Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Le variant brésilien : nouvelle menace sur l’Europe et la France

Avril 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 13 avril 2021

La situation épidémique française est préoccupante. La tension hospitalière est très élevée (114,8 % des lits [théoriques] de soins critiques sont occupés par des patients atteints de Covid) et beaucoup craignent que les signes encourageants observés ces derniers jours ne conduisent qu’à un nouveau plateau élevé. Néanmoins, certains veulent garder l’espoir que dans les prochaines semaines, l’effet combiné de la fermeture des classes et des autres mesures de freinage, de la diminution des déplacements, de l’intensification de la vaccination et des beaux jours permettent au moins une accalmie. Mais beaucoup se montrent bien plus préoccupés des conséquences d’une nouvelle menace : le variant dit brésilien.
P1 et P2

Derrière ce terme vernaculaire de variant brésilien, se cache le variant 20J/501Y.V3 ou encore P1. Ce dernier a provoqué une flambée épidémique majeure à Manaus en décembre 2020 et a été identifié pour la première fois à l’échelon international chez des voyageurs japonais de retour du Brésil au tout début de cette année. P1 est très proche de P2, qui pour sa part sévit dans l’état de Rio de Janeiro et a été repéré par une équipe brésilienne en octobre dernier. P1 et P2 sont tous deux issus du variant B1.1.128 qui était la souche dominante au Brésil en février 2020. On relèvera encore que P1 ne cesse de muter. « On en est à 17 mutations jusqu’à présent, c’est beaucoup et c’est ce qui peut expliquer que c’est si transmissible » explique au micro de Radio France internationale (RFI), Miguel Nicolelis ancien président du comité anti-Covid de la région brésilienne du Nordeste. La particularité de P1 (qui est un "variant d’intérêt" qui est l’objet d’une surveillance active en Europe et en France) est d’être porteur des mutations E484K (à l’instar du variant sud-africain) et N501Y. La première expliquerait sa capacité à échapper aux anticorps "naturels" voire vaccinaux et la seconde, qu’il partage avec le variant dit britannique, lui confère potentiellement une plus grande transmissibilité.

Virulence et transmissibilité : des données à confirmer
Cependant, pour l’heure, beaucoup des informations concernant le variant brésilien ne sont pas consolidées et reposent sur des observations limitées. Il est tout d’abord décrit comme plus pathogène que la souche « historique » qui circulait en Europe ou que le variant britannique et susceptible d’entrainer des formes graves chez des sujets plus jeunes. De fait, selon l’Association brésilienne des soins intensifs, en mars, 52,2 % des patients covid positifs en soins intensifs dans les hôpitaux brésiliens étaient âgés de moins de 40 ans, contre 14,6 % au début de la pandémie. La mortalité aurait par ailleurs progressé de 193 % chez les moins de 45 ans. Cependant, cette évolution pourrait s’expliquer pour partie par la vaccination des plus âgés (même si le taux de vaccination est très faible au Brésil, autour de 4 %), par des comportements « à risque » plus fréquents qu’en Europe chez les jeunes et par la forte part de la population de moins de 40 ans au Brésil (comparativement à nos populations vieillissantes européennes, mais cet argument a une portée limitée compte tenu de la progression de la part de jeunes hospitalisés en réanimation). On notera à cet égard que concernant le variant britannique, qui avait un temps été suspecté de présenter une virulence accrue, des travaux récents publiés dans The Lancet infirment cette intuition première.

La transmissibilité de P1 serait également plus importante. Là encore, les données ne sont pas consolidées. Des travaux en cours de publication et disponibles sur MedRxiv (https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.02.26.21252554v1) suggèrent une transmissibilité 1,4 à 2,2 fois plus importante qu’avec la souche originelle.

Vers une troisième dose ?

