Les professionnels de santé

Infirmiers.com - Salaire Infirmier : « carton rouge » pour la France !

Novembre 2017, par Info santé sécu social

17.11.17 Mise à jour le 20.11.17

Le « panorama de la santé » 2017 de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) pointe à nouveau du doigt les revenus faibles des infirmiers français exerçant dans les hôpitaux par rapport à leurs confrères étrangers. Cependant, malgré ces chiffres, la France, comme d’autres pays, a réussi a augmenter le nombre de professionnels, craignant une pénurie potentielle.

Le nouveau rapport de l’OCDE dévoile les données les plus récentes concernant les systèmes de santé des pays membres. Malheureusement, les statistiques montrent à nouveau qu’en France les infirmiers sont parmi les moins bien payés comparé aux autres professions. En effet, si dans la plupart des territoires de l’OCDE en 2015, le salaire des infirmiers hospitaliers était au minimum légèrement au dessus du salaire moyen de l’ensemble des travailleurs, la France compte parmi les mauvais élèves. Et pour cause, les professionnels français touchent un salaire 5 % en dessous de la moyenne nationale. En comparaison, au Mexique, les infirmiers ont une rémunération deux fois plus élevée que le salaire moyen. De même en Espagne, ou au Luxembourg elle était respectivement 28 % et 38 % plus importante que le salaire médian.

La France arrive donc en 4ème position des salaires les plus bas par rapport à la moyenne du pays, juste derrière la Lettonie, la Hongrie et la Finlande, où les rémunérations sont 20 %, 10 % et 6% plus faible que le salaire moyen des travailleurs actifs. Ce n’est pas la première fois que l’OCDE met en lumière ce triste constat. Déjà en 2013, le rapport avait classé la France avant dernière avec un revenu 10 % en dessous de la moyenne.

Le Luxembourg : le pays qui débourse le plus pour ses paramédicaux

Si les salaires sont tous convertis en une monnaie commune (USD) et corrigé des parités du pouvoir d’achat, on se rend compte qu’au Luxembourg, le personnel infirmier est rémunéré deux fois plus qu’en France et approximativement cinq fois plus qu’en Hongrie ou en Lettonie. Par ailleurs, les professionnels sont aussi relativement bien lotis Outre-Atlantique, ce qui explique pourquoi les Etats-Unis attirent autant d’infirmiers étrangers.

D’ordre général, la crise économique de 2008 n’a pas eu le même effet sur le porte-monnaie des soignants selon les pays. Si en France, leurs rémunérations n’ont guère évolué depuis 2005, aux Pays-Bas, par exemple, elles sont en constante progression. En parallèle, certains pays d’Europe centrale et orientale ont mis en place une série de mesures afin de retenir les soignants via des augmentations de salaires, et ce, malgré des budgets serrés. En Hongrie, une hausse graduelle de 20 % des rémunérations étalée sur trois ans a été accordée en 2012 pour les médecins et les infirmiers. Une situation similaire est constatée en République Tchèque où, suite à des revendications des personnels hospitaliers en 2011, les infirmiers ont vu également leur salaire augmenter, mais dans une moindre mesure par rapport au personnel médical.

En revanche, suite à la récession, les rémunérations ont été réduites dans certains pays, notamment en Italie ou les salaires ont été gelés et en Grèce où ils ont diminué d’un quart entre 2009 et 2015.

Alerte à la pénurie d’infirmiers !

Si de nombreux gouvernements ont pris la décision d’augmenter les salaires des infirmiers, c’est surtout parce qu’ils craignent une pénurie du personnel, et d’autant plus avec le vieillissement de la population et l’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite ! Or, “les infirmiers jouent un rôle essentiel dans l’offre de soins, non seulement dans les structures traditionnelles, comme des hôpitaux mais aussi de plus en plus dans les soins primaires à domicile”, souligne le texte. D’où l’intérêt pour de nombreux pays de former davantage de personnel infirmier et d’inciter le plus grand nombre à rester dans la profession.

Un objectif atteint pour la plupart des états ! Les taux de rétention des professionnels se sont accrus ces dernières années mais pas forcément pour de bonnes raisons. Si effectivement des gouvernements ont fait des efforts délibérés pour améliorer les conditions de travail et le rendre ainsi plus attractif, la crise économique a poussé un grand nombre d’infirmiers à rester ou à revenir dans la profession.

De plus en plus d’infirmiers en exercice sur le territoire

Le nombre d’infirmiers par rapport à la population a donc augmenté dans presque tous les pays membres de l’OCDE. En moyenne, ce nombre est passé 7,3 pour 1000 habitants à 9 pour 1000 en 2015. En ce qui concerne la France, si elle présentait une densité relativement faible, aujourd’hui la proportion d’infirmiers français est supérieure à la moyenne ; passant de moins de 8 soignants pour 1000 par habitant à presque 10 pour 1000.

A titre de comparaison, La Suisse, la Finlande ou le Danemark qui montraient déjà des chiffres rassurants en 2000, restent en tête de peloton avec plus de 14 infirmiers pour 1000 habitants. A l’inverse, la Turquie, le Chili ou le Mexique comptabilisent moins de trois professionnels pour 1000 habitants.

En France, le nombre d’infirmiers nouvellement diplômés a grimpé en flèche !

