Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Port du masque à l’école primaire : un débat loin d’être élémentaire…

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 31 août 2020

Les cartables sont presque prêts, mais tous les parents le savent ce n’est qu’au fil des jours que la liste complète des fournitures nécessaires sera précisée. Si chaque année a en la matière ses surprises, cette rentrée comporte une inconnue inédite : le masque fera-t-il partie de l’arsenal du parfait écolier ? A partir du collège, la question a été tranchée : les adolescents ne pourront pas étudier sans leur équipement de protection. Mais à l’école primaire, seuls les adultes devront s’en munir. Pourtant, depuis quarante-huit heures les voix se multiplient pour défendre le port du masque dès le CP (et des voix plus rares suggèrent que les enfants de maternelle pourraient être concernés).

Un protocole insuffisant
Certains pays ont en effet fait ce choix, notamment l’Espagne et l’Italie, ainsi que certains Länder allemands, tandis qu’en Corée du Sud les élèves sont masqués dès trois ans. L’objectif est d’utiliser l’ensemble des outils de protection disponibles pour éviter la constitution de clusters et la fermeture de classes, voire d’écoles.

C’est dans cette optique qu’un collectif d’une vingtaine de médecins, dont le professeur Karine Lacombe, ont présenté ce samedi dans Le Parisien des propositions pour sécuriser la rentrée face à la circulation du SARS-CoV-2. Ces praticiens jugent que le protocole établi par l’Éducation nationale sera insuffisant à prévenir la propagation du virus : « Le protocole prévu pour la rentrée du 1er septembre ne protège ni les personnels ni les élèves et leurs familles, et est insuffisant pour ralentir l’augmentation actuelle du nombre de nouveaux cas de Covid-19 » affirment-ils.

Port du masque obligatoire dès six ans et adaptation du protocole selon les territoires
Aussi, préconisent-ils en premier lieu d’imposer le port du masque à tous les enfants dès l’école primaire. Conscients du coût que représenterait pour les familles une telle mesure, ils invitent l’État à fournir les protections nécessaires aux plus jeunes. Le collectif de médecins juge par ailleurs que les préconisations concernant l’aération des pièces doivent être renforcées et contrôlées grâce à des appareils de mesure de la qualité de l’air. Ils estiment enfin que dans les zones de circulation active du virus, devraient être déployés des protocoles adaptés reposant sur un allégement des effectifs ou une limitation des contacts entre les classes.

Un collectif influent et un gouvernement attentif
Si ces deux dernières préconisations, qui ne sont pas sans soulever des difficultés pratiques (et qui posent une nouvelle fois l’épineuse question en France de la différenciation territoriale) n’ont pour l’heure guère été commentées, celle du masque obligatoire dès six ans alimente la controverse. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a rappelé hier que le protocole s’inspirait des recommandations de la Société française de pédiatrie qui a toujours conseillé de réserver le port du masque aux enfants à partir de 11 ans. Cependant, on se souvient que ce groupe de médecins signataires de cette tribune a tout au long de l’été reçu une écoute très attentive du gouvernement : leurs préconisations concernant la généralisation de l’obligation du port du masque dans les lieux clos, puis en entreprise ont en effet été rapidement entendues. Il n’est pas impossible que leur nouvelle recommandation connaisse une pareille destinée : le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a en effet indiqué ce matin que des évolutions étaient possibles, concernant notamment les enfants de CM1 et de CM2.

Controverses chroniques sur le rôle des enfants dans la transmission de la Covid
Cependant, là où les préconisations concernant le port d’équipement de protection par les adultes en lieux clos faisaient quasiment consensus, celles concernant les enfants sont davantage controversées. Ainsi, constate-t-on que la tonalité des auteurs de la tribune tranche significativement avec l’approche de la Société française de pédiatrie. Cette dernière a multiplié ces dernières semaines les communiqués pour exhorter les pouvoirs publics à organiser une rentrée la plus normale possible, en rappelant que les enfants ne devaient pas être considérés comme des « problèmes ». Ainsi quand les médecins appelant au port du masque dès 6 ans écrivent : « Les enfants de moins de 11 ans sont aussi contaminants que les adolescents ou les adultes, comme l’ont rappelé les virologues allemands ou l’Académie américaine de pédiatrie », la Société française de pédiatrie est bien plus nuancée, invitant à relativiser clairement la pertinence du port du masque dès l’école primaire : « Nos connaissances sur ce virus ont beaucoup progressé, même s’il persiste des incertitudes. Il y a aujourd’hui consensus sur le fait que les enfants, et en particulier ceux de moins de 10 ans, ne contribuent pas significativement à la transmission de COVID19. Les transmissions entre enfants, ou d’enfants à adultes, sont très peu fréquentes. C’est l’adulte qui représente le transmetteur le plus fréquent de cette infection. Il est par ailleurs très probable que l’enfant exposé à un cas contaminant s’infecte moins qu’un adulte : les différentes enquêtes rapportées montrent un taux d’infection très inférieur chez les enfants, comparativement à celui observé chez les adultes. Enfin, il faut rappeler que même lorsqu’ils s’infectent, les enfants sont souvent asymptomatiques ». Dès lors, la SFP ne milite nullement pour le port du masque obligatoire dès six ans et invite même à une politique raisonnée en cas de détection d’un cas dans une classe. Elle encourage ainsi les responsables publics à « bien cibler les indications d’exclusions transitoires des enfants infectés, et plus encore les éventuelles fermetures de classe, pour limiter les ruptures de suivi scolaire ».

D’une manière générale, quand les auteurs de l’appel publié par le Parisien jugent que la France devrait s’inspirer d’exemples étrangers en envisageant davantage d’enseignements à distance, la Société française de pédiatrie reste guidée par l’intérêt de l’enfant : « Il est urgent de rappeler combien les bénéfices éducatifs et sociaux apportés par l’école sont très supérieurs aux risques d’une éventuelle contamination COVID19 de l’enfant en milieu scolaire ». Une fois encore ce sera au pouvoir politique de réaliser le très délicat arbitrage entre préservation de la vie sociale et éducative et prévention sanitaire en s’appuyant sur des éléments de preuve solides.

Aurélie Haroche