Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Drame sanitaire en Polynésie

Août 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 30 août 2021

La Polynésie semblait faire partie des territoires relativement épargnés par la Covid. La « vague » observée entre octobre et fin janvier n’avait ainsi pas conduit à une saturation des établissements de santé : jamais plus d’un décès en moyenne par jour n’avait été recensé dans cet archipel au millier d’îles et grand comme l’Europe. Avant le début du mois d’août, la Covid avait été associé au décès de 148 personnes depuis l’identification de la maladie, soit moins de 9 par mois.

Vigilance
Cependant, la Polynésie se préparait, connaissant ses capacités hospitalières limitées et les difficultés des évacuations sanitaires depuis certains minuscules confettis de terre qui ne comptent parfois aucun médecin. Régulièrement, un recensement du nombre de respirateurs mobilisables était réalisé, tandis que les équipes demeuraient vigilantes. Par ailleurs, alors que les entrées de touristes ont toujours constitué la première source d’inquiétude, des contrôles avaient été mis en place. Ainsi, en septembre à Tahiti, un programme était déployé distribuant systématiquement aux voyageurs arrivant en Polynésie un kit d’auto-prélèvement : ces derniers se devaient de le renvoyer quatre jours après.

Le Centre hospitalier de Polynésie sur mobilisé
Mais un certain relâchement, une campagne vaccinale au ralenti et surtout la virulence du variant Delta ont eu raison de cette préparation. Mi-juillet tout semblait encore sous contrôle. Les hôpitaux de Polynésie ne comptaient aucun patient atteint de Covid. Tout s’est accéléré de façon anarchique depuis le début du mois d’août : l’incidence a explosé pour atteindre jusqu’à 2 793 cas pour 100 000 habitants la semaine dernière, soit un des plus hauts niveaux du monde. « En deux semaines, le niveau de contamination a été multiplié par quatorze », relevait vendredi Edouard Fritch, président de la Polynésie française, devant l’Assemblée locale. On comptait vendredi 357 hospitalisations sans réanimation et 55 en réanimation, dont la très grande majorité sont assurées par le Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF). Ce dernier est sur mobilisé : il était le seul avant la crise à compter un service de réanimation. Si quelques cliniques accueillent aujourd’hui des patients en « soins critiques » (11), l’établissement continue à absorber la plus grande partie de l’activité. De nouveaux lits (d’hospitalisation) y sont créés presque chaque jour : ainsi le 19 août, 24 lits supplémentaires ont été installés dans le hall. Dans ce contexte, les praticiens sont nécessairement contraints de « prioriser » l’accès à la réanimation.

25 morts en une seule journée !

La situation est particulièrement douloureuse pour les équipes qui sont également confrontées à un nombre de décès totalement inédit. Pour la seule journée de mercredi, 25 morts ont été déplorées (sur une population d’un peu moins de 300 000 habitants). En moyenne, on recense actuellement 18 décès par jour. Le Dr Philippe Dupire, coordinateur de la cellule de crise Covid, qui parle d’une médecine de catastrophe calcule que rapporté à la population de la France métropolitaine, le nombre de décès équivaudrait à 6 000 morts par jour. Parlant de la saturation de la morgue du CHPF, le docteur Etienne Beaumont, chef du service de thanatologie, regrette de son côté sur la chaine La 1ère : « Depuis 1918, c’est la première fois que cela se produit. Une partie du service mortuaire consiste à accompagner un peu les familles et ici dans le contexte actuel, cela ne peut pas se faire ». Au total, 237 décès ont été déplorés au cours du mois d’août, soit plus qu’en 17 mois d’épidémie.

Épidémie de non vaccinés
Outre la violence du variant Delta, les raisons de ce « drame sanitaire » selon l’expression du Conseil scientifique sont multiples. Beaucoup reprochent tout d’abord au gouvernement polynésien une réaction tardive et l’absence notamment de report de la rentrée scolaire (le 11 août) alors que la situation était déjà explosive : les écoles ont finalement dû fermer quelques jours plus tard. Certains s’interrogent également sur l’arrivée restreinte de renforts depuis la métropole. Si de gros contingents de soignants ont été envoyés en Martinique et en Guadeloupe, seuls une dizaine étaient arrivés en Polynésie jusqu’à la semaine dernière. Or, ces praticiens supplémentaires sont indispensable pour pouvoir ouvrir de nouveaux lits, notamment de soins intensifs, alors que des respirateurs ont pour leur part été reçus. Surtout, c’est l’état de santé des Polynésiens et leur faible taux de vaccination qui sont signalés comme les causes les plus profondes de ce drame. Malgré une population très fragilisée par l’obésité (70 % de la population est concernée) 42,8 % seulement avait reçu une première dose de vaccin le 23 août et 32,2 % deux doses. Si le gouvernement multiplie les exhortations et que les célébrités locales (telle Miss Tahiti) se mobilisent, leurs appels sont concurrencés par des messages alternatifs, qui préfèrent miser sur l’ivermectine. Pourtant, comme aux Antilles, le fait que l’épidémie actuelle concerne d’abord les non-vaccinés ne fait aucun doute : « Il faut blâmer les mauvaises informations avec des discours complètement délirants autour du vaccin. Les chiffres sont indiscutables : 95 % des patients en réanimation ne sont pas vaccinés », affirme Tony Tekuataoa, chef du service des urgences du Centre hospitalier de Polynésie française à Papeete cité par Le Parisien.

Aurélie Haroche