Environnement et facteurs dégradant la santé

JIM - Exclusif : « L’alcool est dangereux pour la santé », un message plébiscité par une majorité de professionnels de santé

Mai 2018, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 7 mai 2018 –

L’alcool a coulé à flots depuis le début de l’année dans la presse. D’abord, à la faveur de joutes habituelles : certains s’inquiétaient du poids encore trop élevé de l’alcool sur la mortalité évitable et invitaient à une politique de prévention plus courageuse englobant tous les alcools (y compris le vin) et quelque soit la dose, quand d’autres estimaient que quelques verres ne sont pas péchés mortels et qu’il était nécessaire de ne pas « emmerder » (sic) les Français.

Ensuite, une très vaste étude publiée dans The Lancet (et relayée par le JIM), compilation de 83 études prospectives, menées dans 19 pays et ayant inclus 600 000 personnes a suggéré que la rigidité des premiers pourrait ne pas parfaitement être inspirée par la réalité scientifique, même si le caractère débonnaire des seconds est probablement dangereux pour la santé (surtout si l’on en abuse). Ainsi, il apparaît que c’est à partir de 100 grammes d’alcool pur par semaine qu’une diminution de l’espérance de vie est à redouter. Aussi, c’est bien l’abus d’alcool (une consommation de plus de 100 g par semaine ou d’un verre et demi par jour) qui serait à bannir, plus que l’alcool lui-même.

Pourtant, interrogés alors que ces polémiques et révélations bruissaient, les professionnels de santé sont majoritairement favorables au remplacement du message de prévention actuel le plus fréquemment diffusé à savoir "L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ", par le plus sobre et plus net : "L’alcool est dangereux pour la santé"*. Cette position est partagée par 64 % des professionnels de santé ayant répondu à notre sondage, tandis que 33 % ne goûtent guère une telle évolution et que 3 % ont estimé difficile de se prononcer et alors que le sondage a rencontré un large succès (934 répondeurs).

Pourquoi les praticiens, qui sur d’autres sujets ont souvent révélé un refus de se montrer trop fortement prescripteur de mesures pouvant être considérées comme attentatoires à la liberté, choisissent-ils ici une position aussi tranchée, qui plus est allant au delà des recommandations actuelle ?

D’abord, probablement, parce que beaucoup continuent de se souvenir de la ligne qui était récemment soutenue par une grande partie des sociétés de santé publique à savoir qu’il n’existerait pas de seuil en dessous duquel la consommation d’alcool n’était pas dangereuse. Ensuite, parce que le terme "abus" est ambigu, insuffisamment précis pour qu’il puisse inciter à une consommation réellement respectueuse des seuils à ne pas dépasser. Enfin, parce que les professionnels de santé sont probablement convaincus, à l’instar de nombreux spécialistes de santé publique, que seule une démarche plus volontariste offrira des résultats réels en matière de diminution de la consommation d’alcool, absolument indispensable alors que des milliers de personnes continuent chaque année à mourir de ce fléau. Il est de fait d’autres domaines où une plus grande sévérité que celle qui pourrait être exigée par les faits scientifiques est prônée par les messages de santé publique, afin de créer une prise de conscience salutaire.

Le Lancet comme allié !
Ce raisonnement et ce plébiscite en faveur d’un message de prévention contre l’alcool sans ambiguïté ne devraient pourtant guère influencer les décideurs publics, d’autant plus que, depuis, la méta analyse du Lancet a semblé signalé la bonne adéquation des recommandations françaises actuelles à la réalité épidémiologique. Les débats de ces dernières semaines ont en effet témoigné de la réticence de l’équipe gouvernementale à impulser une politique qui pourrait être perçue comme un signal négatif vis-à-vis d’une production importante en France, à tel point que le ministre de la Santé, initialement favorable comme la majorité de ses confrères au remplacement du message évoquant l’abus par un message plus clair, a finalement changé de position.

*comme l’ont encore préconisé dans une récente tribune différents spécialistes de santé publique et des addictions.

Aurélie Haroche