Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Une majorité de professionnels de santé récuse l’éviction scolaire des enfants de plus de 12 ans non vaccinés

Octobre 2021, par Info santé sécu social

Publié le 14/10/2021

Beaucoup avaient craint que la rentrée n’entraîne un rebond de l’épidémie de Covid en France. Six semaines après le retour en classe de millions d’enfants et d’adolescents, aucune hausse des contaminations n’a cependant été observée, pas plus que l’explosion de cas pédiatriques graves redoutée (et annoncée !). Les perturbations sur la vie scolaire sont également minimes, puisque seuls quatre structures étaient fermées la semaine précédant le 8 octobre (sur 59 650) et 1254 classes (soit 0,24 %).

Des protocoles assouplis en primaire
On le sait, dans les écoles primaires, le protocole a été assoupli (avec notamment la levée de l’obligation du port du masque pour les enfants) dans un grand nombre de départements, tandis que certains ont commencé à expérimenter de nouvelles règles qui supposent l’éviction des seuls enfants contaminés, plutôt que la fermeture systématique de la classe. Au collège, la donne est différente. L’assouplissement du port du masque n’est pas à l’ordre du jour, tandis que le gouvernement a choisi de maintenir son cap d’une éviction des seuls adolescents de plus de 12 ans cas contact non vaccinés.

Gouvernement désavoué
Ce choix est cependant assez largement contesté tant d’un point de vue sanitaire qu’éthique. Un sondage réalisé sur notre site du 21 septembre au 10 octobre révèle ainsi la nette opposition des professionnels de santé à cette orientation. Ainsi, pour les enfants de plus de 12 ans, face à un cas d’infection par SARS-CoV-2 dans leur classe, ils ne sont que 23 % à être favorables à l’éviction des adolescents cas contact non vaccinés, tandis qu’une large majorité (66 %) préconiserait l’isolement pendant une semaine des seuls enfants testés positifs. On relèvera encore qu’adeptes de la plus grande prudence et tenant compte des incertitudes liées à un dépistage réalisé à un instant T, 7 % opteraient pour une fermeture systématique de la classe, tandis que 4 % ne se prononcent pas (sur 796 répondeurs au total). Ce sondage marque tout d’abord un désaveu des choix faits par le gouvernement, c’est-à-dire une défiance très claire des professionnels de santé quant aux capacités de ce dernier à prendre les mesures adaptées dans ce domaine.

On relèvera par ailleurs que cette position des professionnels de santé peut aisément s’expliquer par les limites tant épidémiologiques qu’éthiques d’une éviction des seuls enfants non vaccinés. D’abord, compte tenu du fait qu’il continue à exister un risque d’infection et de transmission par les sujets vaccinés (même s’il est diminué et que la protection pourrait même être plus forte chez les adolescents et les adultes), on ne peut que s’interroger sur la pertinence d’une politique d’éviction qui ne cible que les personnes non immunisées par la vaccination. Le Conseil scientifique avait par ailleurs remarqué dans un avis publié le 13 septembre : « Le traitement différencié des élèves identifiés comme contacts à risque et non-vaccinés soulève d’autres interrogations (…) : les déclarations sur l’honneur à l’établissement relative au statut vaccinal des élèves peuvent manquer de fiabilité. (…) La proportionnalité des désavantages subis par les élèves non-vaccinés peut être discutée : il existe un risque de « double peine » pour les élèves non-vaccinés identifiés cas-contacts et isolés. Au risque subi pour leur santé s’ajoute une perturbation potentielle de leur scolarité. Cette situation peut en outre concerner davantage des adolescents déjà défavorisés socialement et renforcer les inégalités sociales face à la maladie et face à l’éducation ». Sur ce point, certains ont mis en garde quant à un possible renforcement de la fracture entre les familles hostiles au vaccin et les institutions scolaires et sanitaires. Par ailleurs, le Conseil constatait encore que « Le dépistage réactif des élèves d’une classe lorsqu’un cas y est détecté possède une efficacité supérieure tant au plan sanitaire qu’au plan pédagogique ».

Une incidence faible et une couverture vaccinale remarquable
Le gouvernement a pourtant préféré maintenir son cap. Il faut dire que ce choix a été facilité par la situation épidémiologique et vaccinale, qui a limité les cas dans lesquels ces évictions ciblées ont dû être faites (et donc les possibilités de contestation des familles pouvant s’interroger sur la légalité d’une telle mesure). En effet, l’incidence est faible chez les 12/17 ans. Si les chiffres du ministère ne permettent pas de le mettre en évidence (puisqu’ils regroupent tous les élèves quel que soit leur âge), il apparaît que le taux d’infection par le SARS-CoV-2 était de 48/100 000 chez les 10/19 ans au cours de la semaine du 4 au 10 octobre, un taux qui n’a cessé de baisser de semaine en semaine et qui continue à connaître une diminution franche (passant de 60 à 48 en sept jours). Sans doute, faut-il y voir en partie la conséquence d’un niveau de vaccination élevé. Il atteint en effet aujourd’hui 74,5 % chez les 12/17 ans, ce qui est remarquable pour une population qui présente un risque de forme grave très limité et alors qu’elle n’a pu accéder à la vaccination que depuis le 15 juin.

Dans les collèges et les lycées : des campagnes vaccinales laborieuses
Entre la veille de la rentrée et aujourd’hui, cette couverture vaccinale a gagné près de 11 points. Faut-il y voir le succès des campagnes organisées dans les lycées ? Pas si sûr. Ces dernières ont en effet été plutôt laborieuses. Le 20 septembre, l’Education nationale admettait que « Depuis la rentrée, 1 314 établissements ont proposé un parcours vaccinal à leurs élèves de collège et lycées sur les 10 000 établissements recensés au niveau national », soit 13 %. Au-delà des effets d’annonce, le gouvernement aurait manqué de volonté politique, comme le confirme le choix de déléguer l’organisation aux Académies. Si certains syndicats le déplorent, notant le rôle que l’école aurait pu jouer notamment pour résorber les importants écarts entre les départements et les populations favorisées et défavorisées, d’autres font cependant valoir que depuis le début de l’épidémie, il existe une réticence des familles à voir l’école jouer un rôle dans la gestion sanitaire. Une enquête réalisée par le Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale avait ainsi mis en évidence que « Les familles ne reconnaissent pas en l’école une compétence médicale. C’est une des conclusions qu’on en tire : elles ne considèrent pas que c’est notre rôle », avait commenté le président de l’organisation, Bruno Bobkiewicz. Ainsi, c’est donc plus certainement la perspective de l’élargissement du passe sanitaire aux plus de 12 ans et la possible éviction des enfants non vaccinés qui ont joué un rôle majeur.

Aurélie Haroche