Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Huff-post - Pourquoi n’a-t-on jamais trouvé de vaccin contre les coronavirus humains

Mai 2020, par Info santé sécu social

Avant SARS-CoV-2, il y a eu le SRAS, puis MERS. Des virus qui ont en commun certains mystères.

Par Matthieu Balu

CORONAVIRUS - La route d’un vaccin est semée d’embûches. Quel que soit le virus contre lequel un traitement est recherché, le chemin est long, marqué par une série de tests en laboratoires, puis en clinique, avant la mise en production. Le traitement contre le coronavirus, à l’instar de la poliomyélite ou de la grippe, ne fait pas exception à ce parcours du combattant.

Mais SARS-CoV-2, responsable d’une pandémie mondiale et d’une quarantaine comme l’humanité n’en avait jamais vu, n’est pas tout à fait un client comme un autre. S’il est aujourd’hui au centre de l’attention, les chercheurs et le secteur de la santé connaissent bien sa famille, celle des coronavirus, qui regroupe quatre types de virus. Pourtant, jusqu’ici, aucun vaccin n’avait été trouvé : comme vous pouvez le découvrir dans la vidéoen tête de cet article, trouver la faille dans le coronavirus est une tâche particulièrement ardue.

Il y a en effet beaucoup de zones d’ombres autour de cette famille d’organismes, et plus particulièrement de ceux à l’origine des infections respiratoires que l’on connaît : le SRAS, dont l’épidémie en 2002-2004 avait fait plusieurs centaines de morts en Chine, puis le MERS, qui s’est déclaré dans le Moyen-Orient en 2012. “Le problème”, résume Morgane Bomsel, spécialiste en virologie à l’Institut Cochin, “c’est que ne connaît pas assez le virus pour bien comprendre les problèmes qu’il pose.” D’où un effort de recherche en ordre dispersé.

Un virus connu mais insaisissable
Qu’il s’agisse par exemple de SARS-coV-2 ou de ses cousins, les coronavirus ont la bougeotte. Arrivés par les voies respiratoires, ils migrent dans les cas graves vers les poumons, où leur multiplication est à l’origine de redoutables pneumopathies. Mais ce n’est pas tout : des études ont relevé dans certains cas que le virus avait colonisé le cœur, ou le cerveau, occasionnant d’autres symptômes.

La question de savoir quelle type d’immunité est la plus efficace est alors centrale. Faut-il protéger les organes vitaux ? Cela nécessitera alors une formule vaccinale susceptible de faire réagir les lymphocytes T dans les poumons contre l’infection du Covid-19.

Faut-il plutôt chercher une réponse locale de la muqueuse respiratoire, pour empêcher le virus de s’étendre ? Il faut alors viser l’immunité cellulaire avec une autre combinaison. C’est seulement depuis quelques semaines que l’on commence à avoir des données plus précises sur l’angle d’attaque à adopter face à ce virus aux armes multiples.

De la même façon, les coronavirus induisent une réaction particulièrement désagréable pour les épidémiologistes. Alors que les anticorps sont créés par notre organisme pour le soigner, de nombreuses études ont noté chez les patients l’arrivée d’anticorps dits “facilitants”. Ces derniers, créés après une première infection, ont la fâcheuse habitude d’ouvrir les portes des cellules au virus, alors même qu’ils sont censés les défendre.

Ce mécanisme, que l’on a déjà vu à l’oeuvre avec les malades de la dengue, est un casse-tête dans la mise au point d’un vaccin. Seule l’expérience sur le long terme peut permettre de définir correctement un antigène qui ne mette pas encore plus en danger le patient en cas de nouvelle épidémie. “On sait qu’il y a une réponse facilitatrice avec le SRAS et le MERS”, explique Morgane Bomsel. Pour Sars-cov-2, “il faudra peut-être passer par une autre voie d’immunisation” si les tests confirment les anticorps facilitants.

Notre protection face au Covid-19 pose ainsi plus d’une question, comme l’ont montré les déclarations successives de l’Organisation mondiale de la Santé. L’OMS a d’abord averti qu’avoir été atteint puis guéri du virus ne signifiait pas que l’on était immunisé...avant, quelques jours plus tard, d’affirmer que cette fois il n’y avait plus de doute. Malgré ces paroles rassurantes, les données manquent pour savoir avec certitude pendant quelle durée notre corps, après une maladie ou un vaccin, produit efficacement des anticorps capables de nous défendre contre la l’infection. Une donnée essentielle dans la mise au point d’un vaccin et le type de réponse qu’il doit susciter.

Des études prometteuses, mais pas de recul
Enfin, c’est la nature du vaccin lui-même qui pourrait constituer un obstacle supplémentaire à cette solution. L’un des candidats les plus prometteurs est en effet un vaccin à ARN messager, un tout nouveau type d’injection. À la différence du vaccin prophylactique, il s’agit d’envoyer une séquence d’ARN qui “dicte” à nos cellules de construire des antigènes, qui à leur tour stimulent la réponse immunitaire de notre corps.

Cette solution moderne est extrêmement enthousiasmante, plus encore que les vaccins à ADN. Mais il y a un problème : jusqu’ici, il n’existe aucun vaccin à ARN messager sur le marché, aucun d’entre eux n’ayant montré une efficacité suffisante. Si ce dernier s’avérait le meilleur candidat au terme de la phase III de tests, c’est toute une chaîne de production qui resterait à inventer et à faire sortir de terre.

Le vaccin ARN emploie des composants très différents de son prédécesseur. Il faudra être capable de produire industriellement un produit considéré dans la revue Nature comme la “crème de la crème” de la biotechnologie.“C’est une approche nouvelle, dont on n’a pour le moment aucune preuve qu’elle marche”, tempère Morgane Bomsel. Comme avec les autres étapes sur la route du vaccin, “on manque de recul”, lâche-t-elle.

Tous ces obstacles dressés encore sur la route d’un traitement efficace contre les coronavirus, et aujourd’hui encore sars-cov-2, peuvent donc se résumer grossièrement à deux facteurs : le temps et l’investissement. Les précédents syndromes respiratoires aigus ont été combattus avec succès avant qu’un vaccin n’ait été trouvé, et les recherches ont été interrompues.

Désormais, c’est le problème inverse qui se pose : la recherche d’un vaccin bat son plein, mais le temps manque pour effectuer les études préalables qui permettent normalement de mieux connaître le virus, afin le combattre le plus efficacement possible. Pandémie oblige, les financements ne manquent pas, contrairement aux épisodes précédents. Le résultat est une course effrénée où toutes les méthodes sont testées parallèlement par les laboratoires du monde entier, avec comme feuille de route ces obstacles à surmonter.