Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Le Conseil scientifique évoque deux scénarios de mesures renforcées

Octobre 2020, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 26 octobre 2020 –

Hier, les laboratoires d’analyse médicaux ont transmis 52 000 résultats de tests PCR révélant la présence d’ARN de SARS-CoV-2. Ce chiffre représente un record, d’autant plus surprenant qu’il concerne un dimanche, jour où l’activité des laboratoires est généralement un peu moins soutenue. Cette accélération très nette de l’augmentation du nombre de cas ne peut qu’inquiéter profondément les autorités sanitaires. Parallèlement, le nombre de décès a également progressé ces dernières semaines (pour atteindre hier 116 et en moyenne autour de 150 par jour au cours de la semaine écoulée). Surtout, la flambée de cas fait craindre une explosion des admissions à l’hôpital et en réanimation en réanimation et des décès dans trois à quatre semaines. Or, les services de réanimation d’un grand nombre d’établissements dans une majorité de régions connaissent déjà des taux d’occupation préoccupants. Les déprogrammations des interventions non urgentes ont déjà commencé dans un grand nombre de structures (comme nous l’évoquions la semaine dernière) et tandis que les possibilités de transfert sont restreintes par rapport au printemps, les médecins hospitaliers ont été très nombreux ce week-end à lancer de nouveaux cris d’alerte.

Brutalité

« Cette seconde vague pourrait être beaucoup plus forte que la première » avait déjà prévenu vendredi le patron de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), tandis que ce matin sur RTL, le président du Conseil scientifique, le professeur Jean-François Delfraissy lui faisait écho.

Bien qu’il ait toujours mis en garde quant au risque d’une seconde vague cet automne, il admet être surpris par la « brutalité » de la situation observée ces dix derniers jours. Au-delà des questions qui se multiplient concernant les causes de cette situation, alors que les mesures destinées à limiter la propagation du virus se sont imposées et multipliées ces dernières semaines, l’heure de choix cruciaux semble avoir sonné pour l’exécutif.

Inévitable et en même temps inéluctable
La semaine dernière, tant le Premier ministre que le Président de la République ont prévenu que des renforcements des mesures déjà existantes (couvre-feu pour plus de 47 millions de Français) seraient nécessaires, en se refusant cependant à confirmer que des reconfinements locaux pourraient être décrétés. De son côté, ce week-end à l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé, Olivier Véran a semblé fataliste remarquant que la situation allait évoluer défavorablement dans les prochaines semaines « quoi que nous fassions ».

Faire vite et de façon plus souple et ciblée qu’au printemps
La complexité extrême est de mettre en place des mesures assez efficaces (alors que beaucoup jugent que le couvre feu a été décidé trop tardivement pour avoir un impact) tout en demeurant acceptées par la population et en limitant les conséquences sur une économie déjà très fragilisée. Pour Jean-François Delfraissy, deux scénarios se dessineraient : soit un renforcement du couvre-feu actuel (élargissement à tout le pays, avancement de l’heure, voire fermeture totale le week-end, comme le préconisent de nombreux médecins dont les membres de l’Union régionale des professionnels de santé de l’Est) soit un confinement (assoupli par rapport au printemps, avec maintien d’une certaine activité économique et des activités d’enseignement) d’une courte durée. En tout état de cause, deux principes doivent guider l’exécutif : le statu quo est inenvisageable et le confinement s’il s’impose doit être plus souple qu’au printemps. Jean-François Delfraissy insiste par ailleurs sur le fait que les mesures doivent être prises rapidement et encore que les populations les plus à risque devraient être l’objet d’une vigilance accrue.
Certains estiment que cette question de la protection ciblée des plus de 65 ans et des personnes atteintes de certaines maladies chroniques ne doit plus être taboue. Ainsi, le Dr Martin Blachier (dont la pertinence des projections a souvent été remise en cause) relève d’ailleurs que selon les modélisations de ses équipes un confinement de ces sujets à risque pendant quinze jours serait aussi efficace en termes de réduction de la mortalité et des hospitalisations qu’un confinement généralisé. Enfin, Jean-Ftançois Delfraissy note que le « déconfinement » devra inclure une période de couvre-feu.

Plus dur à mettre en place qu’un confinement pur et simple
Tant les déclarations de Jean-François Delfraissy, les préconisations de différents médecins hospitaliers et les observations de certains responsables politiques dessinent les multiples arbitrages qui vont devoir être pris dans les heures et jours qui viennent. Si une mesure de confinement est décidée sera-t-elle locale ou générale ? Quel contour prendront les restrictions de déplacements entre départements ? Les établissements scolaires seront-ils de nouveau fermés : si un consensus semble presque se dessiner concernant la possibilité et la nécessité de laisser ouverts les établissements accueillant des enfants jusqu’à 11 ans, la question est moins certainement tranchée au-delà. A propos des activités économiques, quelles recommandations concernant les activités sans télétravail possible, les commerces non essentiels, etc...? Surtout, il apparaît d’une importance majeure que des informations bien plus claires qu’au printemps soient données sur la nécessité de ne pas retarder les consultations médicales. D’une manière générale, les leçons du premier confinement devront être retenues (tel le caractère absurde de certaines restrictions comme la fermeture des forêts au printemps…). On le voit un chantier titanesque attend les autorités, bien plus complexe qu’un confinement pur et simple compte tenu du caractère fin et délicat des décisions à adopter et de l’extrême urgence. A cet égard, pour une meilleure acceptabilité des mesures prises, on aimerait que le gouvernement ne se contente plus de leur annonce solennelle mais mette sur la table les différentes hypothèses envisageables, avec leurs avantages et inconvénients et explicite les raisons de son choix …car les citoyens ne sont pas des enfants.

Protéger nos vies, mais aussi nos libertés
Pour le gouvernement, l’enjeu est également celui de l’acceptation de ces mesures, alors que partout en Europe, les manifestations de révolte se sont multipliées. Dans ce cadre, il semble indispensable en premier lieu de limiter les messages culpabilisant. Mais au-delà, beaucoup attendent un plus large débat démocratique. C’est notamment le sens de l’intervention ce week-end, du Défenseur des droits Claire Hédon. D’une manière générale, les appels (à ne pas sous-estimer) sur les dangers d’un état d’urgence permanent sur les libertés émanent de toute part et ne sont plus les seuls apanages de groupes extrémistes ou complotistes. Ainsi, vendredi, la commission consultative droits de l’homme a mis en garde : « Jamais en temps de paix, la République n’a connu une telle restriction des libertés, le choix a été fait d’une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif » a ainsi commenté son président, l’avocat Jean-Marie Burguburu. C’est notamment un appel à une participation plus active du parlement dans l’élaboration des mesures, afin que son contrôle permette de limiter les risques d’arbitraire, toujours possibles, même (et surtout) en période d’urgence sanitaire.

Aurélie Haroche