Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Macron, un an après, et les paris perdus (?)

Mars 2021, par Info santé sécu social

Paris, le 17 mars 2021 –

Même si elle n’a pas été exempte de péripéties positives, notamment la mise au point rapide de vaccins efficaces, l’année qui vient de s’écouler a régulièrement confirmé la lucidité de la constatation fataliste « Le pire n’est jamais sûr ». Pourtant, difficile d’imaginer pire anniversaire. Un an jour pour jour après qu’Emmanuel Macron a annoncé dans une allocution solennelle que la France étant « entrée en guerre » contre un virus, une mise à l’arrêt de tout le pays s’imposait, il pourrait s’apprêter à prendre une décision très proche. Hier, il y avait l’excuse de l’inconnue, de l’absence d’armes (même si elle n’était pas avouée), de l’impréparation. Mais aujourd’hui, il n’y a que la fatalité (et peut-être, déplorent beaucoup, un refus d’entendre les appels à une plus grande anticipation).

Faire plus qu’un simple confinement du week-end
Un nouveau Conseil de défense vient donc de s’achever. Les décisions qui seront prises dans son sillage font peu de doute. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal vient d’égrener ce que tous savent déjà. La situation s’est fortement dégradée en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France, imposant inévitablement de nouvelles mesures. Elles seront annoncées demain soir par Jean Castex lors d’une conférence de presse et s’appliqueront dès ce week-end. Le premier Ministre lui-même avait fini par admettre hier que de nouvelles dispositions étaient inévitables en Ile-de-France. Gabriel Attal a une nouvelle fois exhorté les Français à la patience, promis que grâce à la vaccination (et en dépit de la situation particulièrement problématique d’AstraZeneca aujourd’hui) une sortie de crise pouvait être espérée. Mais l’horizon immédiat semble sans nul doute l’extension des confinements pendant le week-end, voire des confinements territoriaux complets (mais probablement avec ouverture des écoles). Pour le professeur Rémi Salomon, président de la Commission médicale d’établissement de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, il est en effet indispensable d’aller au-delà des confinements des samedi et dimanche. « Il faut agir, il faut faire quelque chose pour la semaine aussi, réduire les contacts sept jour sur sept », implore-t-il. Son analyse est confortée par les résultats mitigés de la mesure dans les Alpes-Maritimes et dans la région de Dunkerque, où l’on constate principalement une baisse du taux de positivité dans les dix jours suivant son entrée en vigueur, soit un indicateur dont la pertinence est relativement faible.

Un conseil scientifique en disgrâce… prêt à prendre sa revanche ?
Pour préparer cette nouvelle étape, l’ancien maître des horloges, Emmanuel Macron, qui dans un aveu d’échec qui a été beaucoup commenté a admis lundi que le virus était le véritable « maître du temps » consulte. Hier, il a reçu une délégation du conseil scientifique. On sait que depuis plusieurs semaines, ce dernier subit une forme de disgrâce. Son dernier avis, daté du 11 mars, en dépit de la règle qu’il s’était imposé, n’a pas été publié. Il a néanmoins circulé et a été largement divulgué par la pesse. Les réserves quant au choix du gouvernement de s’accommoder d’un « plateau haut » en ce qui concerne le nombre de contaminations et de personnes hospitalisées sont à peine voilées. « Plus le plateau se prolonge, plus l’approche attentiste sera jugée défavorablement par rapport à une intervention mise en œuvre précocement qui aurait pu faire passer l’épidémie d’un plateau « haut et prolongé » à un plateau « bas et prolongé » », remarquent les auteurs. L’absence de prise en considération des multiples mises en garde quant au rôle joué par les variants est également reprochée par beaucoup de spécialistes à Emmanuel Macron, même si les explosions redoutées pour la deuxième partie du mois de février n’ont pas eu lieu. Néanmoins, le Président de la République pourrait trouver un point d’accord avec ses « conseillers » sur la nécessité de continuer à privilégier des mesures localisées.

