virale serait similaire chez les enfants et chez les adultes. Ce n’était pas plus, comme dans l’article publié dans Jama, mais c’était déjà contre-intuitif.

L’épidémiologiste Zoë Hyde évoque une autre étude (prépubliée le 29 juillet et non examinées par des pairs) analysant le traçage de contact dans la ville de Trente, en Italie. Et les résultats sont très étonnants : les enfants ont moins de chance d’être contaminés (8,4% contre 13,2% en moyenne)... mais ont plus de risque d’infecter quelqu’un (22,4% contre 13% en moyenne).

Les auteurs des travaux rappellent qu’on ne peut pas isoler un enfant aussi facilement qu’un adulte, ce qui pourrait expliquer cette plus forte contamination. Mais couplée à l’étude publiée dans Jama, on peut s’interroger : les enfants seraient-ils finalement plus contaminants ? Il faut pourtant se garder de tirer des conclusions définitives : toutes ces études ont des limites et certaines sont quasiment en contradiction.

Comme le rappelle A. Marm Kilpatrick, spécialiste en écologie des infections, une autre étude prépubliée le 24 juillet a réalisé un travail similaire à partir de données venant de Chine. Le résultat ? Les enfants ont moins de chance d’être infectés et plutôt moins de chance de contaminer quelqu’un (même si pour cette dernière affirmation, les marges d’erreur sont importantes).

Mais le chercheur rappelle surtout que dans ces différentes études, le nombre d’enfants infecté par le Covid-19 est très faible. D’une part, c’est un biais qui peut brouiller le résultat de l’étude. D’autre part, cela pose une autre question : pourquoi y-a-t-il si peu d’enfants contaminés ?

Les enfants globalement moins touchés
Le professeur de biologie Carl Bergstrom s’interroge au sujet de cette étude sur Twitter. Il se demande notamment s’il n’y a pas un biais : le fait que la plupart des enfants testés soient symptomatiques. En quoi est-ce problématique ? Justement car il semble que les plus jeunes, même quand ils sont contaminés par le coronavirus, sont plutôt rarement malades.

Depuis le début de l’épidémie, on a l’impression que les enfants semblent en effet épargnés par le Sars-Cov2. La plupart des données démographiques dans les pays touchés montrent que les plus jeunes sont sous-représentés, à la fois dans les personnes positives, les hospitalisations et les décès. Au 30 juillet, selon Santé Publique France, moins de 0,7% des personnes qui ont été hospitalisées ont moins de 15 ans.

On pourrait penser que c’est logique : si les enfants sont moins gravement atteints, ils sont moins visibles, notamment dans les hôpitaux, mais sont tout aussi contaminés. Pourtant, de récentes études, réalisées en Suisse et en Espagne par exemple, ont montré que ce n’était pas que ça : même quand on sonde la population entière avec des tests sérologiques (pour savoir si quelqu’un a été infecté par le Covid 19 par le passé), le nombre de jeunes enfants positifs est invariablement plus bas. Une étude similaire réalisée en France par l’Institut Pasteur est arrivée à la conclusion que les enfants de 6 à 11 ans se contaminent peu à l’école.

Mais pourquoi, alors qu’on sait que les jeunes enfants peuvent être contagieux et qu’ils ont une charge virale qui semble égale, voire plus importante, s’ils ont des symptômes ? On pourrait supposer qu’ils sont effectivement porteurs du virus, qu’ils sont infectieux, mais qu’ils ne le transmettent pas, qu’ils ne sont pas contagieux.

Les symptomatiques, partie émergée de l’iceberg ?
Dans une autre étude, prépubliée le 29 juillet, des chercheurs ont rassemblé toutes les études traitant de la contagiosité des personnes infectées. L’un des résultats principaux : plus les personnes sont vieilles, plus elles expulsent du virus longtemps (en toussant par exemple), explique sur Twitter Muge Cevik, spécialiste des maladies infectieuses. C’est une piste intéressante, mais évidemment loin d’être suffisante.

Alors que peut-on vraiment dire avec certitude ? Que les enfants développent moins de formes graves du Covid-19, en dehors notamment des rares cas liés à la maladie de Kawasaki. Pour le reste, c’est compliqué.

La fermeture très tôt des écoles et crèches a pu entraîner une plus faible contamination des enfants car ils ont moins été exposés. Surtout que face à une maladie nouvelle, il est logique que les parents fassent tout pour protéger leurs enfants, mais qu’à l’inverse, ils ne soient pas très protégés dans les rares cas où les enfants sont contagieux.

On peut aussi imaginer que les jeunes enfants développant moins de formes graves et étant souvent asymptomatiques, ils propagent moins le virus. Sur ce sujet, les études sont encore très limitées et contradictoires, notamment car il est difficile dans des études scientifiques rigoureuses de faire la distinction entre une personne vraiment asymptomatique (où son système immunitaire a endigué le virus dès le début) et une personne présymptomatique. Celle-ci, on le sait, peut propager le virus de manière importante, notamment durant les quelques jours avant le début des symptômes.

Espérons que la science y verra plus clair d’ici la rentrée de septembre.