Les ordres professionnels

JIM - L’Ordre se déchire sur le cas Cahuzac

Décembre 2018, par Info santé sécu social

Ajaccio, le lundi 17 décembre 2018

En juillet, le docteur Alain Choux, qui semble s’être auto-investi d’une mission de redresseur des torts de ses confrères (il a notamment été à l’origine des sanctions émises contre les professeurs Debré et Even) saisissait le Conseil national de l’Ordre pour contester la réinscription en qualité de médecin généraliste du docteur Jerôme Cahuzac, aujourd’hui établi en Corse-du-Sud.

En effet, malgré sa condamnation à quatre ans de prison dont deux avec sursis pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale et bien qu’il soit retraité depuis un an, le Dr Jerôme Cahuzac a décidé de reprendre ses activités médicales, d’abord en Guyane pour une mission dans la forêt amazonienne et désormais en tant que médecin généraliste à l’hôpital de Bonifacio.

Une nouvelle vie qui n’est pas du goût du Docteur Choux, qui, dans un courrier adressé il y a plusieurs mois au président du conseil de l’Ordre des médecins de Corse-du-Sud feignait de s’interroger : « sauf erreur ou omission de ma part, lors de mon inscription à l’Ordre des médecins de Paris, j’ai dû fournir une copie certifiée conforme qui confirmait que mon casier judiciaire était vierge de toute condamnation ? ». Le Docteur Choux estime en outre que Jérôme Cahuzac n’a pas les compétences requises pour exercer la médecine générale. « Bien entendu (…) je saisirai le Conseil disciplinaire de l’Ordre des médecins pour demander une radiation de ce repris de justice » avait donc tonné le praticien parisien.
« Toutes les compétences et qualités nécessaires à l’exercice de la médecine générale »
Or, selon le Journal du Dimanche « le débat est en passe de dégénérer ». Ainsi, le 19 novembre, l’ordre des médecins de Corse-du-Sud a donné raison à Jérôme Cahuzac…avant que le Conseil national réagisse le 28 en formant un recours « à titre conservatoire », sur des motifs purement formels.

Furieux de cette décision, les élus de l’ordre régional de Corse seraient déterminés à « présenter leur démission collective ». « Le recours qu’on nous oppose est vexatoire et tellement formaliste qu’il en est ridicule » (il est par exemple reproché l’absence de mention du lieu de la séance) explique ainsi, sous couvert d’anonymat, un des membres de cette institution.

En outre, le Conseil de l’Ordre de Corse-du-Sud note que le Docteur Choux ne s’est pas rendu à la procédure de conciliation qui s’est tenue le 24 septembre, la convocation n’ayant pas été adressée en recommandé a-t-il justifié…alors même qu’auparavant il avait déjà prévenu, interrogé par le Quotidien du médecin, qu’il ne répondrait pas à l’invitation, quelle qu’en soit sa forme, estimant qu’il ne voyait pas d’entente possible avec Jérôme Cahuzac. Ce dernier, durant cette audience, aurait « promptement répondu à toutes les questions », si bien que le Conseil départemental lui a reconnu « toutes les compétences et qualités nécessaires à l’exercice de la médecine générale », selon les termes de la décision finale.

Le droit n’est pas en défaveur du Dr Cahuzac
Conformément à l’article L.4112-1 du Code de la Santé Publique, les médecins ne peuvent exercer leur profession que s’ils sont inscrits au tableau de l’Ordre et pour assurer cette inscription, ces derniers se doivent de prouver qu’ils remplissent « les conditions nécessaires de moralité, d’indépendance et de compétence ».

Certes, une condamnation pénale peut être considérée comme contraire à ces conditions, mais rappelons que s’il n’est pas nécessaire pour la juridiction ordinale d’attendre une décision pénale définitive (le Dr Cahuzac avait ainsi été suspendu temporairement avant sa condamnation) pour prononcer une sanction disciplinaire, à l’inverse, la connaissance d’une infraction pénale n’implique pas automatiquement une sanction par le Conseil de l’Ordre.

Par ailleurs, le principe de proportionnalité des peines érigé par l’article 8 de la Déclaration de 1789 rappelle que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Or, au-delà du retentissement médiatique de l’affaire, il y a lieu de s’interroger sur le sens qu’aurait une radiation à vie pour une condamnation qui n’est pas liée à une atteinte aux personnes et qui n’avait pas de rapport avec une activité de soins.

Frédéric Haroche