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Infirmier.com - Santé des détenus : des progrès restent à faire

Janvier 2018, par Info santé sécu social

Santé et prévention constituent un enjeu majeur de santé publique. L’Académie nationale de médecine (dont les missions consistent notamment à répondre à toutes les questions posées par le gouvernement français dans le domaine de la santé publique, ou encore à émettre des avis lorsqu’elle le juge nécessaire), a organisé une séance dédiée à la médecine en milieu carcéral, le 16 janvier dernier. Maternité, schizophrénie en prison, usage de substances psychoactives… Tour d’horizon des différents thèmes abordés et des points sur lesquels des progrès significatifs restent à faire.

Grillage de prison
L’accès aux soins pour les détenus, qui ne bénéficient pas de soins équivalents à ceux dispensés en milieu libre et la surpopulation carcérale, qui impacte fortement la santé globale des détenus, notamment dans le domaine psychiatrique : voici deux points sur lesquels le monde carcéral doit s’améliorer.

« La maternité en milieu carcéral constitue un épiphénomène », relève l’Académie nationale de médecine dans l’une de ses publications. Elle représente environ 35 naissances par an (dans les prisons françaises). Principal enjeu : la question de l’accessibilité aux soins du nourrisson hébergé en prison. Le bébé peut rester avec sa mère jusqu’à ses 18 mois, voire 24 mois, mais l’environnement carcéral ne donne pas actuellement le plein accès aux soins auxquels il devrait avoir droit.

La prise en charge d’un enfant en prison ne relève pas de l’équipe soignante de l’unité sanitaire de l’établissement pénitentiaire mais du régime de droit commun. Conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe, toute mesure alternative est recherchée pour limiter les situations d’incarcération de femmes enceintes ou mère d’un jeune enfant. Néanmoins, lorsque la situation s’impose à l’administration pénitentiaire, les conditions de prise en charge de la femme enceinte, de la mère d’un jeune enfant et du nourrisson qui peut l’accompagner restent complexes. Elles nécessitent une parfaite coordination des différents acteurs chargés de la prise en charge de ces publics afin d’assurer le respect de l’intérêt premier de l’enfant. En effet, toute mesure prise impactera directement son développement psychomoteur et comportemental, commente l’institution. Pour elle, il reste du travail dans ce domaine : En voulant garantir à l’enfant la pleine considération de son état de liberté, les contraintes du milieu dans lequel il est gardé sont insuffisamment prises en compte et doivent être améliorées.

Schizophrénie : la nécessité d’un meilleur dépistage
Des études épidémiologiques récentes confirment la très large surreprésentation des personnes souffrant de schizophrénie en détention, note l’Académie de médecine. L’organisation des soins psychiatriques en milieu carcéral tient compte de cette complexité en mettant en place des niveaux de prise en charge différents et hiérarchisés, dans chaque prison et par le biais de structures régionales, dont les récentes unités hospitalières spécialement aménagées. L’Académie relève cependant plusieurs limites, déplorant notamment que le programme de soins (dispositif de soins psychiatriques contraints en ambulatoire après hospitalisation), introduit par la loi du 5 juillet 2011, ne soit pas accessible aux malades psychiatriques incarcérés, qui en sont injustement exclus et soulignant la nécessité d’un meilleur dépistage de la maladie schizophrénique.

Ainsi, le recours à l’expertise psychiatrique doit être facilité en matière correctionnelle, recommande l’Académie qui souligne également l’importance d’une formation de qualité pour les experts psychiatres ainsi que la mise en place d’une spécialisation en psychiatrie légale. De manière générale, l’institution regrette l’hétérogénéité de l’offre de soins psychiatriques intra carcérale au niveau national et l’insuffisance de cellules dédiées pour les plus fragiles (lits d’hôpitaux de jour).

Enfin, pour les détenus présentant des conduites addictives, l’équivalence de l’accès aux soins, incluant les mesures de réduction des risques, doit être assurée en milieu carcéral.

Pour résumer, l’Académie a mis en évidence deux domaines dans lesquels de nombreux progrès restent à faire. L’accès aux soins pour les détenus d’abord : malgré les avancées de la loi de janvier 1994 (relative aux soins en milieu pénitentiaire et protection des détenus), les personnes incarcérées ne bénéficient pas de soins équivalents à ceux dispensés en milieu libre, et d’autre part, la surpopulation carcérale, qui impacte fortement la santé globale des détenus, notamment dans le domaine psychiatrique.