Le handicap

L’Humanité - Allocation. Des adultes handicapés obligés de renoncer au mariage

Mars 2019, par Info santé sécu social

L’Humanité, 7 mars 2019

Le Parlement examine aujourd’hui une proposition communiste visant à améliorer l’autonomie financière des handicapés.

Sur 2,7 millions de personnes administrativement reconnues handicapées en France, 1 million vivent sous le seuil de pauvreté. Leur grande précarité, trop méconnue, est en partie liée à leur difficulté à trouver du travail. Seuls 20 % d’entre elles ont un emploi. Et quand elles ne sont pas exclues du monde professionnel, elles restent frappées de plein fouet par la précarité croissante du monde du travail. La plupart des contrats trouvés sont fragiles. Leur salaire médian est même inférieur de 200 euros environ à celui des personnes valides. Plus le handicap est sévère, et plus la pauvreté augmente.

La pension d’invalidité, certains compléments de ressources et l’allocation adulte handicapé (AAH) ont pour but d’y pallier. Sauf que l’AAH, réservée aux personnes dont le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 80 %, est aujourd’hui calculée en prenant en compte les revenus des conjoints. Une situation que dénonce Patrice Tripoteau, directeur adjoint de l’association APF-France Handicap. « Quand deux personnes, dont une avec une incapacité durable de travailler, veulent se mettre en couple, la personne handicapée peut voir son AAH supprimée et complètement dépendre de son conjoint », explique-t-il. En plus d’augmenter la précarité des personnes concernées, cette mesure baisse les revenus propres des handicapés et augmente leur dépendance. « Souvent, ils vivent en couple en clandestinité. Ils nous disent avoir le sentiment que “le mariage n’est pas pour tous” et y renoncent. »

250 000 personnes exclues de la hausse de l’AAH
Un poids sur les couples et la vie de ces citoyens, alourdi par les décisions gouvernementales. Emmanuel Macron avait pourtant fait de la revalorisation de l’AAH le symbole du maigre « volet social » de son projet. Celle-ci devrait passer progressivement de 810 à 900 euros mensuels, fin 2019. Soit un montant bien inférieur au seuil de pauvreté, alors même que le plafond de revenus pour un couple a été abaissé à 19 505 euros par an. Ce qui exclu plus de 250 000 personnes de la hausse de l’AAH. Un abandon déguisé et « assez cynique », estime Marie-George Buffet.

La députée PCF présente ainsi, aujourd’hui dans l’Hémicycle, une proposition de loi visant à supprimer les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. Soutenue par toutes les associations de défense des personnes handicapées, et par plus de 80 députés de tous bords, elle a pour objectif de faciliter l’accès à l’AAH. Un combat pour plus de pouvoir d’achat, comme on dit aujourd’hui dans le pays, mais surtout pour plus « d’autonomie et de dignité pour les personnes handicapées ». Marie-George Buffet avait déjà tenté de proposer une loi en ce sens, reprise l’an dernier, sans succès, par le groupe communiste (CRCE) au Sénat. APF-France Handicap, qui milite pour une modification de l’allocation depuis des années, salue que ses revendications soient reprises au Parlement. Pour Patrice Tripoteau, il faudrait aussi prendre en considération toutes les personnes handicapées actuellement cantonnées à des pensions dérisoires, et bien souvent inférieures à 800 euros par mois. L’association appelle également à ce que, comme il le faudrait pour les retraites, l’AAH soit indexée sur l’inflation.

Marie-George Buffet, qui défend une hausse des allocations, précise que l’enjeu est au final de mieux protéger les personnes en situation de handicap, et de les sortir de la pauvreté. La loi examinée ce jour pourrait ainsi constituer un premier pas dans une lutte pour, selon les mots de la députée, « enfin donner aux handicapés la possibilité de bien vivre ».