Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Top départ de la vaccination des adolescents dans un climat de doute éthique

Juin 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 15 juin 2021

Selon des informations données par Doctolib ce matin, 40 000 adolescents de 12 à 17 ans devraient être vaccinés contre la Covid dans les 24 prochaines heures.

Au total, 62 000 personnes de moins de 18 ans ont pris rendez-vous lundi, ce qui représente un quart des créneaux réservés hier. Alors que ces derniers jours ont été marqués par un certain ralentissement quant à la prise de rendez-vous (qui pourrait être en partie lié au fait que les créneaux pour les premières injections sont moins nombreux), la preuve semble être faite que l’ouverture de la vaccination aux plus jeunes pourrait redynamiser la campagne. D’ailleurs, dès la semaine dernière, certains centres de vaccination ont vu arriver des parents accompagnés de leurs enfants adolescents. Dans la plupart des cas, les impatients ont été priés de revenir cette semaine, mais d’autres centres ont accepté d’anticiper de quelques heures ou jour le lancement officiel.

Consentement éclairé

Parallèlement à cet engouement apparent, du côté des praticiens, la prudence est de mise. L’avis mitigé du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) n’a fait que conforter ceux qui nourrissaient si non des doutes en tout cas des réserves quand il a sans doute peut-être incité d’autres à réévaluer leur adhésion. Epinglé pour n’avoir pas su attendre la position des sages, le gouvernement affirme avoir su tenir compte des remarques du CCNE et les avoir traduites par un cadre assez contraint de recueil du consentement. Ainsi, une autorisation parentale devra être signée, soit dans l’idéal par les deux parents, soit par un des deux qui devra attester sur l’honneur de l’accord de l’autre. Cette condition est cependant levée en ce qui concerne les adolescents présentant des facteurs de risque de forme grave de Covid. Concernant les adolescents, le recueil de leur consentement se fera par oral. La Direction générale de la Santé précise : « Les mineurs de 12 ans et plus devront recevoir, lors de l’entretien préparatoire à la vaccination, une information claire et adaptée à leur âge sur les incertitudes liées à la maladie, sur le vaccin lui-même et à propos de son efficacité à moyen et long terme, ainsi que sur les moyens complémentaires de prévenir la maladie (notamment le respect impératif des gestes barrières). L’administration du vaccin sera alors conditionnée au consentement libre et éclairé du mineur concerné ». Au-delà de ces quelques lignes, la présidente de la Société française de pédiatrie, le Pr Christèle Gras-Le Guen indique que l’information aura pour objectif d’éviter le plus possible que l’acceptation de la vaccination repose sur un sentiment de culpabilité des adolescents : « Je dirai : Pourquoi veux-tu te faire vacciner ? Parce que cela te rassure, te déculpabilise à l’idée de contaminer les plus fragiles, te fait du bien à toi ? Si oui, fais-le, la prise de risque est mineure. Mais si c’est par obligation, pour faire plaisir aux parents ou parce que tu as l’impression d’assumer les failles des adultes, alors ne le fais pas » indique-t-elle. D’une manière générale, Christèle Gras-Le Guen, sur la même ligne que le CCNE est relativement « agacée » de constater qu’une fois encore on s’apprête à faire peser la responsabilité de l’immunité collective (après celle de la circulation du virus) sur les plus jeunes.

Passer outre le consentement des parents ?
Certains se sont interrogés sur la pertinence du recueil d’un tel consentement, alors qu’un grand nombre de vaccins sont injectés dans l’enfance et l’adolescence sans qu’une telle démarche soit entreprise. C’est cependant la très grande supériorité du bénéfice collectif de cette vaccination par rapport au bénéfice individuel, le faible recul sur l’efficacité à long terme des vaccins et le contexte très particulier (où la vaccination des adolescents intervient pour partie pour pallier la difficile obtention de l’immunité collective grâce à la seule vaccination volontaire des adultes) qui expliquent cette procédure particulière. Interrogée sur ce point, le Pr Christèle Gras-Le Guen estime : « En 2021, il est impensable de vacciner contre le Covid un enfant qui ne le souhaite pas, quand bien même ses parents le voudraient. La discussion doit avoir lieu avec les parents et l’ado » et quand les journalistes du Parisien font remarquer : « On le fait pour d’autres vaccins, comme la rubéole qui est bénigne sauf pendant la grossesse », elle répond : « La comparaison est bonne à ceci près que lorsqu’on vaccine des jeunes filles ou garçons, c’est aussi pour protéger leur futur enfant à naître ». A contrario, on pourrait se demander quelle position adopter face à un adolescent qui souhaiterait se faire vacciner sans le consentement de ses parents. La question se pose en ce qui concerne la vaccination contre les infections HPV et n’est pas parfaitement tranchée. L’article L. 1111-5-1 du Code de santé publique modifié par un amendement du 13 mars 2015 voté dans le cadre de l’examen du projet de loi de santé prévoit en effet que « Par dérogation à l’article 371-1 du Code civil, un infirmier, sous la responsabilité d’un médecin, peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque la prévention, le dépistage, le traitement s’impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale… ». Se fondant sur ce texte et sur l’exposé sommaire présentant cet amendement qui souligne qu’il concerne également la vaccination, certains considèrent que la vaccination contre le HPV est possible sans le consentement des parents, parce qu’interviennent notamment des considérations sur son droit à préserver le secret sur sa vie privée et sur son orientation sexuelle.

Cependant, d’aucuns estiment que cette interprétation pourrait être contestée. En tout état de cause, vis-à-vis du vaccin contre la Covid, il semble que le caractère particulier de cette vaccination (recul faible sur le vaccin,...) dissuadera très probablement la très grande majorité des vaccinateurs d’envisager la possibilité d’une immunisation sans l’approbation des parents.

Des recommandations différentes entre les CDC et la DGS
Quelle sera l’attitude de ces derniers, au-delà des dizaine de milliers de familles qui, certaines de leur choix, ont décidé dès aujourd’hui de profiter des créneaux disponibles ? Les pédiatres et les médecins généralistes remarquent que le dialogue entre les praticiens et les familles sera sans doute décisif.

« Plusieurs fois, après avoir argumenté, cela s’est terminé en Ok, on fera vacciner notre enfant, si c’est vous qui le faîtes. Sauf, que cela ne peut se passer qu’en centre de vaccination ! Clairement, cette donnée va faire rétropédaler beaucoup d’hésitants », regrette ainsi Margot Bayart, présidente de MG France, citée par le Parisien. Cependant, dans le cadre d’une vaccination au cabinet du pédiatre, ce dernier n’aurait pas la possibilité de « profiter » d’une vaccination "classique" de rappel pour évoquer celle contre la Covid. Pour l’heure en effet, la co-vaccination est impossible. La France n’a en effet pas encore adopté de disposition semblable aux CDC américains qui, notamment pour les adolescents, permettent désormais la co-vaccination. De la même manière, la vaccination des adolescents ayant développé un syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS) après une infection par SARS-CoV-2 (491 cas en France) est contre-indiquée par la DGS, alors que les CDC recommandent qu’après une information éclairée, le choix soit laissé aux familles et aux adolescents.

Aux Etats-Unis, 3,6 millions d’adolescents âgés de 12 à 15 ans ont reçu au moins une injection. Le recul dont on dispose confirme un excellent profil de tolérance, même si sept cas de myocardites chez des adolescents après vaccination par le produit de Pfizer/BioNtech viennent d’être décrits dans Pediatrics.

Aurélie Haroche