Le droit à la santé et à la vie

Journal International de Médecine - La tuberculose tue une petite fille en Bretagne

Février 2017, par Info santé sécu social

Une enfant de quatre ans est morte, victime d’une méningite tuberculeuse, à l’hôpital Sud de Rennes, selon des informations publiées aujourd’hui par le quotidien Ouest-France. Peu d’informations ont été données sur la petite fille et sur les circonstances de son exposition au bacille de Koch.

Il est uniquement précisé que l’enfant était originaire de Vildé-Guingalan (Côtes d’Armor) et que sa prise en charge par le centre hospitalier de Rennes n’a pas permis de la sauver. Immédiatement, des mesures ont été prises par l’Agence régionale de Santé (ARS), qui a déjà récemment dû faire face à des crises similaires, après par exemple plusieurs cas de méningite détectés à Broons (sud de Dinan). A Vildé-Guingalan, un protocole a été mis en place qui repose sur la réalisation d’une radio pulmonaire, qui sera renouvelée dans les trois mois. « Toutes les personnes ayant eu un temps de contact cumulé de huit heures lors des trois derniers mois » avec la petite fille sont concernées, ce qui inclut notamment les enfants scolarisés dans la même école maternelle.

Dépistage des nouveaux arrivants : un programme qui marche

Ce cas dramatique invite à rappeler que si elle est en constat recul, la tuberculose n’a nullement disparu en France. Les chiffres publiés en mars 2016 confirmaient qu’en 2014, « le nombre de cas de tuberculose déclarés continue de baisser, avec une incidence qui reste faible (4 827 cas, soit 7,3 cas pour 100 000 habitants, comparés à 7,5/100 000 en 2013) » indiquait l’Institut national de veille sanitaire. Plusieurs régions sont particulièrement touchées : la Guyane, l’Ile-de-France et Mayotte. Des groupes de population sont également particulièrement exposés : « Le taux de déclaration était 10 fois supérieur chez les personnes nées à l’étranger par rapport à celles nées en France, avec les taux les plus élevés chez les personnes nées en Afrique subsaharienne et en Asie » rappelait en 2015 une étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Ces chiffres, s’ils ne doivent pas participer à une stigmatisation des migrants peuvent inviter à des mesures particulières. Un programme de dépistage radiologique de la tuberculose chez les nouveaux arrivants en Grande-Bretagne a en effet permis une baisse du nombre de diagnostics chez les migrants, comme l’a mis en évidence une étude publiée fin 2016 dans le Lancet.

46 % des cas de tuberculose en province auraient pu être évités par la vaccination

La vaccination obligatoire par le BCG a été on le sait suspendue en 2007. Elle ne s’impose donc désormais plus que chez certaines personnes (professionnels de santé notamment, personnels des établissements pénitentiaires, assistantes maternelles et pompiers). Elle demeure néanmoins fortement recommandée chez les enfants vivant en Ile-de-France, en Guyane, à Mayotte, chez ceux nés dans un pays où la tuberculose est endémique, chez ceux vivant dans des conditions précaires et ceux ayant des antécédents familiaux de tuberculose. Aujourd’hui, la couverture vaccinale par le BCG atteint 80 % en Ile de France et en Guyane, ce qui est inférieur à l’objectif de 95 %, tandis que des disparités importantes existent entre les enfants suivis par les PMI et les autres. La levée de l’obligation vaccinale et la baisse de la couverture vaccinale constatée depuis 2006 ne semblent pas avoir eu « à ce jour d’impact sur l’épidémiologie de la tuberculose de l’enfant au-delà de ce qui était attendu. Le nombre de cas de tuberculose chez les enfants de moins de 9 ans est en effet stable, et le nombre de cas sévères dans ce groupe d’âge ne dépasse pas le nombre attendu par les prévisions effectuées au moment du changement de politique vaccinale BCG » indiquait l’année dernière l’INVS. Néanmoins, dans les régions non ciblées par la recommandation, la couverture vaccinale est très faible (inférieure à 50 % chez les enfants à risque de tuberculose suivis en médecine libérale). Face à cette constatation, déjà en 2012, une étude publiée dans le BEH considérait que 46 % des cas de tuberculose déclarés en province, auraient pu être évités par le BCG, des chiffres qui éclairent le cas mortel de Vildé-Guingalan, même si le statut vaccinal de la fillette n’est pas connu. On sait en effet que l’efficacité du BCG n’est pas parfaite (ce qui a entre autres conduit à la levée de la vaccination) : néanmoins, on considère que la vaccination protège les enfants de formes graves de la tuberculose dans 75 % des cas.

Rupture de stocks du vaccin

La levée de l’obligation vaccinale est à l’origine du recul de la couverture (ce qui est riche d’enseignements à l’heure où la question de l’obligation se pose pour d’autres vaccins). Cependant, les ruptures de stock du vaccin ont également pu contribuer ces deux dernières années à empêcher l’accès à la vaccination. Depuis la fin de l’année 2014, le vaccin BCG-SSI commercialisé par les laboratoires Sanofi-Pasteur connaît des ruptures d’approvisionnement, qui ont même conduit à un épuisement total du stock depuis mars 2016. Cette situation a contraint les laboratoires à se fournir sur le marché polonais, tandis que le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) a dû établir un ordre de priorité à la vaccination. Ainsi, doivent être privilégiés les enfants nés en Guyane et à Mayotte et en métropole « les enfants âgés de moins de cinq ans ayant un facteur de risque de tuberculose identifié ». A l’occasion de la publication de nouveaux chiffres sur l’épidémiologie de la tuberculose en France à la fin mars, peut-être pourra-t-on mesurer les premiers impacts de cette situation de pénurie (même si les chiffres les plus intéressants devront sans doute se faire attendre jusqu’en 2018).

Aurélie Haroche