Politique santé sécu social de l’exécutif

JIM - Un énième couac prive les libéraux de vaccins Covid la semaine prochaine !

Mars 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 8 mars 2021

La réalité ressemble si régulièrement, surtout ces derniers temps, à un site d’information parodique, que souvent on préfère suspecter un malentendu plutôt que d’accorder tout son crédit aux alertes qui sont lancées. Cela a commencé hier soir : la communauté médicale présente sur Twitter s’affolait. On criait au scandale : la semaine prochaine, les médecins libéraux ne pourront pas commander de vaccin contre la Covid à leur officine de proximité. Il ne fallut guère attendre pour entendre le patron de l’Union française pour une médecine libre (UFML), le docteur Jérôme Marty crier au scandale et s’émouvoir que le gouvernement ait choisi de déshabiller Pierre (comprendre les médecins) pour habiller Paul (les pharmaciens). La Fédération des médecins de France (FMF) réagissait également avec emportement : « De qui se moque-t-on ? ».

Un scandale tant sur le fond que sur la forme !
En pleine opération séduction du gouvernement voulant mettre en avant sa capacité à accélérer significativement la campagne de vaccination, difficile de ne pas considérer (espérer ?) que l’irritation est mauvaise conseillère et qu’un malentendu est en cause. Pourtant, le message du fil DGS-urgent est sans ambiguïté. Il concerne l’organisation de la campagne de vaccination des pharmacies d’officine et précise incidemment : « A noter que pour la semaine du 8 mars, la commande ne sera ouverte que pour les besoins propres des officines, il ne sera pas possible de prendre des commandes pour les médecins compte tenu du nombre de doses livrées par AstraZeneca ». Non seulement l’information constitue pour les médecins priés de suspendre pendant une semaine leur participation à la campagne de vaccination un scandale en terme d’organisation des soins (alors que la réunion sur six heures ou quarante-huit heures de dix patients éligibles relève souvent de la gageure), mais la façon dont elle est transmise est pour le moins cavalière puisque les difficultés qu’elle entraîne ne semblent nullement prises en compte. Sur les réseaux sociaux, de nombreux médecins ont évoqué leur désarroi à l’idée de devoir rappeler les patients sollicités quelques jours auparavant et qu’il avait parfois été difficile de convaincre… Ce matin, MG France et l’Ordre des médecins ont ajouté leurs voix à celles des mécontents, le premier demandant la démission de Jérôme Salomon et le second demandant au gouvernement de rectifier son message.

Le risque de pénurie est loin d’être aigu
La France est-elle dans une telle situation de pénurie qu’il apparaît aujourd’hui impossible que médecins libéraux et pharmaciens vaccinent concomitamment (et parallèlement à la vaccination dans les centres). Depuis le 26 décembre, la France doit avoir reçu 9 877 000 doses et 5 693 000 ont été administrées ; ce qui permet de supposer qu’un peu plus de 4 millions de doses sont encore disponibles (avec probablement une part importante de vaccins AstraZeneca, dont le taux d’utilisation est inférieur à ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna). Différents ajustements doivent être pris en compte : l’existence d’un possible décalage entre la réalité (en ce qui concerne le nombre de doses administrées et les doses reçues) et les données enregistrées, celle également d’un taux de perte inévitable et le possible choix du gouvernement de préserver les doses nécessaires à l’administration de secondes doses (soit 1 858 000 doses) même si on le sait des données de plus en plus robustes sont disponibles en faveur de la possibilité d’un espacement plus important sans dommage pour l’efficacité de la campagne. Néanmoins, en dépit de ces différents ajustements, on mesure que la France doit facilement disposer d’au moins 1 million de doses aujourd’hui. La cadence de ces dernières semaines (si l’on exclut le caractère exceptionnel de ce week-end) tourne autour de 100 000 doses administrées par jour. Même en cas de doublement du nombre d’injections, il semble peu probable que la France soit en fin de semaine dans une situation de pénurie (et même de flux tendu), d’autant plus que de nouvelles livraisons sont régulièrement attendues. Dès lors, le choix du gouvernement de limiter la vaccination des médecins généralistes la semaine prochaine n’apparaît pas parfaitement lisible (litote). Par ailleurs, les pharmaciens auront la possibilité d’administrer le produit d’AstraZeneca mais également pour ceux qui seront formés pour le faire les vaccins à ARNmessager : dans un tel contexte la privation des médecins de la possibilité de vacciner leurs patients (qu’ils avaient pour beaucoup déjà alertés) ne peut susciter que l’incompréhension, voire la colère (cette possibilité pourrait cependant ne pas être ouverte le 15 mars).

Vaccinodromes : la France y a toujours cru !

Il s’agit d’un nouvel indice confirmant que l’organisation de la vaccination par les pouvoirs publics semble échapper à une ligne directrice claire et aristotélicienne. Un autre exemple est l’annonce de la mise en place de « super centres de vaccination ». Tous se souviennent (sauf apparemment le ministre de la Santé) que les pouvoirs publics et Olivier Véran en tête s’enorgueillissaient au mois de décembre que la France, contrairement à d’autres, et notamment à l’Allemagne, n’ait pas fait le choix de s’orienter vers des vaccinodromes, signes d’une campagne déshumanisée. Mais après le fiasco du lancement de la campagne, le gouvernement s’est rapidement dédit pour mettre en place des centres. Aujourd’hui, il étudierait même la possibilité de centres de vaccination géants pour permettre une distribution plus rapide et facile des 35 millions de doses attendues en avril. Même le mot de vaccinodrome est lâché et on va jusqu’à affirmer qu’il n’a jamais été banni : « L’option des vaccinodromes n’a jamais été écartée mais, jusqu’à présent, nous avions des approvisionnements limités pour un public fragile et restreint. Quand on aura passé le cap du million de doses livrées par semaine, il faudra multiplier les canaux et redimensionner les centres de vaccination. » Mais là encore, il faudra trouver une bonne articulation avec les autres pôles de vaccination et notamment les cabinets médicaux et les officines, afin d’éviter que les couacs comme celui d’hier ne se répètent qui sont particulièrement dommageables pour la confiance des professionnels de santé, mais aussi des Français. Or, en la matière, même si les réticences apparentes du début sont clairement oubliées, des inquiétudes persistent, concernant notamment le vaccin AstraZeneca. Un récent sondage réalisé par YouGov montre ainsi que 22 % des Français (et 27 % des Allemands) refusent de se faire immuniser grâce à ce vaccin et préfèrent attendre de pouvoir avoir accès à un autre produit… une proportion qui ne dépasse pas 2 % en Grande-Bretagne (patrie de l’AstraZeneca) !

Olivier Véran a promis que l’accélération de ces derniers jours n’était pas uniquement un coup de communication et qu’elle serait pérenne. Encore faut-il pour cela pouvoir compter sur une organisation sans faille et éviter de multiplier les ratés… pour l’heure, cet espoir a été maintes fois déçu.

Aurélie Haroche