Environnement et facteurs dégradant la santé

JIM - Glyphosate : pas même publié, le rapport de l’OPECST déjà dans la tempête médiatique

Mai 2019, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 13 mai 2019

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) doit remettre jeudi au Sénat un rapport concernant le glyphosate, herbicide parmi les plus utilisés dans le monde. Sa conclusion s’inscrit dans la lignée de la très grande majorité des autorités nationales et internationales : il n’existe pas de données suffisamment solides permettant de redouter un risque cancérigène en cas d’exposition "normale" à ce produit (par essence toxique). Or, compte tenu de la nécessité de recourir à des pesticides, si l’on souhaite maintenir les rendements agricoles actuels, se priver de glyphosate ne semble pas nécessairement pertinent en termes de bénéfice/risque (risque qui ne doit pas être confondu avec le danger ce qui est très souvent le cas).

Le CIRC cavalier seul
Le rapport élaboré par quatre membres de l’OPECST, dont le sénateur UDI de Haute Garonne Pierre Médevielle a consisté à passer en revue les méthodes d’évaluation utilisées par toutes les agences sanitaires nationales et européennes pour évaluer le glyphosate. Les études utilisées par ces institutions ont également été analysées, tandis que différentes auditions ont été conduites au cours de 14 mois de travaux. Le point central du travail de l’OPECST a été d’interroger la différence de conclusion entre la plupart des agences sanitaires françaises (dont l’ANSES et l’INRA) et internationales et le Centre international de recherche du cancer (CIRC), organe affilié à l’OMS (mais dont les avis ne lient pas l’OMS). Sur ce point, ils observent : « Le Centre international de recherche sur le cancer a classé le glyphosate cancérogène probable en s’appuyant sur une étude farfelue qui a été retirée depuis d’ailleurs. Il y a d’autres études de l’INRA, du CNRS, de l’ANSES, (…) ce sont des agences indépendantes. C’est certainement un des produits sur lequel il y a eu le plus de littérature ces dernières années, je vous garantis que nous avons une pile d’études qui ne parle pas de cancérogénicité », résume dans 20 minutes Pierre Médevielle.

De fait, on sait que le CIRC s’est principalement appuyé sur des études épidémiologiques de type cas-témoin, suggérant une légère augmentation de lymphome non-hodgkinien lors d’expositions professionnelles, excès non confirmé par les études prospectives de meilleure qualité qui n’ont pas été retenues (principalement parce qu’elles n’étaient pas encore consolidées) par le CIRC. Contrairement à ce qu’une grande partie de la presse affirme, il aurait été bien plus étonnant que l’OPECST s’aligne sur les conclusions isolées du CICR plutôt qu’il épouse celles de toutes les autres instances.

Bien sûr, les observations de l’OPECST ainsi présentées ont immédiatement été dénoncées par l’ensemble des militants écologistes et par une grande partie de la classe politique. La sortie de Pierre Médevielle remarquant que le glyphosate n’est pas plus dangereux que la charcuterie a été particulièrement moquée. L’élu fait ici allusion au fait que le glyphosate a été classé par l’OMS dans le groupe 2A c’est-à-dire parmi les agents probablement cancérogènes pour l’homme, au même titre que la viande rouge et l’acrylamide (substance néoformée inévitablement présente lors de la cuisson des frites et autres chips…). Dans le groupe 1 des cancérogènes avérés sont présents l’alcool, la cigarette et la charcuterie. Ainsi, on ne peut établir de lien direct entre la classification du CIRC et l’interdiction ou non du produit. Cette question relève d’une autre analyse qui doit notamment conduire à s’interroger sur l’exposition, les bénéfices du produit (la viande rouge présente un risque mais est également associé à des bénéfices nutritifs) et les conséquences d’un retrait. Par ailleurs, cette classification ne permet pas d’établir de hiérarchie. Ainsi, si la charcuterie se retrouve dans la même catégorie que le tabac ou l’alcool, fumer ou boire représentent des risques bien supérieurs à la consommation de saucisson.

A quoi sert l’OPECST puisqu’il n’est jamais écouté ?
Outre l’agitation médiatique à laquelle on assiste dès aujourd’hui, outre les probables accusations de conflits d’intérêt qui seront lancées contre certains des auteurs du rapport (quand les liens d’intérêt de certains membres du CIRC avec des lobbys écologistes sont bien moins souvent épinglés), outre le probable rappel des méthodes douteuses de Monsanto (preuve jugée inattaquable de la dangerosité du glyphosate pour beaucoup), ce rapport ne devrait nullement conduire à une quelconque inflexion des décisions du pouvoir sur le glyphosate (pas plus que les rapports de l’OPECST favorables par exemple aux OGM).

Le fait que Cédric Villani, médaille Fields de mathématiques en 2010, député LREM et proche d’Emmanuel Macron, soit le vice-président de l’OPECST et qu’il pourrait ne pas désavouer le rapport de ses collègues ne contribuera qu’à accroitre la confusion et à confirmer une nouvelle fois l’inséparable fossé entre la science et les décisions politiques.

Instrumentalisée et brandie par les uns et les autres à géométrie variable, la science n’est en réalité jamais le fondement des choix adoptés. Ce qui interroge sur l’utilité de tels rapports.

Aurélie Haroche