Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Coronavirus : les contrôles aux frontières n’empêcheront pas l’épidémie de revenir en France

Février 2020, par Info santé sécu social

Par Grégory Rozières

Ce lundi 24 février, un mois pile après les premiers cas répertoriés en France, il n’y a plus aucun malade hospitalisé atteint par le coronavirus sur le territoire, a annoncé le ministre de la Santé Olivier Véran. La dernière des 12 personnes infectées est sortie de l’hôpital en bonne santé et a pu rentrer chez elle.

Une bonne nouvelle qui arrive alors que de nombreux chercheurs et spécialistes en santé publique redoutent justement que l’épidémie du nouveau coronavirus Sars-Cov2, jusque-là plutôt contenue en Chine, ne se transforme en pandémie internationale.

Et l’un des principaux nouveaux foyers d’infection est tout proche : le nord de l’Italie, où 229 personnes atteintes de covid-19 ont été diagnostiquées. La crainte que le nouveau coronavirus traverse les Alpes se fait donc entendre, notamment de la part d’élus dans les départements frontaliers, tel le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, qui a demandé un “plan d’urgence”.

Celui-ci a également demandé des contrôles accrus à la frontière franco-italienne, alors que les deux pays font partie de l’espace Schengen. Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen se sont également positionnés pour la restauration des contrôles aux frontières.

Une telle mesure serait quoi qu’il arrive difficile à mettre en place : l’Europe a rappelé que le rétablissement de frontières au sein de l’espace Schengen devait être “basé sur une évaluation des risques crédible et des preuves scientifiques” et “en coordination avec les autres” pays, rapporteLa Croix.

Surtout, au-delà de toute sa symbolique, le rétablissement de contrôles à la frontière aurait-il une véritable efficacité pour empêcher un possible retour du coronavirus en France ? Les chances sont très faibles, au vu de l’état de la situation. Ce qui a fait dire ce lundi soir sur Public Sénat au secrétaire d’Etat à l’Intérieur Laurent Nunez que “cette mesure qui n’est pas efficace est complètement exclue à ce stade”.

Retarder plutôt qu’empêcher
“Il y a eu beaucoup d’études sur les pandémies de grippe qui ont analysé l’impact des fermetures de frontières”, explique au HuffPost Simon Cauchemez, chercheur à l’institut Pasteur, responsable de l’unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses. “Si vous arrivez à bloquer 90% des contacts, il n’empêche qu’avec une maladie dont le nombre de cas dans le pays source double tous les 5 jours, vous ne faites que gagner du temps.”

En clair, même si le contrôle était efficace, si l’épidémie ne diminue pas, la contagion risque d’arriver. D’ailleurs, même si la Chine a mis des mesures drastiques en place et même si de nombreux États ont bloqué leurs vols depuis ce pays, le coronavirus s’est tout de même répandu dans le monde.

“Ce qui est important, c’est de détecter rapidement toute personne contagieuse”, a déclaré à France Info Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, opposé à la fermeture des frontières.

Et impossible également de bloquer une personne qui serait passée par un pays tiers. D’ailleurs, le patient zéro à l’origine de l’épidémie qui touche l’Iran était un marchand de la ville de Qom qui se rendait souvent en Chine, a expliqué le ministre de la Santé iranien, cité par le Time. Il a contaminé des proches en Iran alors que le pays avait interdit les vols directs depuis la Chine. Comment ? Pour ses allers-retours entre la Chine et l’Iran, il aurait tout simplement pris des vols indirects.

Sources multiples
“Tous les travaux ont montré que si on a une épidémie explosive d’un côté d’une frontière, elle va finir par passer la frontière”, affirme Simon Cauchemez. Surtout au vu de l’état d’avancement de l’épidémie, précise le chercheur :

“Tant qu’un pays d’origine est bien localisé, on se dit qu’il est possible de contenir à la source en faisant un maximum pour détecter les malades. Mais quand il y a des foyers un peu partout comme aujourd’hui, en sachant qu’il y a peut-être d’autres cas invisibles, car beaucoup de pays ont des capacités de détection plus faibles, c’est illusoire d’espérer endiguer le virus.”

Tout cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a rien à faire. Afin d’éviter une propagation de l’épidémie depuis l’Italie, la France a ainsi émis des recommandations pour les personnes de retour de Lombardie et de Vénétie, les régions d’Italie du Nord concernées par le nouveau virus. Ces recommandations ont été alignées sur celles déjà en vigueur pour la Chine (Chine continentale, Hong Kong, Macao), berceau de l’épidémie.

Elles portent sur les 14 jours qui suivent le retour (durée jugée suffisante pour couvrir la période d’incubation du virus), et concernent également Singapour et la Corée du Sud. Les adultes doivent éviter “toute sortie non indispensable (grands rassemblements, restaurants, cinéma...)”. Il leur est demandé “dans la mesure du possible”, de privilégier “le télétravail” et d’éviter “les contacts proches (réunions, ascenseurs, cantine...)”. Ces personnes doivent prendre leur température deux fois par jour, surveiller “l’apparition de symptômes d’infection respiratoire (toux, difficultés à respirer...)” et porter un masque chirurgical lorsqu’elles sont en face d’une autre personne et lorsqu’elles doivent sortir.

En cas de symptômes, elles doivent contacter le 15 (Samu) et ne surtout pas se rendre chez leur médecin traitant ou aux urgences, “pour éviter toute potentielle contamination”. Les enfants, eux, ne doivent pas être envoyés à la crèche ou à l’école (car il serait trop difficile de leur faire respecter les consignes données aux adultes).