Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM -Les variants auront-ils raison de la stratégie du gouvernement ?

Février 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 8 février 2021

La situation épidémique est loin d’être idéale. Le nombre de décès notamment, qui a été dans un premier temps l’indicateur majeur pour mesurer la gravité de la situation, est à un niveau relativement élevé avec en moyenne ces sept derniers jours 411 morts quotidiens. Le nombre d’infections par SARS-CoV-2 détectées n’a pas connu de franche baisse depuis de nombreuses semaines (autour de 20 000) témoignant d’une circulation active. Cependant, le taux de reproduction ne connaît pas d’envolée et ne dépasse pas aujourd’hui 1,03. Par ailleurs, le taux de positivité demeure également stable, tandis que le nombre de dépistage paraît légèrement à la hausse témoignant d’une conscience toujours aiguë des risques par les Français. Enfin, élément majeur, même si des disparités existent en fonction des régions, la tension hospitalière demeure stable (63,3 % d’occupation par des patients atteints de Covid-19) et à un niveau qui paraît comparable aux hivers précédents, saison qui entraîne toujours des périodes de surchauffe. Ces derniers jours ont même été marqués par une très légère diminution du nombre de patients atteints de Covid à l’hôpital.

L’AP-HP en ordre de bataille
Cette situation épidémique ne semble pas en elle-même pouvoir totalement légitimer les appels à un renforcement drastique des mesures de lutte contre la circulation du SARS-CoV-2, d’autant plus que la longue stabilité épidémiologique n’est pas un un argument en faveur de son inéluctable augmentation. Pourtant, encore une fois, le week-end a été marqué par de nombreuses alertes.

Ainsi, très inquiète l’Assistance publique / hôpitaux de Paris s’est mise en ordre de marche, dévoilant son plan d’action. Au programme dès aujourd’hui, une réorientation de certains lits (l’Hôtel Dieu a fermé ses urgences pour accroître les moyens de l’hôpital Cochin par exemple) et la déprogrammation des interventions à un niveau laissé à la discrétion de chaque établissement (Tenon a ainsi annulé entre 15 et 30 % de ses interventions). Enfin, des premières informations ont commencé à circuler sur la possibilité pour certains de devoir renoncer à leurs congés.

Du sang et des larmes
Pourquoi une telle veillée d’arme alors que 63 % des lits de réanimation sont actuellement occupés par des patients atteints de Covid-19, ce qui est à comparer aux 90 % du début du mois de novembre (au moment du second confinement) et alors que la seconde vague n’a nullement entraîné de saturation dans les hôpitaux franciliens cet automne ? D’abord, les responsables franciliens soulignent que « l’activité hors Covid reste très élevée », comme l’indique le directeur général adjoint de l’AP-HP, François Crémieux. Surtout : la menace des variants inquiète les praticiens. En Ile de France, la proportion de personnes suspectées d’être infectées par le variant dit britannique (20I/501Y.V1) atteint 19,5 % à la fin du mois de janvier (contre 14 % pour l’ensemble du territoire pour les trois variants recherchés). La progression de ces dernières semaines suggère que 20I/501Y.V1 pourrait être majoritaire début mars. Or, la plus grande transmissibilité de ce variant (et son éventuelle plus grande létalité, mais les avis sont loin d’être tranchés sur ce point) ne peut que faire redouter une explosion des admissions en réanimation. Dans ce contexte, la forte incidence des cas détectés dans la région, au-dessus de 230 pour 100 000 habitants, est un élément observé avec inquiétude. « Mon rôle est de mobiliser. Mais je ne peux proposer qu’un discours churchillien sur le sang et les larmes. La situation n’est plus inquiétante mais terrorisante » a énoncé de façon glaçante le directeur médical de crise de l’AP-HP, Bruno Riou.

Des exemples inquiétants
Ce dernier est loin d’être seul à se montrer aussi préoccupé. Ainsi, le professeur Gilbert Deray a multiplié une nouvelle fois les messages d’alerte ce week-end. « Le variant anglais nous oblige à une extrême prudence. Nous sommes sur une ligne de crête » a de son côté mis en garde l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique. Le sentiment d’inquiétude de ces spécialistes s’appuie sur l’analyse de plusieurs exemples étrangers. Ainsi, l’Allemagne a connu durant de nombreuses semaines un plateau stable à un niveau élevé, avant qu’une flambée n’oblige Angela Merkel à prendre des mesures drastiques. Le variant britannique a par ailleurs entraîné des accélérations spectaculaires de l’épidémie en Irlande ou au Portugal. Sur le territoire national, la situation de Mayotte et de la Réunion, qui font face à une incidence record de cas du variant sud-africain est par ailleurs observée avec appréhension.

Attention à l’inversion de la courbe
Mais d’autres voix invitent au pragmatisme. L’urgentiste Patrick Pelloux sur BFMTV remarquait hier que la souche responsable des infections semble aujourd’hui avoir peu (voire pas) d’impact sur les capacités hospitalières : les établissements ne sont pas saturés et l’on parvient de mieux en mieux à prendre en charge les patients. C’est pour lui cette situation qui doit guider les politiques. Cependant, certains font valoir que le calme actuel donne un sentiment de sécurité biaisé. En effet, aujourd’hui, assurent-t-ils, le recul du variant classique serait plus marqué que la progression des nouveaux variants, compensant donc leur impact. Mais quand la hausse des variants ne sera plus amoindrie par la baisse de la souche classique (ayant quasiment disparu), la dynamique pourrait être différente et dramatique. Aussi, plaident-ils pour un confinement immédiat, estimant en outre qu’il aura l’avantage d’être moins long. Cependant, ces analyses ne restent que des projections et un nombre très important d’éléments pourraient les déjouer : température, vacances et autre circonstances. Dès lors faut-il se résoudre à confiner précocement, alors que rien n’assure qu’une fermeture plus prompte serait plus courte, une fois encore en raison de nombreux éléments pouvant influer sur l’épidémie, tandis qu’au-delà le choix de déconfiner est d’abord politique ?

Une surveillance renforcée, surtout des variants sud-africains et brésiliens
Face à ce débat, le gouvernement a pour l’heure toujours choisi de s’en tenir aux mesures actuelles (couvre-feu et fermeture d’un grand nombre d’établissements accueillant du public) mais avec un renforcement très net de la surveillance des variants.

Ainsi, la Direction générale de la santé a émis de nouvelles recommandations. Elle rappelle tout d’abord que désormais tout test positif doit faire l’objet d’un second test de criblage (dans les 36 heures) : cette préconisation concerne également aujourd’hui les tests antigéniques et non plus seulement les RT-PCR. En cas de résultats positifs du test de criblage, le suivi est renforcé : « La priorité demeure l’isolement sans délai des cas et le déclenchement rapide de la recherche de leurs contacts. Il convient de sensibiliser le patient porteur d’une variante d’intérêt au risque de contagiosité accrue et à l’importance d’un respect particulièrement strict de l’isolement et des gestes barrière. Pour rappel, (…) il sera également demandé à l’ensemble des contacts à risque identifiés autour des porteurs de variantes (…) de prévenir eux-mêmes (contact-warning) les personnes avec qui elles ont été en contact à risque depuis leur dernière exposition à risque avec le cas index (contacts de seconde génération) ». Par ailleurs, pour les variants 20H/501Y.V2 (sud-africain) et 20J/501Y.V3 (brésilien), la durée d’isolement est portée à 10 jours, un test de sortie d’isolement doit être systématiquement réalisé et les fermetures des classes des enfants contaminés ou dont les parents seraient contaminés doivent se faire dès le premier cas.

Aurélie Haroche