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JIM - Loi Rist : une version « moins pire » adoptée en commission mixte paritaire

Avril 2023, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 7 avril 2023

La commission mixte paritaire a adopté la loi Rist sur l’accès direct aux paramédicaux dans une version qui devrait rassurer les médecins.

On a beaucoup parlé ces dernières semaines de l’article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021, plafonnant la rémunération des médecins intérimaires, finalement entré en vigueur ce lundi. Mais ce jeudi, c’est une autre loi Rist (du nom de la députée et médecin Stéphanie Rist), tout aussi controversée, qui revient sur le devant de la scène, celle qui prévoit de permettre l’accès direct aux paramédicaux.

Cette proposition, qui préconise de permettre aux patients de consulter une infirmière en pratique avancée (IPA), un orthophoniste ou un kinésithérapeute sans passer par un médecin et qui ouvre également le droit à la primo-prescription aux IPA a été très critiquée par l’ensemble des syndicats de médecins libéraux, qui y voient une atteinte grave aux prérogatives du médecin traitant et une potentielle perte de chance pour les patients. Entre 5 000 et 10 000 praticiens ont ainsi manifesté contre cette réforme le 14 février dernier. En face, le gouvernement, qui soutient le texte, affirme qu’il permettra de palier en partie la pénurie de médecins, notamment dans les déserts médicaux.

L’accès direct exclu dans le cadre des CPTS

La proposition a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 19 janvier puis par le Sénat le 14 février, mais en des termes bien différents. Pour tenter d’apaiser la colère des médecins, les sénateurs avaient en effet adopté une version édulcorée du texte, en encadrant davantage l’accès direct. Restait donc aux députés et aux sénateurs à s’accorder sur un texte commun au sein d’une commission mixte paritaire (CMP). Après des discussions « âpres et longues » selon le Dr Rist, co-rapporteuse de la CMP, députés et sénateurs se sont finalement mis d’accord ce jeudi sur une version finale qui, toujours selon le Dr Rist, « préserve la philosophie initiale de cette proposition de loi dans l’intérêt des patients ».

Mais si le Dr Rist se dit satisfaite, force est de constater que ce sont bien les sénateurs qui ont eu gain de cause au terme des débats et que c’est une loi Rist bien moins ambitieuse qu’au départ qui a finalement été adoptée. Ainsi, comme le prévoyait le texte voté par le Sénat le 14 février, l’accès direct ne sera possible que pour les paramédicaux exerçant dans une maison de santé pluridisciplinaire, un centre de santé ou une équipe de soins primaires ou spécialisés dans le cadre d’un « exercice coordonné » avec un médecin. Le texte adopté par l’Assemblée Nationale permettait lui un accès direct au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), mais ce cadre a été jugé bien trop large par les sénateurs, qui n’ont fait ici que relayer les craintes des syndicats de médecins libéraux. Tout juste les députés ont-ils obtenu que l’accès direct en CPTS soit expérimenté dans six départements.

Un texte de compromis qui ne fait que des déçus
Les sénateurs ont également obtenu que soit supprimée toute référence à « l’engagement territorial » des médecins. La version du Palais Bourbon évoquait en effet « la valorisation de l’engagement territorial des médecins en faveur de l’accès aux soins », une référence claire au fameux contrat d’engagement territorial (CET) que la CNAM proposait alors d’insérer dans la convention médicale. Depuis, les syndicats ont rejeté le projet de convention de la CNAM, notamment en raison de leur désapprobation du CET et les parlementaires membres de la CMP ont donc jugé qu’il n’était pas utile de raviver la colère des praticiens. Co-rapporteuse du texte, la sénatrice Corinne Imbert a rappelé que « la convention médicale permettait d’ores et déjà de rémunérer l’engagement des médecins en faveur de l’accès aux soins ».

Enfin, les parlementaires ont décidé que les kinésithérapeutes ne pourront réaliser que huit séances sans ordonnance d’un médecin (au lieu des dix qui étaient préconisées dans le texte des députés) et qu’ils ne pourront pas prescrire d’activité physique adaptée, encore une fois comme le souhaitaient les sénateurs.

Au final, ce texte de compromis risque fort de ne contenter personne. Certes les médecins pourront se satisfaire de l’encadrement plus strict de l’accès direct, mais les syndicats auraient préféré l’abandon pur et simple de la proposition. A l’inverse, les paramédicaux ne pourront que regretter le manque d’ambitions de la version finale. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 28 février, huit syndicats représentants diverses professions paramédicales (pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, biologistes…) regrettaient déjà que le Sénat ait « vidé la loi de son contenu initial ».

Le texte de la CMP sera soumis au vote définitif du Sénat le 9 mai et de l’Assemblée Nationale le lendemain.

Quentin Haroche