La prévention

Huffpostn - La mort annoncée de la médecine scolaire est-elle inévitable ?

Février 2019, par Info santé sécu social

Les blogs 08/02/2019
Par Marie Tamarelle-Verhaeghe , Cyrille Isaac-Sibille

"Faute de médecins scolaires en nombre suffisant, non seulement les visites médicales obligatoires ne peuvent plus être effectuées mais l’ensemble des actions de promotion de santé ne peuvent plus être exercées."

À quoi sert la médecine scolaire ? Qu’attend-on encore d’un corps de métier pris en tenaille depuis une vingtaine d’années entre une liste de missions qui ne fait que s’allonger, des conditions de travail et des moyens qui ne font que se dégrader ? Des interrogations légitimes quand on s’attarde sur la situation de la médecine scolaire en France. Les rapports faisant état de cette situation sont nombreux et les chiffres éloquents : alors qu’il existait 2000 médecins scolaires en 2006, il en reste moins de la moitié aujourd’hui. Certains médecins scolaires ont en charge 2000 élèves, d’autres 46.000, soulevant l’épineux sujet des inégalités territoriales de santé. À force de manque d’attractivité, de reconnaissance à juste niveau, de défaut de gouvernance nationale et de travail coopératif local, la profession se meurt peu à peu.

La situation est alarmante, l’avenir de nos enfants est en jeu
Derrière ces chiffres bruts se joue l’avenir de nos enfants, ce qui, en tant que médecins de profession avant d’être députés, nous interpelle et nous oblige. Cette situation est préoccupante pour le dépistage précoce des troubles de l’apprentissage de notre jeunesse, et notamment pour les enfants issus de milieux modestes, l’école étant souvent la première porte d’accès à une médecine préventive. Non seulement les visites médicales obligatoires ne peuvent plus être effectuées mais l’ensemble des actions de promotion de santé assignées aux médecins scolaires ne peuvent plus être exercées ; faute de médecins scolaires en nombre suffisant.

Ainsi, ne pas investir dans la médecine scolaire, c’est délaisser la prévention, c’est laisser s’enraciner les inégalités de destin qui s’installent dès le plus jeune âge. Car oui, le bon développement de l’enfant est une condition sine qua non de réussite scolaire. Et oui, une école de la confiance, c’est une école qui doit permettre la réussite et l’épanouissement de tous.

Existant depuis plus de deux siècles, la médecine scolaire a toujours eu une mission sanitaire et sociale de premier plan. Elle appréhende la santé dans toutes ses dimensions, tant sociale, physique, psychologique que développementale. Nul ne pourra nier la passion qui anime les médecins scolaires et l’intérêt que les étudiants en médecine lui portent. Mais nul ne pourra nier non plus que des conditions sereines d’exercice ne sont pas réunies.

Nous choisissons l’action et refusons le fatalisme !
Et pourtant, la santé scolaire fait partie des secteurs les plus dynamiques de santé publique en France. Ses professionnels ont été spécifiquement formés et ont développé des compétences et une expertise que nul autre professionnel de santé ne peut exercer. Ils connaissent l’environnement scolaire et sont en constante interaction avec ses professionnels. Ils sont acteurs d’intégration et de réussite. Ils sont référents en matière de santé de l’enfant et de santé publique.

La médecine scolaire a su s’adapter aux problèmes croissants auxquels sont confrontés les enfants et les adolescents, qui sont la cible prioritaire de notre politique de prévention. Or, la prévention est le socle même de notre stratégie nationale de santé. Elle ne pourra être aboutie sans une médecine scolaire attractive, à la gouvernance locale et nationale entièrement rénovée, sans équipes territoriales, sans coopération nationale entre les ministères, sans se poser la nécessaire question de la rémunération des médecins scolaires. Sans médecine scolaire rénovée, nous ne pourrons relever le défi de la résorption des inégalités territoriales et sociales de santé.

La profession est donc en péril. Alors, pour la santé de nos enfants et de nos adolescents, nous refusons le fatalisme, nous souhaitons agir ! Nous profiterons du projet de loi pour une école de la confiance et du projet de loi de transformation de notre système de santé à venir pour porter haut cet enjeu qui nous concerne tous et offrir à la médecine scolaire, la reconnaissance qu’elle mérite !