Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Quelles règles de responsabilité pour la campagne de vaccination contre la Covid-19 ?

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Journal International de Médecine -
Paris le samedi 5 septembre 2020

Partout dans le monde, la course au vaccin contre la Covid-19 s’intensifie. Le 11 août, c’est la Russie qui frappait un grand coup en annonçant triomphalement la production du premier lot du vaccin « Spoutnik-V ». Le 3 septembre, le CDC et l’administration Trump ont annoncé vouloir rendre « opérationnels d’ici le 1er novembre » (soit quelques jours avant le début du scrutin présidentiel) la distribution d’un futur vaccin à une partie de la population.

En Europe, les annonces venues des deux grandes puissances sont accueillies avec scepticisme. En effet, beaucoup doutent de la capacité des russes et des américains à respecter les protocoles de mise sur le marché habituels. Mais il reste que pour permettre une reprise économique durable, le vieux continent devra nécessairement envisager le plus rapidement possible une campagne de vaccination à grande échelle (si toutefois bien sûr l’épidémie persistait et si un traitement efficace n’était pas mis au point).

Lobbying
Or, l’accélération du tempo n’est pas sans risque. Déjà en 2009, la campagne de vaccination à grande échelle contre la grippe H1N1 avait conduit à un certain nombre d’accidents vaccinaux (notamment des cas de narcolepsie). C’est la raison pour laquelle l’industrie pharmaceutique européenne souhaite ménager sa responsabilité dans l’hypothèse de l’apparition d’effets secondaires graves.

Dans un article publié le 26 août dernier, le Financial Times révélait les efforts de lobbying menés pour protéger les laboratoires de poursuites face au risque jugé « inévitable » d’accidents vaccinaux.

Vaccines Europe, une division de la Fédération Européenne des Associations de l’Industrie Pharmaceutique souhaite l’élaboration d’un « système complet d’indemnisation sans faute et une exemption de responsabilité civile ».
Pour l’heure, pas de modification de la responsabilité des produits défectueux
A ce stade, la Commission Européenne l’affirme : aucune modification de la directive sur la responsabilité des produits défectueux n’est envisagée pour introduire une exonération de responsabilité en faveur des laboratoires pharmaceutique commercialisant des vaccins anti-Covid-19.

Conformément à la règlementation sur les produits défectueux, le producteur d’un vaccin doit être considéré comme responsable de la défectuosité des produits mis en circulation (art. 1386-1 du Code Civil). En outre, la responsabilité du fournisseur est susceptible d’être engagée « dans les mêmes conditions que le producteur » s’il refuse de désigner le nom du producteur ou de son propre fournisseur. Une disposition protectrice de l’intérêt des victimes.

Vers une indemnisation des laboratoires ?
En revanche, l’Union Européenne veut mettre en place un volet financier pour compenser le risque légal qui pèse sur les laboratoires. Le Figaro a notamment rapporté que les autorités européennes envisagent l’indemnisation du fabricant si ce dernier venait à être mis en cause à raison de la défectuosité de ses produits. La Commission Européenne confirme que les accords d’achat anticipé contiennent des clauses contractuelles prévoyant « une indemnisation du fabricant pour certaines responsabilités encourues ».

Un mécanisme qui permettra l’indemnisation des victimes en cas de litige tout en préservant les laboratoires pharmaceutiques invités (vigoureusement) à accélérer le processus de fabrication des vaccins.

Vaccination obligatoire ou non obligatoire ?
Voilà pour l’échelon européen. Mais en France, le régime d’indemnisation des accidents vaccinaux dépendra également d’un autre critère essentiel : la vaccination sera-t-elle ou non obligatoire ?

En effet, si la vaccination devait être rendue obligatoire, l’article L.3111-9 est catégorique : en cas d’accident directement provoqué par une telle vaccination, la victime a la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat, sans qu’elle ait besoin de démontrer l’existence d’une faute. La réparation des accidents liés à une vaccination obligatoire est alors assurée par l’intermédiaire de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes (ONIAM).

De riches contentieux en perspective…

Charles Haroche