Toujours pour pallier une carence d’infirmiers, déjà ressentie ou pressentie, les membres de l’OCDE ont pris des dispositions pour accroître les quotas d’étudiants admis dans les IFSI. Toutefois, ces efforts consacrés à la formation de nouveaux professionnels étaient très variables selon le pays concerné. De manière générale, le nombre d’infirmiers nouvellement diplômés s’est accru dans tous les états membres passant de moins de 40 professionnels obtenant leur diplôme pour 100 000 habitants à près de 46 pour 100 000. Mais cette évolution s’est faite à des rythmes bien différents en fonction des territoires impliqués. Ce chiffre a particulièrement progressé dans des pays où il était assez faible comme au Mexique où il a été multiplié par huit entre 2000 et 2015 ou en Italie où il a quadruplé.

En France aussi, la proportion de diplômés sortant des IFSI a augmenté de 87 % en 15 ans, et ce, malgré le peu d’attractivité économique de la profession. Une des raisons : un numerus clausus de plus en plus important depuis 1999. Mais c’est surtout durant l’année 2000/2001 que le quota a explosé ! Il a été relevé de pas moins de 43 % pour contrebalancer les futurs départs à la retraite et surtout la baisse de l’offre des soins infirmiers avec l’arrivée des 35 heures.

Aujourd’hui, ce sont la Suisse, la Corée et le Danemark qui comptabilisent le plus grand nombre de nouveaux infirmiers sur le marché du travail avec plus de 90 pour 100 000 habitants contre moins de 16 pour 100 000 pour le Luxembourg, la République Tchèque et le Mexique malgré leurs efforts parfois conséquents.

En outre, comme déjà observé dans les rapports précédents, les infirmiers sont plus rares à se former à l’étranger par rapport aux médecins. En France, les taux restent faibles et il s’agit la plupart du temps de citoyens français formés en Belgique alors qu’à la Nouvelle Zélande 25 % du personnel a suivi une formation à l’étranger. Ils sont également de l’ordre de 10 % à 20 % en Suisse ou en Australie.

Recours aux infirmiers faces aux pénuries de médecins

Ce n’est pas un scoop : les médecins commencent à manquer. Pour continuer de garantir l’accès aux soins au plus grand nombre, certains états ont décidé d’octroyer des fonctions plus complexes au personnel paramédical. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, ou le Canada ont montré que les infirmiers de pratique avancée peuvent améliorer l’accès aux services de santé. En effet, pour les patients souffrant de problèmes de santé mineurs ou qui nécessitent un suivi ordinaire, ils permettent de réduire les délais d’attente tout en fournissant des soins de même qualité. Les patients en seraient d’ailleurs satisfaits d’après les enquêtes menées sur le sujet.

Ainsi, la reconnaissance du savoir des infirmiers est bénéfique, pour la profession, comme pour les patients. Et si cette revalorisation, en France, pouvait aussi être financière, ce ne serait pas un luxe pour nombre de professionnels.

La France, ce pays où l’on fume, où l’on boit et où les antibiotiques restent automatiques

Ce rapport très complet nous délivre bien d’autres informations toutes aussi importantes sur les populations La population française reste en bonne santé, ou du moins, présente un état de santé meilleur que la moyenne des autres pays de l’OCDE. Les Français continuent de jouir d’une espérance de vie élevée (82,4 ans contre 80,6 ans en moyenne). Les taux de mortalité par crises cardiaques demeurent parmi les plus faibles, preuve que les Français ont le coeur solide. Autre point positif, le nombre d’adultes en surpoids reste relativement modéré. Par contre, il a légèrement progressé chez l’enfant et surtout chez les garçons.

D’autre part, bien que la consommation d’alcool est diminué de 14 % en France, elle reste importante avec 11,9 litres d’alcool pur consommé par habitant et par an contre 9 litres en moyenne. De même pour la cigarette : 22,4 % de la population française fume quotidiennement contre 18,4 % au sein de états membres. Les chiffres sont aussi alarmants si on regarde le tabagisme des adolescents : 19 % des jeunes de 15 ans fument de manière régulière !

Les Français sont particulièrement mauvais élèves en ce qui concerne les prescriptions d’antibiotiques, et ce, malgré la hausse de la prévalence des bactéries antibiorésistantes. La population consomme près de 30 doses quotidiennes pour 1000 habitants contre 20 pour les autres pays. Le volume total d’antibiotiques a même légèrement augmenté entre 2010 et 2015. Or, si les Français ne rechignent pas devant les antibiotiques, ils n’aiment pas les piqûres ! Les taux de vaccination des enfants contre la rougeole sont parmi les plus bas (9 % contre 5 % en moyenne). Même constat pour l’hépatite B : la France se classant avant dernière juste devant le Mexique.

Parallèlement, l’accès aux soins reste plébiscité et leur qualité demeure supérieure à la moyenne des états de l’OCDE. Si la durée des séjours hospitaliers s’est réduit au cours des dernières décennies, cette baisse paraît plus timide en France puisqu’elle reste le 3ème pays à comptabiliser les séjours les plus longs derrière le Japon et la Corée. Pourtant, le pays a connu une croissance conséquente de la prise en charge en ambulatoire. Par exemple, aujourd’hui 90 % des opérations de la cataracte se font en ambulatoire contre 30 % en 2000.

Suite à ces observations, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, persiste et signe. L’ancien médecin a réagit en prônant que ces constats la confortent dans ses objectifs. Hausse du prix du tabac, obligation vaccinale, virage ambulatoire, Stratégie Nationale de Santé 2017-2022, PLFSS 2018, sa ligne de conduite est la bonne ! C’est d’ailleurs ce que pointe son communiqué : “prenant acte des résultats de la France dans le Panorama 2017 de la Santé, Agnès Buzyn souligne la correspondance de ses choix stratégiques avec les défis de santé publique que la France doit relever selon l’OCDE”.
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Roxane Curtet

Journaliste infirmiers.com

roxane.curtet@infirmiers.com