Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Pr Caumes : le vaccin Pfizer/Biontech avant tout indiqué chez les plus à risque de formes graves

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Publié le 16/12/2020

Alors que la Grande-Bretagne entame sa deuxième semaine de vaccination contre la Covid-19 grâce au vaccin de Pfizer/Biontech et alors que les premières injections ont été administrées hier aux Etats-Unis et au Canada, en France, l’heure est à la préparation et aux interrogations. Ces dernières sont notamment liées au recul limité dont on dispose concernant le vaccin Pfizer/Biontech qui devrait pendant quelques temps être le seul autorisé en Europe. Sur ce point et alors que ses déclarations la semaine dernière ont parfois suscité de la circonspection, le Pr Eric Caumes, Chef de service de pathologie infectieuse à la Pitié-Salpêtrière (Paris), complète ses analyses à la lueur des données qui ont été publiées le 10 décembre.

JIM.fr : Après la lecture de l’étude publiée dans le New-England Journal of Medecine (NEJM), quel est désormais votre sentiment concernant le vaccin Pfizer/Biontech ? Le recommanderiez-vous à toute la population (quel que soit le niveau de risque de formes graves de Covid) ?

Professeur Eric Caumes : La sortie de l’article du NEJM le jeudi 10 décembre était très attendue. De fait, jusqu’au mardi 8 décembre, date de sortie du rapport de la FDA, nous n’avions à notre disposition que les communiqués de presse du laboratoire pharmaceutique. Et je ne pense pas que l’on pouvait se fier à ceux-ci pour donner un avis éclairé. Ce vaccin est très efficace (95 % après la 2ème dose au 21eme jour) mais on ne sait pas pour combien de temps. Les effets indésirables n’ont rien de nouveau pour un vaccin (céphalées, fatigue, frissons, fièvre, douleurs musculaires, et articulaires) mais leur fréquence (avec environ 50 % de céphalées et de fatigue après la 2eme dose) est élevée. Les auteurs le reconnaissent dans la discussion de leurs résultats quand ils commentent le chiffre de 4 % pour les formes sévères d’asthénie. La durée de ces effets indésirables est de 24h à 48h. Environ 20 % des vaccinés ont pris un antalgique et/ou un antipyrétique après la 1ere injection et environ 40 % après la 2eme injection. Il faudra voir si ces chiffres se confirment car ils représentent un frein à la vaccination élargie d’autant que les effets indésirables sont plus fréquents chez les moins de 55 ans. Ce vaccin devrait avant tout être indiqué chez les personnes les plus à risque de contracter la maladie (personnel soignant, travailleurs clés, résidents en institutions) et des formes graves de Covid (personnes âgées, patients avec co-morbidités).

JIM.fr : Regrettez-vous que le vaccin produit par Sinopharm ne soit pas l’objet d’un examen par la FDA ou l’EMA ?

Pr Eric Caumes  : J’ai eu accès aux résultats préliminaires du vaccin chinois de Sinopharm. Il a l’air très efficace et bien toléré. Mais à mon sens cela relève plus du communiqué de presse que d’un résultat scientifique. Il faut donc attendre, là encore, les études publiées, pour donner un avis éclairé. Il s’agit d’un vaccin classique avec un virus inactivé. Ce vaccin devrait à mes yeux faire l’objet d’un examen par les agences du médicament au même titre que les vaccins anglais ou américains. Il n’y aucune raison, à mon sens, de douter du savoir-faire chinois en la matière surtout quand on voit la maitrise dont ils ont fait preuve dans la gestion de l’épidémie. Mais ils n’obéissent peut-être pas aux normes de fabrication européennes ou nord-américaines, je ne sais pas. Mais je sais qu’il va être distribué par les chinois dans le monde entier et cela a déjà commencé.

JIM.fr : Regrettez-vous l’emballement sur les réseaux sociaux après certaines de vos déclarations de la semaine dernière, peut-être mal interprétées, concernant la vaccination Covid par le vaccin Pfizer/Biontech ?

Pr Eric Caumes  : Je ne peux pas juger, je ne vais jamais sur les réseaux sociaux. Et j’ai déconseillé à mes enfants d’y aller depuis plusieurs années, depuis les attaques dont j’ai été l’objet avec mes prises de position sur la maladie de Lyme. Je ne sais donc pas si mes propos ont été mal interprétés ou pas. S’il y a eu emballement, je le regrette évidemment. Mais je n’ai entendu aucun collègue sérieux contredire mon propos du 8/12 au matin sur France Inter c’est à dire le fait que l’on ne pouvait pas exprimer un avis éclairé sur un produit pharmaceutique, quel qu’il soit, en se basant sur les seuls communiqués de presse du laboratoire correspondant. Notre boussole doit rester la science c’est à dire les publications scientifiques. Or le rapport de l’agence américaine du médicament est sorti l’après-midi du 8/12, et l’article du NEJM deux jours plus tard. Certains ont peut-être pris un malin plaisir à inverser le temps. Si c’est bien le cas cela ne fait que renforcer mon inappétence pour les réseaux sociaux.