L’hôpital

JIM - L’hôpital face à la semaine de tous les dangers

Décembre 2022, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 29 décembre 2022

Confronté à une triple épidémie, affaibli par des difficultés structurelles et par la grève des médecins libéraux, l’hôpital public français est en grande difficulté.

Pas de trêve des confiseurs pour les soignants hospitaliers. La période actuelle des fêtes est particulièrement difficile pour l’hôpital public et le ministre de la Santé François Braun a même parlé d’une « semaine de tous les dangers » lors d’un déplacement à l’hôpital d’Annecy ce mercredi pour évoquer la situation actuelle, celle d’un hôpital submergé de patients qui manque de lits et de personnel.

Principale cause de cette énième situation de tension à l’hôpital, la triple épidémie de bronchiolite, de Covid-19 et de grippe qui touche la France. Fort heureusement, les trois maladies ne connaissent pas leur pic épidémique au même moment. Pour la bronchiolite, le pic a été atteint il y a trois semaines et le dernier bulletin épidémiologique de Santé Publique France (SPF) publié ce mercredi fait état d’une nouvelle baisse des passages aux urgences (-14 % sur la semaine) et des hospitalisations (-11 %), bien que l’épidémie se poursuive « à un niveau élevé » selon SPF.

Pour la Covid-19, le pic de contaminations a également été atteint il y a une quinzaine de jours. Actuellement, on compte environ 31 000 contaminations quotidienne en moyenne hebdomadaire, soit 50 % de moins qu’il y a deux semaines. Mais le ministre de la Santé dit « craindre un rebond épidémique » en janvier après les fêtes. Le pic hospitalier semble être en passe d’être atteint, avec une légère baisse du nombre de patients Covid-19 en hospitalisation conventionnelle (-0,9 % sur la semaine) et une légère hausse en soins critiques (+2,8 %).

« Plus aucune place en réanimation en Ile-de-France »
En revanche, c’est sur le front de la grippe que la situation est la plus inquiétante. Selon SPF, sur la semaine du 19 décembre, le nombre de passage aux urgences pour syndrome grippal a augmenté de 52 % et celui d’hospitalisations de 75 %. En termes d’impact hospitalier, l’épidémie de grippe actuelle est déjà la plus forte depuis celle de l’hiver 2017-2018 et le pic semble loin d’être atteint. « Il y a une explosion des cas, avec également des cas graves » alerte le ministre de la Santé, qui a lancé un nouvel appel à la vaccination contre la grippe, en baisse cette année par apport aux hivers précédents.

Comme lors des pires vagues de la Covid-19, les services de réanimation sont particulièrement touchés par cette triple épidémie. « Les services de réanimation d’une façon globale sont saturés » constate le ministre, alors que ce mardi, le Dr Christophe Prudhomme, médecin du SAMU en Seine-Saint-Denis, indiquait sur les antennes de BFM TV qu’il n’y avait « plus aucune place de libre en réanimation en Ile-de-France ».

Le ministre fustige les grévistes…

Mais c’est globalement l’ensemble du système de santé qui est grande difficulté. Dans tous les services d’urgence, les délais d’attente s’allongent et, par manque de personnel, certains services sont obligés de renouer avec les mesures prises durant l’été pour éviter la saturation des services. A l’hôpital de Saint-Brieuc, les urgences n’accueillent plus la petite traumatologie depuis le 20 décembre. A Landerneau dans le Finistère, le service sera tout simplement fermé toutes les nuits jusqu’au 2 janvier. Situation difficile également dans les centres d’appels du SAMU, avec une augmentation de 30 à 40 % des appels depuis le début des vacances scolaires.

Face à cette énième crise, chacun cherche à trouver des explications et des responsables. Pour le ministre de la Santé, la grève des médecins libéraux, lancée ce lundi et qui doit durer toute la semaine, n’a fait qu’empirer les choses. Ce mercredi, il a fustigé une grève « particulièrement malvenue en cette période d’extrême difficulté pour le système de santé » considérant « qu’on ne fait pas la grève avant de commencer à discuter ». Ne souhaitant pas être les boucs émissaires de la crise de l’hôpital, les grévistes ont tenu à rappeler que cette grève avait été annoncé il y a deux mois déjà. « Le ministre avait largement le temps de réquisitionner, il se fout du monde » s’emporte le Dr Jean-Paul Hamon, ancien président de la Fédération des Médecins de France (FMF).

…et les hospitaliers critiquent le gouvernement
Du coté des médecins hospitaliers, on pense surtout que la triple épidémie et la grève des libéraux a bon dos et que l’hôpital fait avant tout face à une crise structurelle qui dure depuis plusieurs années. « L’expression « semaine de tous les dangers » donne l’impression d’un évènement ponctuel qui va finir par passer, alors que nous faisons face à un problème de fond qui est le manque de personnel » réagit le Pr Matthieu Revest, chef du service des maladies infectieuses du CHU de Rennes. « Nous étions déjà en incapacité de fonctionner avant cette triple épidémie : le rythme de soins et des opérations n’est jamais revenu à la normale depuis la Covid, nous prenons constamment du retard » ajoute-t-il.

Même constat du côté du Dr Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, qui dénonce la responsabilité des différents gouvernements qui se sont succédé ces vingt dernières années : « le gouvernement brandit le Conseil national de la refondation pour faire illusion, mais autour de la table, ce sont les mêmes qui ont conduit à la faillite du système » dénonce-t-il.

Malgré ces constats pessimistes, François Braun affiche une attitude résolument volontariste. « La mobilisation des personnels est absolument complète et le système arrive à tenir » a-t-il déclaré à la fin de sa visite à l’hôpital d’Annecy. « Nous allons démarrer la refondation de notre système de santé dès le mois prochain » a-t-il conclut. Une refondation complète, c’est bien de cela que semble avoir besoin notre système de santé en pleine crise.

Quentin Haroche