Manque d’anticipation
Emmanuel Macron s’est également entretenu avec des réanimateurs. Le bilan dressé est très sombre, notamment en Ile-de-France. « Il y a autant de malades en réanimation aujourd’hui qu’il y en avait au pic de la deuxième vague », résume le patron de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP) Martin Hirsch. Les projections estiment qu’entre « 1 700 et 2 100 » patients sont attendus à la fin mars et jusqu’à 2 800 au 6 avril. Si ces prévisions pourraient être (comme bien d’autres auparavant) démenties, la tension actuelle est déjà maximale, puisque plus de 100 % des lits habituels en réanimation sont désormais occupés par des patients atteints de Covid. Face à cette situation, les marges de manœuvre sont très réduites. Les évacuations n’ont qu’une portée très faible, d’autant plus que les volumes optimistes annoncées à de la fin de la semaine dernière (des dizaines, voire des « centaines » de transferts !) ont dû être revus à la baisse, faute d’un nombre suffisant de patients transportables et de familles donnant leur accord (malgré la promesse de Martin Hirsch d’hébergements gratuits). Les déprogrammations se font elles aussi de façon timide : l’ARS avait donné pour mot d’ordre une annulation de 40 % des interventions non urgentes, mais le taux ne dépasse pas 30 % en Ile-de-France. Les appels aux renforts venus d’ailleurs sont eux aussi des espoirs vains. D’une part de nombreuses autres régions connaissent des situations de tension. D’autre part, les réservistes sont aujourd’hui de moins en moins facilement mobilisables. Comme une forme de lassitude après la grande bataille. La piste enfin d’un hôpital de campagne pourrait être trop tardive par rapport au niveau d’occupation actuel. Encore et toujours le manque d’anticipation apparaît comme la faute originelle du gouvernement.

La méthode Coué pour stratégie
Concernant enfin la vaccination, dans laquelle le Président de la République a beaucoup cru, la suspension dramatique du vaccin d’AstraZeneca conduit inévitablement à reconsidérer les objectifs, même si les livraisons de Pfizer/BioNTech et Moderna se poursuivent et que d’ici un mois les premières doses de Johnson & Johnson sont espérées. Gabriel Attal a beau jeu d’espérer que la vaccination pourra reprendre dans un climat de « sérénité renforcée », difficile de ne pas croire que la campagne ne sera pas durablement plombée par l’incident.

De l’audace à l’entêtement
A la veille d’une probable nouvelle épreuve, d’un nouveau confinement même partiel (mais avec un impact majeur, l’Ile de France étant le poumon économique du pays), faut-il considérer que le pari fait par Emmanuel Macron fin janvier de ne pas imposer de nouveau confinement alors que beaucoup l’y incitaient fut un mauvais pari ? D’abord, l’exemple de l’Allemagne qui sort douloureusement de plusieurs semaines de confinement et qui connait une nouvelle hausse de l’incidence pourrait le conforter dans l’idée qu’une fermeture complète n’aurait pas nécessairement permis d’éviter la troisième vague. Elle aurait cependant permis de l’affronter avec un niveau de tension hospitalière plus modéré. Mais il n’est pas impossible que d’autres mesures auraient pu également y contribuer : mais sur ce point on ne peut que déplorer le quasi immobilisme des pouvoirs publics pour répondre à l’enjeu majeur de nos capacités hospitalières trop limitées. Tout se passe comme-ci qu’il s’agisse de nos hôpitaux ou de la campagne vaccinale, le Président de la République ne s’était pas donné les moyens de son ambition. A cet égard si le premier mouvement fin janvier pouvait être considéré comme de l’audace, le refus de confinement de l’Ile-de France il y a une dizaine de jours pourrait être perçu comme de l’entêtement.

Mais Emmanuel Macron pourrait opposer aux journées sans confinement, considérées comme des journées perdues par de nombreux spécialistes, la pseudo liberté laissée aux Français et une activité économique moins pénalisée, tandis qu’il ne peut être objectivement considéré qu’un confinement aurait permis d’éviter toutes les vies perdues (mais uniquement une partie difficile à évaluer). Néanmoins, dans un pays sous couvre-feu où un grand nombre d’activités sont suspendues, la balance apparaît mitigée, voire défavorable. Surtout, le chef de l’État continuera sans doute à s’enorgueillir du fait que notre pays soit celui où les écoles ont connu le plus petit nombre de jours de fermeture. Sur ce point au moins, il est probable que le chef de l’État ne modifie pas sa position, confortée par l’avis d’un nombre croissant de spécialistes considérant, depuis l’exemple de novembre, qu’un confinement aménagé peut être suffisant pour retrouver un certain contrôle de l’épidémie.

Politiquement, c’est peut-être la dernière carte encore à jouer pour le maitre de l’Elysée.

Aurélie Haroche