L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

L’Anticapitaliste Hebdo : Pénurie d’amoxicilline… et si on réquisitionnait une ligne de production de Sanofi ?

Novembre 2022, par infosecusanté

L’Anticapitaliste Hebdo : Pénurie d’amoxicilline… et si on réquisitionnait une ligne de production de Sanofi ?

Frank Prouhet

Hebdo L’Anticapitaliste - 639 (01/12/2022)

Après le paracétamol, c’est l’amoxicilline, seule ou en association avec l’acide clavulanique, qui risque de manquer jusqu’en mars 2023. La pénurie de cet antibiotique, qui représente 60 à 70 % des prescriptions en pédiatrie, constitue « une crise majeure de santé publique ». Un effet domino est possible car, en raison des reports de prescriptions, la pénurie pourrait toucher les alternatives à l’amoxicilline. L’antibiorésistance pourrait être majorée par l’usage d’antibiotiques moins adaptés.

En quelques années, les ruptures de médicaments ont explosé : 405 en 2016, 2 160 en 2021. Avec parfois des conséquences dramatiques. Pendant la crise du covid, les curares, essentiels à l’anesthésie, sont venus à manquer partout dans le monde. Les services de réanimation, confrontés à des choix éthiques impossibles, ont dû dégrader la qualité et les standards des anesthésies. Pour ces médicaments peu chers, la production capitaliste du médicament exige zéro stocks, production à flux tendu, délocalisation et concentration de la production des principes actifs dans des pays à bas coûts salariaux (80 % des principes actifs des produits pharmaceutiques viennent de Chine et d’Inde), faibles critères de sécurité de production et orientation préférentielle des médicaments en pénurie vers les marchés qui payent les prix les plus hauts.

Ajouté aux risques majorés de pandémie, la guerre en Ukraine et les affrontements inter-impérialistes, les pénuries sont structurelles à la production capitaliste d’un médicament marchandise, alors que le droit à la santé exigerait qu’il soit un bien commun enlevé au marché.

Réorganiser la production vers un pôle public du médicament
Bien sûr, il faut réduire les prescriptions d’antibiotiques à ce qui est nécessaire à la bonne santé des patients, et non à la santé des trusts, généraliser les streptatests qui dépistent les 5 % d’angines bactériennes qui seules nécessitent des antibiotiques, défendre une information médicale indépendante contre les visiteurs médicaux, en finir avec les fermes-usines et leur consommation généralisée d’antibiotiques pour animaux — catastrophe écologique et facteur de résistance aux antibiotiques. Mais aussi réorganiser la production. En avril 2020, en pleine crise du covid, l’Observatoire pour la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) aux côtés de soignants, d’associations de malades avait saisi le Conseil d’État « pour exiger la réquisition sur le sol français des moyens de production pour produire les matériels, tests et médicaments dont nous avons besoin ». L’Observatoire, qui exige « un pôle public du médicament, une relocalisation des productions pour faire face aux pénuries, pandémies et crises géo-stratégiques à venir », notait qu’une production publique avait été nécessaire en avril 2021 pour pallier les ruptures de curares dans les structures hospitalières.

Face la pénurie d’antibiotiques, les capacités de production et les compétences sont là, mais elles sont aux mains de Big Pharma. Elles ont déjà été payées par les milliards de crédits d’impôts recherche, compétitivité, subventions covid qui ont fait la richesse des actionnaires mais privent les peuples de médicaments, et hier de vaccins essentiels. Le seul pôle public du médicament qui vaille, immédiat, et qui ne laisserait pas aux trusts les secteurs rentables de la pharmacie, c’est la réquisition d’une chaîne de production de Sanofi pour produire et distribuer les antibiotiques essentiels en pénurie. Premier pas vers la socialisation indispensable de Big Pharma !