Autre zone d’incertitude : son niveau d’échappement à l’immunité naturelle et vaccinale. Pour Benjamin Davido (hôpital Raymond Poincaré de Garches), il s’agit de la préoccupation principale. « Ce qui le distingue vraiment du Britannique est sa capacité d’échappement immunitaire. En clair, alors qu’on sait que la vaccination marche très bien sur le mutant anglais, on voit une perte de protection avec les variants brésilien et sud-africain » signale-t-il interrogé par BFM-TV. Vincent Thibault, chef du service de virologie du CHU de Rennes interrogé par Ouest France refuse cependant d’être alarmant. Se reposant sur une étude à paraître dans Cells, le 29 avril, il indique concernant les capacités des vaccins Pfizer et Moderna vis-à-vis des nouveaux variants : « Il faut cinq à dix fois plus d’anticorps vaccinaux pour neutraliser le variant brésilien que la souche originelle. C’est 100 fois plus pour le sud-africain. Le variant anglais est lui relativement bien neutralisé ». Dans ce cadre, la piste pourrait être d’effectuer un rappel vaccinal. « Ce qu’il faut voir, c’est l’efficacité du vaccin dans la durée. Peut-être qu’au début, le niveau d’anticorps est suffisant, mais qu’il décroît au fil du temps. D’ailleurs, Pfizer travaille sur une troisième dose » note ainsi dans Le Parisien, Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité de l’Institut Pasteur.

Quel risque pour la France ?

Si on le voit, les inconnues sont encore très nombreuses concernant le variant brésilien, la vigilance s’impose quoi qu’il en soit. Aujourd’hui, le variant brésilien circule très faiblement dans notre pays. Sur la semaine 13 (29 mars-4 avril), sur l’ensemble des tests criblés (43 % de tous les tests positifs) 4.2% correspondaient au variant sud-africain ou brésilien. Le variant brésilien, seul, représenterait 0.1% des souches détectées en mars 2021. « Aujourd’hui, le variant brésilien est quasiment inexistant, aux alentours de 0,5 %, selon notre dernière enquête Flash » complète le professeur Lina. Sa présence, dans le monde est également faible, il est retrouvé dans 4,95 % des tests positifs faisant l’objet d’un criblage. Cependant, ces résultats pourraient être biaisés par le fait que les pays qui pourraient être les plus touchés (en Amérique du Sud notamment) ont des capacités de séquençage potentiellement plus modestes.

On retrouve concernant cette question la même diversité habituelle d’opinions des scientifiques « Au début, cela peut paraître anodin, puis il peut monter très vite. Le (variant) brésilien, on le sait, est désormais très bien installé en Amérique du Sud, au Chili, évidemment, mais ça y est, on voit aussi qu’il remonte. Il y a près de 800 cas en Colombie-Britannique, et il arrive aux États-Unis, dans le Massachusetts, en Floride… La leçon à en tirer est que ça peut partir très vite, y compris en Europe ! » alerte ainsi dans Le Parisien, l’épidémiologiste Antoine Flahaut. La rapidité de diffusion au Brésil conforte une telle alerte. Aujourd’hui, P1 représente 65 % des nouvelles contaminations contre 22 % début janvier. Le généticien Philippe Froguel confirme : « Le variant anglais court plus vite, il est majoritaire mais les autres sont là. Dans mon laboratoire, ils [les variants brésiliens et sud-africains] représentent deux ou trois échantillons sur 400. Ils circulent en dessous des radars jusqu’au moment où ça explose, après un rassemblement par exemple. »

Mais d’autres se montrent moins préoccupés. Vincent Thibault (chef du service de virologie du CHU de Rennes) considère que le variant P1 n’a « pas d’atout majeur pour supplanter les autres variants qui circulent aujourd’hui. Ma crainte irait plus vers le variant sud-africain qui échappera beaucoup plus à l’immunité naturelle (infection antérieure) ou vaccinale ». Il note encore que la question de sa diffusion est « multiparamétrique. Il faut une bonne symbiose entre l’hôte et le virus. Peut-être que la différence de fond génétique entre un Brésilien et un Français joue aussi ». De la même manière, Bruno Lina, remarque dans La Croix : « il s’efface face au variant britannique car il n’a une transmissibilité que de 20 à 30 % supérieure au virus originel, contre 60 % pour le britannique », relève-t-il. Mais quelles que soient leurs divergences, les spécialistes convergent pour signaler que la vigilance doit nécessairement s’exercer, notamment lors des contrôles aux frontières, mais au-delà d’une manière générale car les situations de circulation virale intense (comme actuellement en France) représentent un risque important d’émergence de variants.

Aurélie Haroche