Les Ehpads et le grand âge

Infirmiers.com - EHPAD : miser sur la qualité et le salaire pour limiter le turnover

Septembre 2017, par Info santé sécu social

par Aurélie TRENTESSE.

Qu’est-ce qui influence le départ des infirmiers et des aides-soignants des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? L’étude « Turnover élevé du personnel soignant dans les EHPAD privés en France : impact de l’environnement local et du salaire », publiée par l’Insee, se penche sur la question et donne quelques éléments de réponse. Entrent notamment en jeu le niveau de salaire ainsi que l’encadrement des résidents. Explications.

Les taux de départ moyens des infirmiers et des aides-soignants des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) privés s’élèvent respectivement à 61 et 68 % en 2008. Pour connaître les raisons de cet important turnover, Cécile Martin et Mélina Ramos-Gorand ont mené l’étude « Turnover élevé du personnel soignant dans les EHPAD privés en France : impact de l’environnement local et du salaire », publiée par l’Insee le 5 juillet 2017. Les résultats démontrent notamment que le niveau de salaire ainsi que le renforcement de l’encadrement des résidents peuvent jouer un rôle important dans la fidélisation des soignants.

Fidélisation des soignants : niveau de salaire et qualité priment

Le niveau de rémunération des aides-soignants semble avoir un effet positif sur leur fidélisation. En effet, une hausse de 1 % de leur salaire net diminue leur probabilité de départ de 1,2 à 1,3 %. En revanche, les infirmiers semblent peu sensibles à l’argument salarial. Les auteurs de l’étude relèvent que les infirmiers touchent en moyenne 40 % de plus que les aides-soignants, soit en moyenne 25 205 euros par an contre 17 848 euros et supposent ainsi que les infirmiers rencontrent “moins de difficultés financières dans leur vie quotidienne.”

Le turnover des infirmiers est quant à lui impacté par la qualité, mesurée par l’encadrement en personnel, et par les degrés de dépendance des résidents. Plus l’encadrement est élargi, plus la probabilité de départ diminue, constatent les auteurs. Une hausse de la proportion de résidents de GIR (groupe iso-ressources) 2 et 3 augmente elle aussi la probabilité de départ des infirmiers. Les auteurs estiment que cela peut être dû à la hausse des soins de nursing à réaliser en raison de la dégradation de l’état de santé des résidents, au détriment des soins techniques. Par ailleurs, les infirmiers sont également influencés par la présence d’infirmiers libéraux ou d’établissements hospitaliers dans leur bassin de vie ce qui peut les inciter à changer de mode d’exercice. Chaque année, en moyenne 6 % des infirmiers travaillant en EHPAD optent pour un autre mode d’exercice, contre 3 % de l’ensemble des infirmiers en 2004 et 2008.

“Les auteurs de l’étude relèvent que les infirmiers touchent en moyenne 40 % de plus que les aides-soignants, soit en moyenne 25 205 euros par an contre 17 848 euros

De son côté, l’âge semble avoir peu d’impact sur la mobilité. Seuls les aides-soignants âgés de 45 à 50 ans ont une plus forte probabilité de départ que les professionnels âgés de moins de 35 ans, remarquent les auteurs. Quant à la distance, elle peut également jouer un rôle sur le départ des soignants. Plus ils vivent loin de leur lieu de travail (plus de 20 km pour les infirmiers), plus la probabilité de départ est importante. Les aides-soignants sont également sensibles à la taille de l’établissement. Ainsi, plus l’EHPAD est grand, plus la rotation des aides-soignants est importante. “La taille de l’EHPAD influe probablement sur les relations qu’entretient l’équipe de direction avec le personnel, estiment les auteurs. Dans les petits établissements, les directeurs peuvent être plus proches des salariés, plus à l’écoute de leurs souhaits en termes d’organisation du travail, d’horaires”. Enfin, un marché concentré en termes de poste d’aides-soignants engendre moins de départs.

Finalement, les directeurs d’établissements disposent de peu de leviers à disposition pour faire face au turnover du personnel soignant. “Seules une augmentation des salaires et un renforcement de l’encadrement en personnel semblent être en mesure de réduire la probabilité de départ des salariés”, notent Cécile Martin et Mélina Ramos-Gorand. Mais cela nécessite une hausse de la masse salariale ce qui se répercuterait sur les tarifs soins et dépendance des EHPAD provoquant ainsi un surcoût pour les finances publiques. Néanmoins, de telles mesures et un turnover moindre ne pourraient qu’être bénéfiques pour améliorer la qualité de prise en charge des résidents. D’autant que les personnels déplorent des conditions de travail difficiles et font face à un nombre de résidents en constante augmentation chaque année.
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Aurélie TRENTESSE
Journaliste Infirmiers.com

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