Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Vaccin AstraZeneca : faut-il le rendre accessible sans critère d’âge ?

Mai 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mercredi 5 mai 2021

Sur les 5 218 200 doses du vaccin d’AstraZeneca reçues au 2 mai par la France, 3 938 000 avaient été administrées, soit 75 %. Ce taux est bien inférieur aux plus de 90 % et de 85 % des vaccins de Pfizer et de Moderna. Or, la France vient de recevoir 2 millions supplémentaires du produit d’AstraZeneca, tandis que de semaine en semaine, la proportion de Français auxquels il est injecté diminue. On comptait ainsi 75 000 vaccinations réalisées quotidiennement grâce à AstraZeneca il y a encore quinze jours, contre 27 000 actuellement.

Tous les plus de 55 ans susceptibles d’accepter le vaccin AstraZeneca déjà vaccinés ?
Pourtant, les médecins de ville et les pharmaciens d’officine ne ménagent pas leurs efforts et obtiennent des résultats certains. Ainsi, 90 % des vaccins AstraZeneca qui ont été à ce jour commandés par les pharmacies ont été administrés et 75 % pour les cabinets médicaux. Cependant, les médecins ne cachent pas que le vivier des patients candidats à cette vaccination s’amenuise de jour en jour. Compte tenu de la recommandation de la HAS de réserver ce vaccin aux plus de 55 ans, les marges de manœuvre sont encore réduites. Ainsi, entre les personnes protégées avant l’arrivée sur le marché d’AstraZeneca, celles aujourd’hui éligibles à la vaccination mais qui refusent tout vaccin et celles qui préfèrent attendre de pouvoir bénéficier d’un vaccin à ARNm (en particulier quand ils seront délivrés en médecine de ville), la part des habitants susceptibles de recevoir le produit d’AstraZeneca est très réduite. Dans les Echos, le président de MG France, résume : « Sur les plus de 55 ans, la messe est dite. On a fait le tour des personnes éligibles. Celles qui restent ne veulent pas d’AstraZeneca ».

Second pourvoyeur de vaccins en France
Difficile pourtant de se passer complètement de ce vaccin, comme a choisi de le faire le Danemark. AstraZeneca représente en effet 14 % de l’ensemble des 51 millions de doses qu’attend la France d’ici le 20 juin. Le laboratoire est le second contributeur après Pfizer/BioNTech. En tout état de cause, choisir de renoncer à AstraZeneca remettrait en cause la politique d’ouverture souhaitée par le gouvernement. Parmi les répercussions d’un abandon de ce vaccin, la nécessité de réserver des doses de vaccin ARNm pour la seconde dose de toutes les personnes ayant reçu une première dose d’AstraZeneca (et non plus seulement les moins de 55 ans) accroîtrait encore les tensions sur les stocks. On peut également redouter des conséquences sur la confiance générale visant l’ensemble des vaccins.

Réhabiliter AstraZeneca pour la seconde dose ?
Aussi, plutôt que de faire le choix de se passer d’AstraZeneca, il semble plus pertinent d’accroître ses indications. Première possibilité : revenir sur le choix d’administrer un vaccin ARNm en seconde dose pour les personnes jeunes primo-vaccinés avec le produit d’Oxford. Cela permettrait d’éviter de gâcher des doses, tout en conservant les vaccins ARNm pour les premières injections. Cette position serait conforme aux préconisations de l’Agence européenne du médicament. Cependant, la Haute autorité de Santé (HAS) serait alors une nouvelle fois contrainte de se dédire et cela pourrait accroître la défiance vis-à-vis des autorités scientifiques. A moins que constatant qu’il n’existe plus de réserve sur l’administration de la seconde dose, certains reconsidèrent leur refus de ce vaccin.

Stratégie à haut risque
L’autre choix consisterait à revenir sur la limite d’âge et permettre à tous ceux le souhaitant de recevoir ce vaccin. Quelques Länder allemands se sont engagés sur cette voie. Le ministre de la Santé (français) a demandé à la HAS de travailler sur cette piste et ne cache pas que les experts sont réservés. Gabriel Attal a confirmé aujourd’hui que les "premiers retours" ne s’orientent pas vers une "réponse favorable". Une décision est attendue en fin de semaine. Le gouvernement pourrait-il passer au-delà d’un avis négatif ? Les divergences entre les choix du gouvernement et les positions de la HAS sont possibles (ce fut le cas par exemple concernant l’espacement entre les doses), mais dans la perspective d’accroître l’adhésion à ce vaccin, les pouvoirs publics ont besoin d’une caution scientifique. Il faut en tout état de cause éviter de donner le sentiment que le vaccin est bradé. Mais une fois encore, l’élargissement de la vaccination pourrait permettre de rassurer la population, quand elle constatera l’absence d’accidents fréquents dans le cadre d’une utilisation plus massive.

Très rares sont les pays d’Europe à ne pas avoir imposé de limite d’âge : l’Autriche a adopté une telle position, tandis que la Grande-Bretagne n’a fixé que tardivement le seuil de 30 ans. La Belgique, qui n’a jamais suspendu le vaccin AstraZeneca, a pour sa part choisi une voie à mi-chemin en abaissant l’âge recommandé à 40 ans, après avoir d’abord fixé un seuil à 55 ans.

Donner des raisons de se faire vacciner !
La défiance vis-à-vis d’AstraZeneca n’est pourtant pas une fatalité. Malgré un parcours exactement similaire (recommandation initiale visant les plus jeunes, puis suspension et préconisation de réserver le produit aux plus âgés), l’Espagne voit 90 % de ses doses d’AstraZeneca utilisées. On mesure bien que c’est dans un contexte général que s’inscrit la suspicion vis-à-vis du vaccin d’AstraZeneca. Le choix fait par l’Espagne dans cette seconde phase de l’épidémie de parier plus certainement sur la responsabilité et l’autonomie des populations explique peut-être aujourd’hui l’attitude des populations vis-à-vis de la vaccination.

N’est-il pas temps pour la France de s’interroger sur la pertinence d’accorder plus de liberté aux personnes vaccinées, ce qui pourrait permettre de renforcer l’adhésion à tous les vaccins. En Allemagne, cette étape est aujourd’hui franchie : à partir de demain, les personnes ayant reçu les deux doses de vaccins ne seront plus obligées de se soumettre au couvre-feu. Et si la France s’en inspirait en permettant par exemple aux personnes vaccinées de retirer leur masque en extérieur ?

Aurélie Haroche