Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Incertitudes de la situation et spectre du confinement plombent plus que jamais l’exécutif

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Publié le 25/01/2021

Chaque semaine depuis le début de l’année semble avoir été décrétée semaine de tous les dangers. Celle qui débute aujourd’hui ne fait pas exception, avec de plus en plus harcelant le spectre du confinement pour juguler l’épidémie de Covid-19.

La pression d’un grand nombre d’épidémiologistes, de médecins et de scientifiques considérant la fermeture du pays comme l’unique solution face à la diffusion des différents variants s’est considérablement accrue sur un exécutif qui selon les rumeurs de la presse est pour sa part de plus en plus divisé.

Vendredi, différents échos assurent qu’à l’occasion d’une réunion à Matignon, la décision d’un confinement à partir du 29 janvier était quasiment actée. Hier, le Journal du Dimanche renchérissait en assurant qu’Emmanuel Macron devrait annoncer une nouvelle fermeture du pays ce mercredi. Pourtant, pour l’heure, aucune allocution n’est inscrite à l’agenda présidentiel et dans l’entourage du Président de la République on dément toute prise de parole. Ces informations divergentes attestent très probablement de l’hésitation qui règne au sein de l’exécutif, avec toujours les mêmes forces contraires. Quand le ministère de la Santé met de plus en plus en avant les risques d’une accélération brutale de l’épidémie liée aux variants, à l’instar de ce qui a été observé en Grande-Bretagne ou au Portugal, Bercy s’inquiète de nouvelles conséquences économiques d’une mesure trop rigoureuse, tandis que Jean-Michel Blanquer défend toujours farouchement l’importance de maintenir les écoles ouvertes.

Le couvre-feu, un pare-feu pas un extincteur
Dans ce contexte, le gouvernement cherche encore et toujours à gagner du temps. Les indicateurs de l’épidémie sont contrastés : on ne décèle pas d’augmentations significatives, mais plus certainement un plateau qui demeure depuis désormais la mi-décembre, en ce qui concerne le nombre de sujets en réanimation (entre 2500 et 3000 et autour de 200 admissions par jour), de personnes hospitalisées (autour de 25 000) et de décès (300 par jour). Si les paramètres habituels ne peuvent donc être considérés comme décisifs (la hauteur du plateau est considérée par les uns comme suffisamment inquiétante pour justifier de nouvelles mesures, quand l’absence de forte hausse serait un gage de contrôle relatif pour d’autres), deux éléments vont être plus certainement scrutés cette semaine.

D’abord, l’efficacité du couvre-feu. Les premiers éléments présentés la semaine dernière concernant les départements ayant appliqué le couvre-feu avancé à 18h seraient encourageants : une diminution de 10 à 15 % des contaminations y a été en effet observée. Mais si Olivier Véran invite à s’appuyer sur des données consolidées pour déterminer si le couvre-feu peut être considéré comme une arme suffisamment robuste pour en éviter d’autres, certains ont déjà donné le verdict. « C’est vrai que la progression du virus dans la région a été moins forte que dans les autres régions qui ont bénéficié de ce couvre-feu précoce plus tardivement. Ça ralentit la progression, mais ça ne fait pas baisser l’épidémie, c’est ce qu’il faut répéter aux gens », prévient ainsi le docteur Jean Rottner, président de la région Grand Est qui ne cache pas son adhésion à un confinement strict.

Le variant anglais déjà suffisamment installé pour avoir peur ?
Outre, les effets du couvre-feu, le gouvernement veut également se reposer sur des données objectives concernant la diffusion du fameux variant anglais (VoC 202012/01). Une nouvelle enquête « flash » doit ainsi être réalisée en ce début de semaine, qui consiste à utiliser la PCR Thermo-Fischer sur un certain nombre de prélèvements positifs afin d’avoir une évaluation de la part (probable mais pas encore confirmée par séquençage) du variant identifié pour la première fois en Grande-Bretagne. Mais là encore, certains jugent que cette enquête est superfétatoire. « Une série de données » révèlent « que le virus anglais est plutôt à des niveaux de 7, 8 ou 9 % dans certaines régions françaises » a ainsi assuré hier le président du Conseil scientifique, le professeur Jean-François Delfraissy.

Une nouvelle pandémie et l’épuisement des soignants
Pour lui, la nouvelle donne que constitue la circulation des variants, qu’il assimile à une « nouvelle pandémie », impose d’agir au plus vite, quand le gouvernement temporise.

Beaucoup partagent la conviction que des mesures doivent être prises sans attendre. Ainsi, alors que certains remarquent que la situation à l’hôpital n’est pas catastrophique, dans les services où l’épuisement atteint des niveaux élevés, on évoque une pression insidieuse. L’infectiologue Karine Lacombe, indiquait hier interviewée par BFM que certaines équipes commençaient déjà à déprogrammer une partie de leurs interventions non urgentes. Elle remarque par ailleurs que le plateau actuel semble désormais clairement ascendant. De son côté, dans les colonnes de Libération, le professeur Stéphane Gaudry (chef du service de réanimation de l’hôpital Avicenne) évoque le désarroi des professionnels de santé, qui ont le sentiment d’une crise sans fin. « Cette situation s’est figée sur ce plateau haut il y a six semaines, sans phénomène significatif d’augmentation ou de baisse des admissions des Covid-positifs. C’est inédit dans cette crise. Et assez déroutant. On ne peut pas dire pour l’heure que c’est ingérable. En même temps, en termes d’intensité de travail, nous sommes clairement sur une marche supplémentaire par rapport à la normale. Cela éreinte tout le monde à la longue. »

L’acceptation des Français en question
Cependant, si en dépit de ces différents signaux, le gouvernement préfère une certaine forme d’attentisme, c’est que beaucoup redoutent une érosion de l’acceptation des Français. Aussi, des données épidémiologiques claires doivent pouvoir être mises en avant pour justifier la dureté des mesures et non pas seulement des tendances.

« Le gouvernement doit prendre la mesure d’un confinement au moment où l’opinion peut l’accepter. Pas avant. S’il y a une flambée, on est légitime pour protéger le pays ; s’il n’y a pas de flambée, le risque est grand que les gens ne l’acceptent pas », analyse ainsi un proche d’Olivier Véran cité dans Le Monde.

Beaucoup estiment néanmoins que cette crainte d’une rébellion des Français est très exagérée. Cependant, les sondages se montrent bien moins rassurants que dans les premiers temps de la crise. Ainsi, une enquête publiée par Les Echos la semaine dernière confirme que si la majorité des Français sont convaincus qu’un confinement est inéluctable, seuls 41 % le souhaitent, ce qui est très différent de ce qui avait prévalu au printemps et en novembre. Dans ce contexte, la montée sur les réseaux sociaux du hasthag #JeNeMeConfineraiPas même s’il est majoritairement partagé par des personnalités d’extrême droite est surveillée avec beaucoup d’attention.

Enièmes cruels arbitrages
Ce temps supplémentaire est enfin indispensable pour le gouvernement pour affiner le détail des mesures à prendre qu’il se résolve ou non à un confinement. Les arbitrages concernent notamment d’éventuelles différences entre les écoles primaires et les collèges et les lycées, la possibilité d’avancer les vacances scolaires, ou enfin l’adaptation régionale. En tout état de cause, il est peu probable que l’idée très souvent remise sur le devant de la scène depuis le début de l’épidémie et encore défendue hier par le président du Conseil scientifique (mais sur le mode du volontariat) d’un confinement des plus âgés soit retenue.

Aurélie Haroche