Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Plainte devant l’Ordre de la Société de pathologie infectieuse de langue française contre le Pr Raoult

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 3 septembre 2020

Fin de partie ? Depuis le début de l’épidémie de Covid-19 et les interventions médiatiques et très commentées du professeur Raoult, de nombreux praticiens n’ont pas caché leur irritation vis-à-vis de ses prises de position. Les affrontements par réseaux sociaux ou interviews télévisées interposés ont été nombreux. Pourtant, à la différence de la situation concernant le professeur Christian Perronne, aucune sollicitation officielle du Conseil de l’Ordre n’avait encore été révélée.

Se garder de proposer un remède ou un procédé illusoire
Cependant, le Figaro vient de révéler que la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) avait porté plainte contre le professeur Raoult devant le conseil départemental de l’Ordre des Bouches-du-Rhône au mois de juillet. L’argumentaire présenté par la SPILF et commenté par Le Figaro énumère différentes infractions à neuf articles du code de déontologie médicale. Le principal grief de l’institution vise la présentation par Didier Raoult (bien qu’il s’en soit parfois défendu) de l’hydroxychloroquine comme un traitement efficace de la Covid-19, alors que la très grande majorité des travaux publiés sur le sujet infirment cette appréciation. Or, l’article R.4127-39 du Code de santé publique rappelle que « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ».

Manque de prudence et de confraternité
Outre l’utilisation et la promotion de l’hydroxychloroquine, la SPILF attire l’attention de l’Ordre sur ses différentes déclarations concernant la gravité et l’évolution de l’épidémie. Si le professeur Raoult s’est récemment défendu en rappelant l’importance pour les patients et le public de demeurer « optimiste », la SPILF rappelle cependant l’obligation de réserve qui s’impose aux médecins. L’article R.4127-13 du Code de santé publique détaille en effet : « Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public ». Or, en proclamant ponctuellement l’épidémie terminée, Didier Raoult pourrait avoir favorisé une certaine confusion, voire « contribué à nuire au message de prévention et de santé publique et donc à la protection de la population ». Enfin, la SPILF suggère que Didier Raoult pourrait avoir manqué à ses devoirs de confraternité en comparant régulièrement les chiffres marseillais et parisiens et en suggérant clairement que les établissements hospitaliers parisiens n’auraient pas assuré une prise en charge optimale des patients. « On n’a pas soigné les gens (…) c’est un choix qui a été fait », a-t-il ainsi déclaré fin juin sur BFMTV à propos de la prise en charge des malades en Ile de France.

Défendre la méthode scientifique
L’analyse de la situation par le conseil de l’Ordre sera particulièrement délicate. En effet, les déclarations du professeur Raoult ont été très nombreuses, et parfois contradictoires, ce qui pourrait rendre complexe l’appréciation de leur portée véritable. Cependant, l’action de la SPILF est probablement également animée par une volonté d’affichage, afin d’affirmer de façon claire et définitive le rejet de la démarche du professeur Raoult. Il s’agit notamment de dénoncer les doutes instillés contre la méthode scientifique par l’approche du professeur Raoult, doutes particulièrement dommageables alors que la défiance contre la science est à l’origine de nombreux comportements dangereux, tel le rejet de la vaccination. Début juin, dans une tribune publiée par le Monde, les responsables de la SPILF avaient déjà voulu signaler leur désaccord profond avec la façon dont l’équipe de Marseille semblait s’affranchir des règles scientifiques élémentaires. Lors de la crise sanitaire liée au Covid-19, certains veulent faire croire que l’intuition ou le « bon sens » médical seraient suffisants pour décider de l’efficacité et de la sécurité d’un traitement. Ils déclarent être les tenants d’une « éthique du traitement » qui serait opposée à une « éthique de la recherche ». Surfant sur la vague de la désinformation et persuadés de l’adhésion de la population, ils proposent même des « sondages » pour appuyer leurs hypothèses médicales, comme si la décision médicale pouvait être un quiz géant auquel n’importe qui pourrait participer » écrivaient-ils en introduction évoquant, bien que sans le citer, des déclarations du professeur Raoult. Parallèlement, la SPILF a également manifesté une ferme solidarité vis-à-vis des médecins ayant dû affronter les injures des défenseurs les plus zélés du professeur Raoult. Un praticien ayant publiquement menacé le professeur Lacombe en raison de son affirmation de l’inefficacité de l’hydroxychloroquine a ainsi été exclu de toutes les conférences de la Société de pathologie infectieuse de langue française.

Mais une telle action devant l’Ordre pourrait se révéler vaine (voir contre productive) tant les attaques sont nombreuses, comme en témoignent, par exemple, les commentaires toujours acerbes suscités dans nos colonnes par toute évocation du professeur Raoult et de son fameux protocole. Une réaction vive du Pr Raoult ne saurait tarder.

Soulignons que parallèlement à cette plainte déposée auprès de l’Ordre, une enquête est actuellement en cours concernant de possibles manquements à la réglementation sur les recherches incluant des personnes.

Aurélie Haroche