Politique santé sécu social de l’exécutif

JIM - “No dead challenge” : au moins 31 morts inattendues aux urgences en décembre

Janvier 2023, par Info santé sécu social

Mulhouse, le mercredi 4 janvier 2022

Le syndicat Samu-Urgences de France a recensé au moins 31 décès inattendus survenus dans des services d’urgences en décembre en raison d’un manque de lits et de personnel pour le syndicat.

En 2018, Samu-Urgences de France, alors dirigé par le Dr François Braun, lançait le “no bed challenge” pour dénombrer le nombre de patients contraints de passer la nuit sur des brancards aux urgences. Quatre ans plus tard et alors que le Dr Braun, devenu ministre, a été remplacé par le Dr Marc Noizet, chef du service à l’hôpital de Mulhouse, le syndicat d’urgentistes a démarré début décembre le “no dead challenge”. Cette fois, il s’agit de recenser le nombre de décès inattendus survenus aux urgences, signe que la gravité de la crise de l’hôpital public s’est fortement accentuée en quatre ans.

Les services d’urgences sont ainsi invités à faire remonter au syndicat tous les cas de “patient retrouvé décédé aux urgences alors qu’il était en attente de soins ou d’hospitalisation et sans que le décès soit prévisible, décès constaté consécutif à une attente prolongée et faute d’une surveillance rapprochée ou de soins appropriés et patient décédé en préhospitalier sans qu’un SMUR n’ait pu être engagé”. En décembre, le syndicat a ainsi recensé 31 morts inattendues et un 32ème décès est survenu le 1er janvier. Sachant que seule quelques dizaines de services ont répondu à l’appel du syndicat et que “beaucoup de services sous-déclarent ce type d’accidents”, le Dr Noizet estime que “si on extrapole à la France entière, le nombre de décès inattendus aux urgences sur la période est sans doute supérieur à 160, c’est énorme”.

Morte sur un brancard après huit heures d’attente
20 % de ces décès sont dus à l’impossibilité de mobiliser une ambulance dans les temps, tandis que 80 % ont lieu dans les murs du service, en raison d’un défaut de surveillance. “J’ai en tête le cas d’une vieille dame arrivée aux urgences après une chute sans gravité apparente qui a succombé sur un brancard après huit heures d’attente dans un couloir” illustre le président de Samu-Urgences de France. “La dégradation des conditions d’exercice aux urgences est telle qu’il y a désormais une vraie mise en danger des patients”.

Si on parle beaucoup ces derniers temps de la triple épidémie (bronchiolite, grippe, Covid-19) et de la grève des médecins libéraux pour justifier les difficultés rencontrées par les hôpitaux, l’urgentiste estime qu’il s’agit avant tout des conséquences d’une crise profonde liée au manque de personnel et de lits. “En décembre, les passages aux urgences n’ont pas flambé, on enregistre une hausse d’environ 10 %, en revanche, les lits d’aval ont fondu, du coup les patients s’entassent aux urgences en attendant qu’il y ait en un qui se libère” explique le chef de service.

La situation extrêmement difficile rencontrée par l’hôpital public est notamment illustrée par l’état désastreux des urgences de l’hôpital Bel-Air de Thionville. Depuis quelques semaines, le service n’arrive plus à faire face à l’afflux de patients. Ce vendredi et samedi, 55 des 59 infirmiers et aides-soignants travaillant dans le service se sont mis en arrêt maladie, arrêts signés par les médecins urgentistes, tout à la fois en raison de leur épuisement et pour protester contre leurs conditions de travail intenables. Tous décrivent un service saturé et des délais d’attente insupportables pour les patients, avec notamment une personne âgée de 90 ans qui a dû attendre sur un brancard pendant 88 heures avant d’être prise en charge.

Presque tous les infirmiers et aides-soignants de Thionville en arrêt maladie
Ces arrêts maladie en cascade ont contraint l’hôpital à déclencher le plan blanc, ce qui facilite les déprogrammations et le rappel de personnels. Le service fonctionne en mode dégradé (euphémisme) : seules les urgences vitales sont prises en charge et les patients sont susceptibles d’être renvoyés vers d’autres hôpitaux de la région. Les habitants sont fortement incités à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences.

Pour renforcer les équipes, la direction du centre hospitalier régional (CHR) Metz-Thionville et l’Agence régionale de Santé (ARS) du Grand Est ont promis d’engager le plus rapidement possible six infirmiers et aides-soignants. Mais l’hôpital subit malheureusement la concurrence frontalière du Luxembourg, où les salaires des soignants sont bien plus élevés. La situation devrait cependant s’améliorer avec la fin des arrêts maladie jeudi et vendredi et surtout les retours des vacances dans les autres services, qui devraient permettre de dégager des lits d’aval.

Ce vendredi, Emmanuel Macron se rendra à l’hôpital de Corbeil-Essonnes, victime d’une cyberattaque en août dernier, pour présenter ses vœux aux professionnels de santé et évoquer la crise que traverse l’hôpital public. Mais le Dr Noizet n’attend plus grand-chose des autorités. “Macron va sans doute se contenter de faire de la communication positive, ce n’est pas inutile mais vu de la gravité de la situation, c’est hors sol” commente-t-il amèrement.

Quentin Haroche